Accorderies : le temps comme monnaie d’échange

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    Dans un contexte économique et social difficile, le troc de services rassemble de plus en plus d’adeptes. Le réseau d’associations locales des accorderies permet de mettre en relation ces inconnus désireux d’échanger leur temps et leurs talents.

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    Drôle de nom que « l’accorderie », né d’un jeu de mots québécois qui désigne un réseau local où des particuliers – les accordeur(e)s – « s’accordent » pour échanger des services sans avoir recours à l’argent. Quel que soit le service échangé, une heure de temps fournie donne droit à une heure de service. Le principe est simple, démocratique et solidaire. Il met en place un système économique alternatif qui repose sur la création d’une nouvelle forme de richesse égalitaire. Chacun fait pour les autres ce qu’il sait faire selon ses disponibilités. Quand un accordeur rend un service, il reçoit du bénéficiaire un chèque-temps qu’il pourra utiliser plus tard pour demander à d’autres un coup de main.

    Le système des accorderies est né à Québec en 2002. Les premières implantations dans l’Hexagone ont vu le jour en 2011 à Paris 19e et à Chambéry. Depuis, le réseau français s’est largement étoffé, comme le souligne Pascale Caron, référente nationale : « On recense actuellement onze accorderies françaises, implantées essentiellement en milieu urbain. Les demandes de création sont formulées par des groupes de citoyens, comme c’est le cas à Die, dans la Drôme. Des collectivités – la région Rhône-Alpes – et des mairies – Paris, Bordeaux, Montpellier – ont également favorisé l’émergence d’accorderies dans le cadre d’actions de cohésion sociale de leur ville. »

    Un outil de lutte contre l’exclusion

    Alain Philippe, président de la fondation Macif, à l’origine de la création des accorderies françaises, souligne leur rôle social :

    « L’accorderie est un véritable outil pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Elle est accessible à toute personne quelle que soit sa condition sociale, son âge, sa nationalité ou ses revenus. »

    Martine, adhérente à Die, livre son ressenti : « Celui qui sait bricoler offre ses services et accumule des heures qu’il pourra ensuite utiliser pour suivre des cours d’Anglais auprès d’un autre membre. » « Accompagner une personne âgée faire ses courses, conduire son voisin chez le médecin, coudre, chanter, installer un logiciel, soigner les animaux et les plantes pendant les vacances… tout service est possible. Les accorderies sont des révélateurs de compétences que nous possédons et parfois ignorons. Elles nous offrent 1 000 possibilités de tisser des liens avec d’autres par l’échange », explique Christophe, de Paris 14e.

    Les accorderies encouragent également les échanges collectifs. Joël est viticulteur au village de Sainte-Croix, à coté de Die. Il propose à des groupes de membres des cours d’initiation à la taille et à l’entretien de la vigne. « À l’instar du Québec, nous étudions la possibilité de gérer un système de prêt pour les accordeurs qui n’ont pas accès au crédit bancaire », dévoile Léonie, animatrice à l’accorderie dioise. D’autres services collectifs émergent peu à peu tels les achats groupés de produits bio ou de fournitures scolaires. Lise Wittersheim, de l’accorderie de Paris 14e, résume parfaitement l’état d’esprit : « Tout est possible pourvu que le service soit voulu et organisé par les accordeurs eux-mêmes et que les objectifs soient de stimuler la collaboration citoyenne et de faire front à la pauvreté. »

    Créateur de lien social

    Le rôle des accorderies va bien au-delà su simple échange de services. En effet, pour un adhérent, l’accorderie est une extension de son réseau social, dans lequel les gens partagent des moments de loisir. Dans certains cas, les accorderies deviennent le symbole de la lutte contre l’exclusion sociale. C’est un moyen pour certaines personnes esseulées ou en difficulté de briser leur isolement en rencontrant des gens de leur quartier et en nouant des amitiés imprévues. Ludmilla partage par exemple ses connaissances en botanique lors de sorties dans la nature, l’occasion pour certains timides qui n’y sont pas habitués de s’adonner à un plaisir simple : une promenade au vert avec des amis. Françoise réunit des accordeurs autour de la préparation de desserts. Chacun apporte une recette qu’on prépare, améliore et… déguste. Autant de façons de s’entraider et de donner aux gens une bonne raison de se rencontrer et de ne pas rester seuls chez eux.

     

    Par Jean-Claude Mengoni

    Extrait de la rubrique Ensemble on va plus loin de Kaizen 16.

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