Barrages hydroélectriques : pourquoi sont-ils une fausse solution  ?

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    Souvent présentés comme des solutions durables pour la transition écologique, les barrages sont aujourd’hui dénoncés par les associations de défenses de l’environnement. En marge du Congrès mondial de l’hydroélectricité qui s’est déroulé 14 au 16 mai à La Défense (92), plusieurs ONG françaises et internationales ont organisé un sommet parallèle et une action de désobéissance civile aux côtés d’Extinction Rebellion, pour dénoncer les ravages de ces centrales.

    Evénement Hydrodésastre à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Alessandra Korap, leader du peuple Munduruku, participait à l’action contre les barrages en marge du Congrès mondial de l’hydroélectricité, à la Défense le 14 mai 2019

    Ce midi, un vent « d’amour et de rage » souffle sur le parvis de la Défense (92). Porté par cette énergie, le mouvement Extinction Rebellion a mené le mardi 14 mai une action non-violente aux côtés de plusieurs associations (Planète Amazone, GegenStrömung/CounterCurrent, Rivers without boundaries et International Rivers). À la sortie de la station de métro, une trentaines de militant.e.s se sont regroupé.e.s autour d’un amoncellement de branchages, comme ceux que construisent les castors en guise de barrages. Des castors qui s’appellent EDF ou ENGIE et dont les logos étaient repris avec ironie sur des pancartes : « Engie. Redécouvrons l’énergie… détruisons l’Amazonie », « Alstom. Avec Belo Monte, nous liquidons votre avenir », « EDF. Nous allons détruire l’Amazonie ensemble… avec l’argent de vos impôts ». Une action de désobéissance civile qui voulait non seulement dénoncer les ravages environnementaux et sociaux des barrages, mais aussi remettre les peuples autochtones au centre du débat.

    Associations de protection des rivières et représentant.e.s de peuples autochtones venu.e.s du Brésil et de Colombie ont successivement pris la parole, pour accueillir en grande pompe les participant.e.s au Congrès mondial de l’hydroélectricité (World Hydropower Congress) exigeant de rendre « la terre à ceux et celles qui en prennent soin ».

    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    ONG de protection des rivières et représentant.e.s de peuples autochtones manifestent à l’ouverture du Congrès mondial de l’hydroélectricité / ©Cypriane El-Chami

    Les barrages, solution-miracle à la transition énergétique d’après les grandes entreprises

    Organisé par l’Association internationale de l’hydroélectricité (IHA), du 14 au 16 mai, le congrès officiel rassemblait lobbys, entreprises, représentant.e.s de gouvernements venus du monde entier. Leur objectif : promouvoir les centrales hydrauliques auprès des États comme solutions à la transition énergétique, pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris.

    Depuis 2016, les 196 États qui ont signé cet accord, peuvent allouer des fonds publics à des entreprises proposant des solutions « propres » pour lutter contre la crise climatique. Ces fonds doivent permettre aux États d’atteindre les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis en 2015 par les Nations Unies. Une aubaine pour les entreprises de l’hydroélectricité, comme les françaises EDF ou ENGIE.

    Or, pour plusieurs ONG, les barrages sont une fausse solution en raison de leurs impacts dévastateurs sur le terrain. Un article paru dans la revue Nature montre que seuls 37 % des fleuves de plus de 1 000 km sont toujours sauvages et que 23 % de ces mêmes fleuves coulent sans discontinuer jusqu’à l’océan. Les conséquences écologiques et humaines peuvent être extrêmement graves. C’est donc pour dénoncer cet « hydrodésastre » que les ONG ont organisé une journée de conférences sur les barrages, la veille du congrès officiel, et mené une action non-violente avec le mouvement citoyen Extinction Rebellion pour son ouverture.

    « Les rivières sont bien plus que de l’eau »

    C’est à la mairie du 6e arrondissement de Paris que s’est tenue, lundi 13 mai, la journée de réflexion parallèle autour de l’hydroélectricité. Associations de protection des rivières et leaders de peuples autochtones ont dénoncé avec véhémence les barrages hydroélectriques, avec études scientifiques et témoignages du terrain à l’appui.

    Pour Thilo Papacek, de l’association allemande GegenStrömung/CounterCurrent, les barrages ne permettent pas de valider les ODD. Les centrales empireraient même la situation. Leur construction fragilise dangereusement la biodiversité des fleuves, des rivières et des côtes. Elle met en péril le mode de vie de populations locales. En bloquant les cours d’eau, les barrages empêchent la bonne migration des poissons pour se reproduire par exemple. Cela compromet l’activité générée par la pêche.

    « Les rivières sont bien plus que de l’eau », a souligné Heike Drillisch, de la même ONG. « Notre forêt est notre supermarché, a rappelé le Cacique Arnaldo Kabá, du peuple Munduruku au Brésil. C’est de notre forêt, notre fleuve, qu’on nourrit nos enfants. »  Certains lieux détruits sont considérés comme des sites sacrés. C’est pour protéger leur mode de vie que les Munduruku se battent depuis des années contre la construction d’un barrage sur la rivière Tapajos, au Brésil.

    Endiguer des fleuves… et des peuples

    Vivre à proximité d’un barrage n’est pas toujours un avantage pour ces peuples. Ils paient souvent l’électricité plus cher encore qu’auparavant. D’un point de vue démocratique comme environnemental, les centrales hydroélectriques peuvent s’avérer un cadeau empoisonné.

    Par ailleurs, en 2000 déjà, le rapport de la Commission mondiale des barrages estimait que 40 à 80 millions de personnes ont été déplacées, sans garantie d’une compensation financière suffisante et sans avoir pu donner leur avis.

    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Alessandra Korap a interpellé les participant.e.s au Congrès sur les ravages des barrages / ©Cypriane El-Chami

    Alessandra Korap, leader du peuple Munduruku, a lu une lettre pour exiger le droit de délimitation de son territoire. Un droit enlevé par le président Jair Bolsonaro lors de sa venue au pouvoir au Brésil. Elle a expliqué être même retournée à l’université. Elle y suit des cours de droits, pour « se battre aussi par le papier. »

    Mourir pour défendre une rivière

    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Le Cacique Arnaldo Kabá montre le portrait d’une victime tuée lors d’affrontements contre les barrages / ©Cypriane El-Chami

    Mais lutter contre les barrages peut être mortel. D’après Thilo Papacek, 207 personnes ont été tuées en 2017 parce qu’elles « défendaient des rivières ». Juan Pablo Soler Villamizar, membre du Movimiento Rios Vivos colombien, parle de véritables « massacres humains ».

    Il condamne également les alliances entre la police et les entreprises minières et de barrages. Près d’un millier de contrats, d’après lui, remettent en cause l’impartialité des forces de l’ordre face aux opposant.e.s des barrages.

    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Un die-in a été organisé en hommage aux victimes des barrages. Leur nom et le contexte de leur mort a été énoncé en français et en portuguais / ©Cypriane El-Chami
    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Les représentant.e.s du peuple Munduruku ont rejoint les activistes d’Extinction Rebellion dans un die-in / ©Cypriane El-Chami

    D’autres solutions existent

    Jeff Opperman, spécialiste en chef de l’eau douce à WWF, co-auteur du rapport Connected & Flowing réalisé avec The Nature Conservancy, a montré que, depuis 2013, la construction de nouvelles centrales hydroélectriques est en baisse, pour plusieurs raisons :

    • les coûts de production de l’énergie solaire et éolienne diminuent
    • les risques de sécurité (effondrements de barrages par exemple) augmentent
    • les budgets sont souvent dépassés
    • la résistance citoyenne grandit.

    Selon ce rapport, les énergies renouvelables pourraient résoudre le problème du dérèglement climatique sans sacrifier les dernières rivières naturelles. Une opinion partagée par la chercheuse Courtney Weatherby de l’Institut Stimson états-unien. Elle explique que dans certaines régions du Mekong, le solaire pourrait être une source d’électricité de substitution.

    Heike Drillish, de l’association GegenStrömung/CounterCurrent, a préconisé de revoir notre consommation énergétique également, en revoyant l’isolation des bâtiments par exemple.

    Pour autant, la situation ne semble pas désespérée. Eugene Simonov, de l’ONG européenne Rivers without boundaries, s’est voulu rassurant. Il a projeté la photo d’une rivière revenue à son état naturel six mois après le démantèlement d’un barrage.

    La lutte contre les barrages n’est donc pas vaine. Pour Gert-Peter Bruch, de l’association française Planète Amazone, la société civile a un levier de pression sur EDF. En effet, l’État, donc les impôts, finance l’entreprise publique à hauteur de 84 %.

    À l’issue de ce sommet alternatif, plus de 250 ONG à travers le monde ont rendu public l’appel intitulé « Les fausses promesses de l’hydroélectricité ». Cet appel dénonce les barrages et demande aux gouvernements de changer leur stratégie énergétique. Avec l’appui de la société civile.

    Evénement Hydrodésastre contre les barrages à l'Arche de la Défense par Extinction Rébellion et Planète Amazone contre le Congrès international de l'hydroélectricité à Paris, en présence de représentant.e.s du peuple Munduruku (Brésil) le 14 mai 2019 - reportage photo pour Kaizen Magazine par Cypriane El-Chami
    Le Cacique Arnaldo Kabá du peuple Munduruku face au ministère de l’Environnement, à la Défense / ©Cypriane El-Chami

    Par Cypriane El-Chami


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    3 Commentaires

    1. Je me dois d’être l’avocat du diable. Il ne fait aucun doute que la construction d’un barrage est destructeur pour la flore, la faune et la population locale. Je ne remets pas du tout en question le début de l’article. Mais le dernier parapraphe présente des contre-vérités. Au final, l’article ne présente pas les avantages des barrages.
      Premièrement, la principale raison de la difficulté de contruire un barrage est lié au coût d’investissement qui est très élevé au départ (de l’ordre du milliard d’euro et au delà). Mais une fois ce coût passé, un barrage est très rentable et ce pour des dizaines d’années, les coûts de maintenance sont relativement faibles. Sur cet aspect, l’éolien ou le solaire est intéressant à court terme parce que l’investissement peut être étalé sur des années en augmentant le parc petit à petit mais le coût global (à iso production) est élevé.
      Deuxièmement, vous annoncez qu’il existe des solutions de remplacement aux barrages. Mais une ferme éolienne ou solaire nécessite une superficie largement supérieure à la superficie d’un lac de barrage pour une même production d’électricité parce que l’énergie hydro-électrique est tout simplement celle qui a le meilleur rendement. Et on ne peut pas dire que ces fermes sont sans conséquence sur l’environnement. En outre, la production des barrages couplée à des solutions de stockage par pompage est facilement régulable contrairement à l’éolien ou le solaire qui sont des énergies intermittantes difficiles à gérer sur le réseau électrique. De plus, les barrages et les solutions de stockage par pompage ont un rôle de gestion de la fréquence du réseau.
      Et je ne parle pas des matériaux nécessaires à la mise en place de ces différentes technologies qui utilisent souvent des terres rares pour améliorer leur efficacité. Je passe un bon nombre d’avantages et d’inconvénients.
      Au final, il n’y a que des fausses solutions car chacune de ces technologies a un impact non négligeable sur les populations et l’environnement. Et dire que l’éolien ou le solaire sont des alternatives sans sacrifice est une hérésie pure. La seule véritable solution durable est la baisse de notre consommation.

      • Bonjour Lucas et merci de votre commentaire !

        Pour l’avez compris, l’objectif de cet article était d’expliquer la journée de conférences en parallèle du Congrès officiel, ainsi que l’action non-violente organisée par certaines ONG, en présentant les arguments avancés par ces dernières contre les barrages – arguments souvent peu connus par ailleurs. Vous noterez également que nous mentionnons bien d’autres options – dont une meilleure isolation et une réflexion autour de notre consommation.
        Nous sommes ravi.e.s que cet article vous ait poussé à réagir et à entretenir ce débat ! Si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez mieux comprendre les arguments des ONG, n’hésitez pas à visiter leurs sites internet, voire d’aller directement à leur rencontre !

        À bientôt !
        La rédaction de Kaizen

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