De passage dans l’Hexagone, Béa Johnson, Française vivant aux États-Unis et auteur du livre à succès traduit en plusieurs langues Zéro déchet (Les Arènes, 2013), présentait une conférence sur son mode de vie sans déchet à la première édition du festival Zero Waste, au Cabaret sauvage, à Paris, le 2 juillet. Entretien.
En 2006, à l’occasion d’un déménagement transitoire dans un petit appartement, Béa Johnson et sa famille découvrent les bienfaits de la vie simple et se lancent comme objectif d’éliminer les déchets de leur quotidien. Depuis ce jour, ils ont renoncé au mode de vie américain et ce qui l’accompagne généralement : grande maison, 4×4, bague en diamant, etc. Béa Johnson est aujourd’hui devenue le modèle du zéro déchet.
Quels ont été vos premiers pas vers le mode de vie zéro déchet ?
Nous avons d’abord refusé le superflu, des pubs aux cadeaux de nos amis, et réduit nos objets au strict nécessaire. Mais on ne devient pas minimaliste du jour au lendemain, c’est une démarche qui prend du temps. Dire non à tous les produits emballés, trier et choisir de quels objets nous séparer pour en faire don… Les premiers pas sont les plus longs. Au départ, j’étais focalisée sur mes déchets, sur mon mode de vie. Je passais trop de temps à fabriquer mes produits à la maison. Je ne profitais plus de la vie. La première fois que j’ai apporté mon thermos dans une grande chaîne de café et que j’ai vu tous les gobelets jetables autour de moi, je me suis énervée. « Pourquoi les gens ne font-ils pas tous comme moi ? » Un jour, j’ai abandonné cette colère. Après tout, qui suis-je pour juger ? J’étais comme eux, il n’y a pas si longtemps. Ces personnes aussi peuvent changer et, si ce n’est pas le cas, nos responsables politiques doivent agir. Dans tous les cas, le changement viendra.
Comment avez-vous atteint un équilibre de vie ?
À partir du moment où j’ai abandonné les comportements extrêmes, j’ai fait la paix avec moi-même et avec les autres. Quand on décide de réduire ses déchets d’un seul coup, on voit ces derniers partout. À un moment donné, j’ai décidé de lâcher prise. Pour pouvoir profiter des moments en famille, avec nos emplois à temps bien remplis, j’ai compris qu’il n’était pas nécessaire de tout faire nous-même. Notre maison contient ce qu’il faut pour vivre confortablement. Nous avons opté pour l’achat de produits d’occasion ou bien de marques garanties à vie, que ce soit pour l’ameublement ou les vêtements. Mon passage dans une école de mode m’a permis de choisir des habits utilisables d’une saison à l’autre. D’ailleurs, sur mon site, je répertorie ce type d’objets pour permettre aux gens de gagner du temps.
Comme Gandhi le disait : «Le bonheur, c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles. » Notre cheminement vers le mode de vie zéro déchet s’est traduit par le bonheur absolu. J’en ai profité pour consolider les liens avec mes proches. C’est dur à expliquer : le matin, je me réveille avec un grand sourire, car la simplicité volontaire a sa place dans ma vie – basée sur le verbe être et non avoir.
« Refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter » : d’où vous vient cette méthode ?
Les trois règles du milieu viennent du slogan américain de l’EPA (Agence américaine de protection de l’environnement) lancé dans les années 1970 : reuse, reduce, recycle [réutiliser, réduire, recycler]. Seulement, ces trois verbes n’étaient pas concrètement appliqués. En réutilisant au maximum, on recycle au minimum. J’ai compris qu’il fallait ajouter un nouveau verbe en premier lieu. Il faut refuser. Refuser que des tonnes d’objets rentrent chez soi. Dans notre société, cette tâche est compliquée, car dire non est considéré comme un geste malpoli. Même si c’est un produit réutilisable, je dis : « Non merci, je n’en ai pas besoin. » C’est aussi simple que ça. Parfois, se justifier est nécessaire. Par exemple, en voyage, quand je refuse le plateau-repas dans l’avion, je renforce cet acte par l’envoi d’une lettre au fournisseur. Pour le verbe réduire, on me dit souvent : « Tu ne regrettes jamais un objet lorsque tu en fais don ? » Je réponds qu’il ne faut pas avoir peur de se désencombrer, de se soulager d’objets que la société nous oblige à acquérir. Je constate beaucoup de culpabilité chez les personnes lorsqu’il s’agit de se débarrasser d’un cadeau. Léguer un bien signifie transmettre son attachement matériel. J’espère ne rien léguer à mes enfants, pas même ma bague de fiançailles. Ce qui est important, c’est le mariage et non l’alliance. J’ai vendu cette bague et je ne l’ai jamais regretté, je me suis sentie libérée.
Le mode de vie zéro déchet vous a apporté plus de temps et plus d’argent. Vous en avez profité pour recréer du lien avec les humains. Qu’en est-il de la nature dans votre vie ?
Quand nous avons adopté le mode de vie zéro déchet, j’ai senti plus de reconnaissance envers la nature. C’est ce qui m’a donné envie de la protéger. Un jour, en me baladant à la campagne, je me suis surprise à constater à quel point j’étais déconnectée. Je ne connaissais ni le nom ni l’utilisation d’aucune plante. Ma reconnexion à la nature est d’abord passée par la cueillette. Puis j’ai décidé de prendre des cours de botanique. J’ai appris à utiliser les plantes pour leurs fonctions médicinales et alimentaires, comme dans la tradition amérindienne. Chez moi, je ne ressens pas le besoin de jardiner. Heureusement, car notre terrain est très petit et en pente, alors je cultive sur mon balcon. C’est un plaisir de regarder les plantes pousser. En tout cas, on ne consomme pas beaucoup et je suis heureuse d’acheter mes fruits et légumes pour soutenir les producteurs locaux.
Né en Californie dans les années 1980, le mouvement zéro déchet a pris une ampleur internationale. Par quels arguments pouvez-vous convaincre les plus sceptiques ?
La vie zéro déchet est tout le contraire de ce que l’on peut imaginer ! Ce n’est ni un mode de vie de poilus, ni un travail à temps plein sur sa réduction de déchets. J’ai économisé énormément de temps et 40 % de notre budget familial. Nous avons pu voyager, profiter de moments inoubliables grâce à nos économies.
Le tout est de trouver un système qui fonctionne. Une fois l’équilibre atteint, impossible de revenir en arrière. Il ne s’agit pas uniquement de la gestion des déchets à la maison. Le zéro déchet touche chaque aspect de ma vie. Par exemple, avant, j’étais artiste-peintre et, finalement, j’ai arrêté, car je n’avais plus besoin de transformer des matières sur un canevas pour transmettre ma créativité. Désormais, je l’exprime autrement. J’aime montrer l’exemple et expliquer la démarche zéro déchet. Lorsque je fais mes courses, j’ai le pouvoir d’inciter d’autres personnes à acheter en vrac, à utiliser des bocaux en verre et des sacs en tissu. D’aucuns disent que changer les choses est la responsabilité des politiques ou des fabricants. Je suis là pour dire que ce que j’ai entrepris chez moi a pris une dimension mondiale.
Propos recueillis par Jessica Robineau
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Le problème avec Béa Johnson c’est qu’elle parle uniquement du 0 déchets alors qu’elle pratique en fait à l’extrême deux comportements :
– Le 0 déchets
– La réduction des possessions
Par exemple se débarrasser de sa bague de fiançailles et de son alliance ne fait pas partie du plan 0 déchets.
Quand on voit les photos de sa maison sur son photo, ça fait peur : tout est blanc, rien de dépasse, il n’y a presque rien :
http://www.zerowastehome.com/about/photos/
Ses enfants sont assez grands pour se contenter d’un ordinateur mais comment aurait-elle fait à 2 ans, 4 ans, 8 ans ? Les enfants ont besoin de stimuli et les adultes aussi.
Je supporte son action contre les déchets, pas son extrémisme anti-possession.
De belles initiatives (quoi que comme Margaux je pense que le coté réduction des possessions est à questionner), cependant des exemples concrets ou des « HowTo » auraient été les bienvenus 🙂
Alors moi je suis admirative quand elle dit « ’j’aime montrer l’exemple et expliquer la démarche zéro déchet. Lorsque je fais mes courses, j’ai le pouvoir d’inciter d’autres personnes à acheter en vrac, à utiliser des bocaux en verre et des sacs en tissu. ». Je peux vous dire que j’essaie de le faire sur le marché (Mme Padsac c’est moi) mais sacré challenge d’opérer ce prosélytisme. Je pensais que l’interdiction des sacs en plastique sera généralisée en juillet 2016, mais que nenni ! les commerçants sur le marché ne semblent pas être au courant (ou concernés tout simplement d’un point de vue légal). Il faut leur dire systématiquement que tu as ce qu’il faut pour mettre des achats. Il en faut de la persévérance pour lutter contre les automatismes ! Béa le fait aux Etats-Unis, on devrait y arriver en France ! 🙂
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