Créée il y a quelques mois, l’école de la Solive, basée à Paris, propose une formation de trois mois pour les particuliers qui souhaitent se reconvertir dans la rénovation énergétique. Besoin de main d’œuvre avec 300 000 postes à pourvoir, métiers « concrets » en lien avec la transition écologique, ce secteur attire de plus en plus. Une solution urgente, puisque le bâtiment représente 45% de notre consommation énergétique et 25% de nos émissions de gaz à effet de serre en France. Reportage.
Casque à la main ou casquette de protection coquée sur la tête, chaussures de protection aux pieds… Difficile de passer inaperçus pour les élèves de la Solive, campés sur le quai de gare Rosny-Bois -Perrier, banlieue à l’est de Paris. Ils et elles sont une dizaine. Au menu de la conversation : leur première visite de chantier de rénovation énergétique ce jour, qu’ils semblent attendre avec impatience. Ils vont découvrir l’isolation des façades de neufs bâtiments, l’installation d’un revêtement plus clair sur les toitures-terrasses pour éviter les îlots de chaleur urbaine, et la réhabilitation des pièces humides dans les logements.
Les bâtiments représentent aujourd’hui 45% de notre consommation énergétique en France et 25% de nos émissions de gaz à effet de serre. Si le secteur de la rénovation énergétique explose pour répondre aux objectifs de la transition écologique, il peine à suivre la cadence des nouvelles règlementations, manquant de main d’œuvre. C’est en partant de ces constats qu’Ariane Komorn et Côme de Cossé Brissac, rencontrés lors d’une mission au sein du cabinet du Ministère du logement, ont fondé une école de la rénovation énergétique, la Solive.
Chef de projet en rénovation énergétique
La formation, dont la première session a débuté en septembre dernier, prépare au métier de « Chef de projet en rénovation énergétique ». « C’est un métier assez polyvalent, détaille Côme de Cossé Brissac, ingénieur de formation. C’est le professionnel qui réalise une évaluation énergétique de l’habitation à rénover. En fonction des besoins du propriétaire et de ce bilan, il va lui faire des propositions de scénarios de travaux, du moins ambitieux au plus ambitieux. Il l’accompagne ensuite sur la partie administrative et financière pour s’y retrouver avec les multiples aides disponibles. »
Comme l’explique le co-fondateur de la Solive, le « chef de projet en rénovation énergétique » n’est pas « un faiseur ». Mais dans le cadre de cette formation « courte mais intense » – formation de deux mois et demi appelée « Bootcamp » -, les étudiants apprennent à poser de l’isolation et une pompe à chaleur, ou encore à démonter un système de chauffage. La Solive proposera d’ailleurs prochainement des formations pour des « métiers 100% pratique », comme chauffagiste et expert en pose d’isolation, des professions qui manquent aussi de main d’œuvre.
« Trois-quarts de la première promotion avait un CDI avant la sortie »
Téléphone à la main, Jennifer filme les travaux et les explications du chef de chantier pour ne pas perdre une miette de la visite. Cette maman d’une quarantaine d’années était architecte au Pérou, son pays d’origine, avant d’arriver en France il y a quelques années. Travaillant dans un bureau d’étude, elle a vite compris qu’il lui manquait quelque chose pour évoluer dans le métier. Souhaitant se spécialiser dans la rénovation énergétique, elle a découvert la formation certifiante de la Solive. Un point non négligeable pour les étudiant.e.s, car la certification permet une prise en charge des frais de scolarité par des organismes tels que Pôle Emploi (les frais s’élèvent à 5940 euros, ndlr). Jennifer souhaite ainsi devenir maître d’œuvre, personne chargée du bon déroulement et de l’exécution des travaux sur un chantier.
« Trois-quarts de la première promotion avait un CDI avant la sortie », assure le co-fondateur. Tout d’abord parce que le secteur recrute. Selon le site France Rénov’, 300 000 postes sont à pouvoir dans ce domaine d’activité depuis l’an dernier. Un chiffre qui pourrait grimper à 400 000 d’ici 2030 d’après une étude de WWF et EY. La Solive souhaite aussi accompagner ses élèves sur le long terme via un réseau de partenaires, de formateurs, en continuant à les informer des évolutions règlementaires. « Il ne s’agit pas seulement de fournir de la main d’œuvre, mais également de faire monter en compétences ce secteur, en participant à créer une grande communauté apprenante », explique l’ingénieur de formation.
En quête d’un métier avec du sens
S’il y a 10 à 15 places par session, la Solive reçoit une centaine de demandes par mois. La sélection se fait principalement sur la motivation des candidats, et leur expérience professionnelle, d’un minimum de cinq ans. « C’est plus un parcours de reconversion qu’un parcours de formation », précise le gérant de l’école.
Avant d’arriver à la Solive, Pierre-Adrien, 34 ans, travaillait dans le secteur du luxe, en maroquinerie. Mélanie, autre trentenaire de la promotion, était consultante en communication financière. « Rien à voir », reconnaît-elle en souriant. Pour la jeune femme, le Covid a servi de déclencheur. Un peu lassée par son métier, elle a fait un bilan de compétences pour se reconvertir dans les métiers de la transition écologique. « Pas très manuelle », elle n’avait pas pensé au secteur la rénovation énergétique. Elle a finalement découvert un univers bien plus large que la pose d’isolation, et souhaiterait désormais devenir assistante à maîtrise d’ouvrage.
Pour Côme de Cossé Brissac, la pandémie a en effet renforcé l’envie chez beaucoup de personnes de s’orienter vers un métier avec plus de sens, plus concret. Point commun de nombreux candidats selon lui : la réalisation de travaux dans leur logement. « Avec le Covid-19, les gens ont passé davantage de temps chez eux, et se sont rendu compte de l’importance du confort intérieur. Et pour certains, le bricolage avait plus d’intérêt que le télétravail devant leur ordinateur », explique le co-fondateur.
La plupart des étudiant.e.s interrogé.e.s ont en effet mis en avant leur sensibilité environnementale pour expliquer ce choix de reconversion. Romain travaillait dans l’événementiel par exemple. En arrêt pendant quelques mois, il cherchait un métier « pour changer un peu les choses dans ce monde qui ne tourne pas rond ».
L’écoconstruction encore limitée
Si la question écologique irrigue le secteur de la rénovation énergétique, l’écoconstruction reste pourtant très limitée dans ce domaine d’activité. Le sujet est abordé à la Solive, mais le co-fondateur reconnaît qu’il ne s’agit que d’une petite partie du programme. « Aujourd’hui, les matériaux bio-sourcés représentent un peu moins d’1% des rénovations thermiques en France. On souhaiterait que ce chiffre augmente drastiquement, et les élèves apprennent à déployer les arguments en faveur de ce type de rénovation. Mais on est pragmatiques : les matériaux bio-sourcés coutent deux à trois fois plus chers que les matériaux industriels, et tout le monde ne peut pas se le permettre.
Le gérant de l’école tient aussi à rappeler les émissions évitées et l’impact social de ces rénovations, quelques que soient les matériaux utilisés :« Poser de la laine de verre ou du polystyrène , ce n’est sans doute pas l’idéal. Mais un ménage qui paie 3000 euros de facture de fioul, peut la réduire à 1000 avec une bonne isolation. » Les neuf immeubles rénovés visités par les étudiant.e.s de la Solive devraient passer d’une classe énergie E à C après plusieurs mois de travaux.
Pour en savoir plus : La solive
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