30 000 citoyens contre le géant pétrolier Texaco : l’histoire d’un long combat

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    Depuis 25 ans, des citoyens équatoriens se mobilisent pour dénoncer les dégâts sur l’environnement et la santé des populations en Amazonie, après l’exploitation pétrolière du géant américain Texaco-Chevron. Une bande dessinée originale, Texaco, parue aux éditions Les Arènes le 27 mars dernier, de Sophie Tardy-Joubert, Damien Roudeau et Pablo Fajardo, raconte ce combat inédit.

    « Et pourtant nous vaincrons», sous-titre la bande dessinée Texaco pour relater l’histoire du long combat des plus de 30 000 citoyens équatoriens contre le géant pétrolier américain Texaco-Chevron. A la tête de cette lutte unique au monde ? L’avocat Pablo Fajardo, surnommé le David de l’Amazonie par les médias. Depuis plus de vingt ans, l’Equatorien n’a de cesse de poursuivre son Goliath pour obtenir réparation.

    Avec 300 puits forés entre 1967 et 1993, 60 millions de litres de pétrole laissés à l’abandon et 79 millions de litres de résidus toxiques déversés dans la forêt primaire, la multinationale a généré une pollution équivalente à 3 000 fois la marée noire de l’Erika. Une des pires catastrophes écologiques de la planète, parfois qualifiée de « Tchernobyl amazonien ». Les conséquences sur l’environnement sont telles qu’elles ont entachée la santé des habitants, exposés à de nombreux cancers.

     

    Des citoyens unis

    Décidées à mener une lutte collective, puis guidées par la conviction d’un homme, les communautés touchées par la catastrophe ne lâchent rien. Peuples autochtones et paysans migrants ont réussi à unir leur force dans cette bataille difficile. « Notre union est un véritable succès. Nous nous respectons et nous apprenons les uns des autres pour mieux lutter tous ensemble. Car nous pensons que nous n’obtiendrons pas gain de cause si les citoyens eux-mêmes ne participent pas à cette réparation », explique l’avocat Pablo Fajardo. C’est donc dans la solidarité que les citoyens ont puisé leur force.

    Après de longues années de procédures, de manifestations, de rapports de forces et d’intimidation du géant pétrolier, la justice équatorienne leur donnera finalement raison. En 2011, elle condamne Chevron à payer une amende record de 9 milliards de dollars de réparations, dommages et intérêts. Un jugement inédit dans la lutte citoyenne face à une multinationale. Le sentiment de victoire est pourtant de courte durée, car depuis, Texaco refuse de payer !

    Une bataille judiciaire sans précédent s’enclenche alors entre les deux parties ; deux visions du monde, de la nature et des Hommes. Un gouffre les sépare. Quelques jours avant le jugement équatorien, Chevron portait même plainte contre la partie équatorienne en estimant que les plaignants « ont utilisé des méthodes mafieuses pour soutirer de l’argent à une entreprise très riche ».

    « Je pense sincèrement qu’il est difficile d’obtenir réparation car ceux qui mènent la lutte sont des Indiens et des Equatoriens. Si les victimes avaient été nord-américaines ou européennes, la compagnie aurait été contrainte de payer… C’est un vrai problème, car c’est aussi révélateur d’une mentalité raciste. Un avocat américain de la multinationale l’a lui même avoué en disant “nous ne pouvons pas accepter qu’un petit pays ennuie une aussi grande entreprise que Texaco-Chevron“ », analyse Pablo Fajardo.

    La lutte contre l’impunité se poursuit, sans relâche, à l’échelle mondiale. Les plaignants ont quant à eux déposer dès 2012 des recours auprès des tribunaux du Canada, de l’Argentine, du Brésil, pour faire exécuter la condamnation, là où la compagnie a des filiales. Des tribunaux qui se sont finalement déclarés incompétents pour juger une procès contre la maison mère : Chevron Corporation aux Etats-Unis. En 2014, la coalition équatorienne porte plainte devant la Cour pénale internationale contre le PDG de Chevron, pour «crime contre l’humanité», face à son refus de dépolluer les sols en Amazonie. Un recours lui aussi rejeté en 2015.

    Même si le combat judiciaire est long, l’avocat Pablo Fajardo continue à y croire et reste persuadé qu’ils obtiendront réparation. « Parce que c’est juste. Et je pense qu’aucun crime ne peut éternellement resté impuni. Dans notre cas, je crois que c’est possible. Oui ! Nous avons tellement lutté, que je ne peux pas croire que nous n’allons pas réussir un jour. Nous en sommes convaincus, même si nous sommes conscients que c’est n’est pas facile. Mais nous sommes aussi conscient que c’est possible ». Un espoir sans faille dans un combat de longue haleine.

    Par Sabah Rahmani

     


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