Plogging : un corps sain dans un environnement sain

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    Pratiqué dans les pays nordiques, le plogging consiste à collecter des déchets pendant son jogging. La maxime des adeptes de ce sport aux bénéfices multiples : « un corps sain dans un environnement sain » !

    Texte : Aude Raux – Photos : Éléonore Henry de Frahan

    « J’ai déjà commencé à collecter des déchets », s’exclame Paola Montenegro en arrivant, tout essoufflée, au point de rendez-vous fixé par la Run Eco Team de Paris dans le parc des Buttes-Chaumont. Une fois les joggeurs au complet, Carole-Anne Rambaud, l’une des ambassadrices de cette association de coureurs écologiques, livre quelques consignes : « Nous allons jusqu’à l’ile de la cité. Cela fait un parcours de 8 kilomètres. Je rappelle qu’on s’arrête aux feux rouges. » Une voix l’interrompt : « On peut s’arrêter même quand ils sont au vert ? Histoire de souffler ! » Carole-Anne Rambaud la rassure : « Pas de panique, le rythme est tranquille. On n’est pas dans la performance. Concernant les déchets, ne vous trimballez pas avec du verre qui risque de se briser. Renversez bien les fonds de canettes de bière avant de les mettre dans votre sac-poubelle. Attention aux vélos et aux trottinettes quand vous ramassez des détritus dans le caniveau. Enfin, jetez les ordures dans les poubelles au fur et à mesure, en veillant aux consignes de tri, mais gardez-en quelques-unes pour la photo finale. Allez, c’est parti ! »

    Sous un ciel ensoleillé, un dimanche matin, une vingtaine d’hommes et de femmes d’une trentaine d’années, armés de sacs, munis de gants, s’élancent. La majorité a revêtu le tee-shirt siglé du logo de la Run Eco Team : « 1 run = 1 déchet » et de ce slogan : « Cours pour un monde plus propre. »

    Le fait de collecter des déchets en faisant son jogging a été popularisé en France par Nicolas Lemonnier, un habitant d’Ancenis-Saint-Géréon (Loire-Atlantique) : « En 2015, alors que je rentrais de courir, j’ai ramassé un paquet de cigarettes qui avait été jeté sur le trottoir. Avant de le mettre à la poubelle, j’ai pris un selfie. J’ai reçu dix fois plus de commentaires – tous encourageants – que lorsque je postais, sur la page Facebook du groupe A Year of Running, une photo de ma tête dégoulinante de sueur ! » Nicolas Lemonnier a alors créé un groupe dédié, puis une association, pour embarquer le plus de monde dans son sillon de joggeur citoyen. Aujourd’hui, l’initiative est présente dans 103 États et rassemble plus de 20 000 membres. Comme Audrey Rousseau, une jeune Nantaise : « Grâce au plogging, on passe de râleur passif à actif. » Ses paroles font écho à celles de Nicolas Lemonnier : « Derrière la simplicité du geste, il y a du sens. Cela m’a ainsi permis de prendre conscience de l’état de la planète et de réduire, pas à pas, mon impact. Par exemple, dans mon cabinet d’ostéopathe, j’utilise désormais une housse d’examen lavable. Avec ma femme, nous compostons nos déchets organiques. Nous allons au marché pour éviter au maximum les emballages. Et nous avons planté des légumes et installé un poulailler dans notre jardin. »

    Loin de ce décor bucolique, sur les trottoirs souillés de la capitale, les joggeurs inscrits à l’événement alternent course et haltes pour ramasser des détritus le long du canal Saint-Martin, puis place de la République, devant les Halles et sur le pont Notre-Dame qui enjambe la Seine. Le long du trajet, les blagues fusent : « Qui veut un bonbon mâchouillé ? Non ? Un reste de sandwich alors ? », « Tiens, une coupe de champagne en plastique pour le faire passer ! » Tout comme les remarques des passants : « Bravo ! », « Merci ! », « Bon courage pour votre nettoyage ! »

    C’est la deuxième fois que Paola Montenegro participe à cette course. « L’ambiance est très sympa, constate-t-elle. Il n’y a aucun esprit de compétition. Et l’effet est doublement positif : je cours à la fois pour ma santé et celle de la planète. En plus, c’est un moyen efficace de sensibilisation. Au lieu d’avoir un discours culpabilisant, on donne l’exemple de façon conviviale. J’espère ainsi qu’en nous voyant, les gens ne jetteront plus leurs déchets par terre, et même qu’ils en ramasseront. »

    Arrivés sur l’île de la cité, les joggeurs se rassemblent pour une photo de groupe, leurs butins posés à leurs pieds. En deux heures, ils ont collecté près de 25 kilogrammes. Bienvenue dans « l’ère du poubellocène 1 » !

    1 Expression de Baptiste Monsaingeon, auteur de Homo detritus, Seuil, 2017.

    Comment ?

    Le plogging est un néologisme issu de la contraction du verbe suédois plocka upp (qui signifie « ramasser ») et de jogging. Pour ramasser le plus de déchets possible, dans une ambiance conviviale, et marquer les esprits des passants, on peut participer à un événement collectif organisé par la Run Eco Team. Ou constituer soi-même un groupe en proposant le projet à ses amis, sa famille et/ou ses collègues. Une fois les troupes rassemblées, il suffit de trouver un itinéraire particulièrement jonché de déchets et une date qui convient à tous.

    Pour qui ?

    Tout le monde peut s’adonner au plogging. « Le seul moteur est le plaisir », estime Nicolas Lemonnier, fondateur de la Run Eco Team. Le jeune homme invite ainsi chacun à s’emparer de cette pratique sportive et environnementale : « On peut le faire en courant, mais aussi en marchant. Seul ou à plusieurs. »

    Avec quel équipement ?

    L’élément indispensable du ploggeur est une bonne paire de chaussures de course. Concernant la tenue, choisissez des vêtements confortables et souples pour permettre la fluidité des mouvements. Pour compléter la panoplie du parfait ploggeur, n’oubliez surtout pas le sac-poubelle dans lequel vous stockerez les déchets collectés à mains nues ou avec des gants. Une astuce pour courir plus librement : José Portas, qui participait à la Run Eco Team Buttes-Chaumont-Notre-Dame, a recyclé en sac-poubelle un sac à dos étanche initialement conçu pour le nautisme.

    Où ?

    Puisque les déchets ont malheureusement envahi les moindres recoins de la planète, on peut pratiquer le plogging partout : en ville, sur la plage, dans la forêt, etc. Et quelle que soit la saison.

    Quels bienfaits ?

    À écouter Nicolas Lemonnier, ostéopathe de profession, cette activité physique présente de multiples bénéfices, à la fois sur le plan cardio-vasculaire, ligamentaire et articulaire. « À chaque fois que l’on ramasse un déchet, on renforce ses articulations porteuses. 1 déchet = 1 squat », souligne le jeune homme qui conseille de garder le dos bien droit quand on fléchit ses jambes. Idéal pour renforcer les muscles des cuisses et des fessiers. « De plus, ajoute-t-il, le running a la particularité d’être le sport qui sécrète le plus d’endorphines. » De quoi se lancer à la poursuite du bonheur.

     

    Pour aller plus loin

    www.runecoteam.fr

    Philippe Blanchard, Courir pour un monde plus propre, Rustica, 2018.

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