Lutte pour le Climat : l’union fait la force

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    Pour lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique, permettre aux citoyen.ne.s d’agir et aux dirigeant.e.s de changer de cap, des ONG forment des alliances. Et pour organiser cette lutte, des lieux comme La Base, QG de la mobilisation citoyenne pour le Climat à Paris, mettent tout en œuvre pour faciliter les échanges. Quels sont les ingrédients pour qu’une coalition fonctionne ?

    Lutte pour le Climat : l’union fait la force à La Base, à Paris / ©Maëlys Vésir

    Ce vendredi soir, une dizaine de personnes ont rendez-vous dans le 10e arrondissement de Paris pour visiter La Base, nouveau lieu éphémère de la mobilisation climat, créé dans la foulée des marches citoyennes de l’automne 2018. Leur guide ? Lucas Francou. Coordinateur du lieu, il promène les curieux parmi les 700 mètres carrés regroupant un bar associatif, des espaces de stockage, de coworking et les bureaux de diverses associations, telles Alternatiba ou 350.org. « Ce lieu nous sert de relais logistique pour organiser des actions comme les marches pour le climat, les grèves des étudiants ou encore des actes de désobéissance civile tels que la République des pollueurs 1 », explique-t-il.

    Le côté très fonctionnel de La Base permet aussi, selon Victor Vauquois, membre de Partager c’est sympa, d’avancer plus vite ensemble : « Notre alliance marche parce qu’on se coordonne sur des actions ciblées. Avoir un lieu, cela permet d’avoir plus d’ambition. Pour la République des pollueurs, La Base était en ébullition, chaque pièce était occupée. Pendant qu’on préparait une retranscription vidéo, les membres d’Alternatiba mettaient au point l’organisation de la journée. L’équipe de communication de Greenpeace était aussi présente pendant que des bénévoles de La Base s’occupaient de la logistique. C’était une belle fourmilière. »

    Boire un café, se retrouver entre ami.e.s, travailler, s'organiser... Tout est ouvert à La Base / ©Maëlys Vésir
    Boire un café, se retrouver entre ami.e.s, travailler, s’organiser… Tout est ouvert à La Base / ©Maëlys Vésir

    Se rassembler autour d’actions concrètes, c’est aussi le moteur du Collectif pour une transition citoyenne (CTC), créé en 2013, qui regroupe vingt-sept membres aussi divers que Les Amis de la Terre, la Nef, Colibris ou Artisans du Monde. « Notre idée est de se coordonner autour de projets très opérationnels et d’avancer dans un cadre pour ne pas s’éparpiller », affirme Aliette Lacroix, coordinatrice. Et ça marche ! « Chaque année, en septembre, le CTC organise la Fête des Possibles, un événement qui rend visibles des milliers d’initiatives locales inspirantes », raconte Aliette. En 2018, 600 000 participants étaient présents aux 1 139 rendez-vous organisés dans toute la France. « On travaille également sur un Pacte pour la Transition qui vise à renforcer la participation citoyenne en élaborant trente-deux mesures concrètes pour construire des communes plus écologiques en vue des prochaines municipales. »

    Former un réseau d’expertise

    Pour mettre en place ce Pacte pour la Transition, le CTC s’est appuyé en partie sur l’expertise du Réseau action climat (RAC), branche française d’un réseau international d’ONG, qui regroupe près de 1 300 membres, dont Greenpeace, WWF ou encore le Réseau Sortir du nucléaire. « Plus on se coordonnera, plus on se nourrira les uns les autres, plus on créera de ponts, et plus on obtiendra de résultats concrets pour faire avancer durablement les choses », affirme Anne Bringault, responsable de la transition énergétique au RAC.

    Depuis vingt-trois ans, le RAC France, qui regroupe une vingtaine de membres, fait pression sur les gouvernements pour qu’ils appliquent des mesures concrètes en matière d’écologie. « L’idée est de construire des positionnements communs en se répartissant les différentes thématiques comme le logement, l’énergie, etc., en formant des cercles d’expertise où chacun fait confiance aux autres, explique-t-elle. Ensemble, la caisse de résonance est plus forte. »

    Pierre Rabhi et Alain Aubry au Festival de la Transition, organisé par le Collectif pour une transition citoyenne à Cluny, en mai 2013, en amont de la Fête des Possibles / ©Éléonore Henry de Frahan, collectif Argos
    Pierre Rabhi et Alain Aubry au Festival de la Transition, organisé par le Collectif pour une transition citoyenne à Cluny, en mai 2013, en amont de la Fête des Possibles / ©Éléonore Henry de Frahan, collectif Argos

    S’unir par le levier juridique

    Mais quand les décisions politiques ne vont pas assez vite, certaines associations n’hésitent pas à passer à la vitesse supérieure. En mars 2019, quatre ONG – Notre affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France – ont porté plainte contre l’État français pour inaction climatique. « C’est la première fois en France que des associations se réunissent pour porter une action comme celle-là », explique Marie Pochon, coordinatrice de Notre affaire à tous, qui s’appuie sur la justice comme levier d’action pour le climat. « Cela a vraiment été le fruit d’une intelligence collective avec les trois autres ONG, mais aussi avec des YouTubeurs et des personnalités qui ont participé à notre vidéo de lancement. Cela a permis un impact immédiat sur les citoyens », ajoute-t-elle.

    En effet, la pétition « L’affaire du siècle », lancée en appui du procès, est devenue la plus populaire de l’histoire en France avec plus de deux millions de signataires. « L’approbation d’un tel nombre de citoyens montre que l’on peut véritablement former un contre-pouvoir pour faire pression auprès de nos politiques », se réjouit Marie Pochon. Seul bémol, la lenteur de la procédure juridique puisque l’instruction du dossier devrait durer un an et demi à deux ans avec une date d’audience fixée en 2021. « On a conscience que cela va prendre du temps. D’où l’importance de ne pas rester inactifs pendant les deux ans qui viennent et de continuer à se rassembler autour d’actions de mobilisation concrètes », conclut-elle.

    Le défi de la gouvernance

    Pour avancer de manière efficace et tenir sur la durée, la question de la gouvernance est primordiale au sein des coalitions. « On retrouve des outils de communication non violente, de développement personnel, des chartes dans le mode de gouvernance partagée, explique Alain Aubry, anciennement responsable du mouvement Colibris et fondateur d’une Démocratie intérieure 2, mais ces outils ne dispensent pas d’un travail en profondeur sur la posture des individus, car le monde associatif est loin d’être épargné par l’individualisme. » L’Alliance pour la planète – créée en 2006 et dissoute en 2012, fédérant 83 membres, dont des associations pour le climat, des syndicats et des entreprises – en a payé le prix fort, selon Éric Julien, géographe et consultant, responsable à l’époque de préparer les réunions de l’Alliance. « On a échoué à passer d’un “ego-système” à un “écosystème d’unité” », regrette-t-il. L’organisation du Grenelle de l’environnement, en 2007, a autant été le moment de gloire de l’Alliance que le début du déclin du collectif. « On était fiers de porter cette réunion politique ensemble en créant un véritable moment d’intelligence collective. Mais cette mise en lumière a réveillé des ego et certains membres se sont renfermés sur leur spécificité. »

    De 2006 à 2012, l'Alliance pour la planète a réuni 83 ONG, syndicats, associations dont Greenpeace (avec Yannick Jadot), la Fondation pour la Nature et l'Homme (avec Nicolas Hulot), WWF etc. Cette coopération a débouché sur le Grenelle de l'environnement en 2007 / Boire un café, se retrouver entre ami.e.s, travailler, s'organiser... Tout est ouvert à La Base / ©Pascal Greboval
    De 2006 à 2012, l’Alliance pour la planète a réuni 83 ONG, syndicats, associations dont Greenpeace (avec Yannick Jadot), la Fondation pour la Nature et l’Homme (avec Nicolas Hulot), WWF etc. Cette coopération a débouché sur le Grenelle de l’environnement en 2007 / ©Pascal Greboval

    Une problématique que tente de surmonter le collectif Osons les jours heureux, créé en 2017, qui regroupe une vingtaine d’acteurs de la transition aux côtés de citoyens. Ici, le groupe forme un archipel, où les organisations sont des « îles » et les projets des « pirogues ». « Ce que l’on expérimente à travers cette métaphore, c’est le respect de l’identité-racine de chaque “île” (son histoire, ses objectifs) tout en développant l’“identité-reliance”, soit des ponts créés entre chacune des organisations à travers des projets, explique Thierry Salomon, coprésident. Cela permet d’échapper à l’entre-soi et stimule la capacité à réfléchir de façon horizontale afin de constituer une communauté vivante. »

    Des identités qui se complètent, c’est le propre des organisations regroupées à La Base. « La complémentarité, c’est notre force, affirme Pauline Boyer, coordinatrice d’Alternatiba. On défend une cause bien plus grande que nous et nos modes d’action, aussi différents soient-ils entre la mobilisation, le plaidoyer, l’art ou encore la justice, nous permettent de nous enrichir les uns les autres. » Pour Gypsy, chargée de communication au sein du Groupe d’action néo-green (GANG) qui sensibilise aux problématiques environnementales à travers la production artistique dans des tiers-lieux, c’est un point fort pour donner du sens au vivre-ensemble au quotidien. « Alternatiba, ce sont des machines de guerre côté stratégie et organisation, avec des méthodes très rigoureuses pendant les réunions, par exemple, mais très éloignées de notre manière de travailler, tournée vers le créatif. On peut alors apporter du lâcher-prise dans l’hyper-contrôle et eux de la rigueur dans la dispersion », sourit-elle.

    Yannick Jadot, lors d'une réunion de l'Alliance pour la planète / ©Pascal Greboval
    Yannick Jadot, lors d’une réunion de l’Alliance pour la planète / ©Pascal Greboval

    Conséquence notable depuis la création de La Base : un engouement citoyen sans précédent. « Depuis mars 2019, on compte près de cinq mille adhérents, avec plus de cinquante nouvelles demandes de bénévolat par semaine », détaille Marielle, coordinatrice. « La Base, c’est un peu le trait d’union pour des gens qui souhaitent s’engager, mais ne savent pas par où commencer. » Ce fut le cas de Johan, 28 ans, bénévole au bar et à la logistique. « Comme plusieurs organisations ont leurs bureaux ici et organisent beaucoup d’événements, ça permet de les découvrir en profondeur. Les actions d’ANV-COP21 m’ont beaucoup plu et j’ai décidé de devenir adhérent », confie-t-il.

    Reste que La Base fermera ses portes fin avril 2020, date à laquelle le propriétaire reprendra possession des lieux. « C’est une contrainte créative, se rassure Lucas Francou. Cela nous rappelle d’autant plus l’urgence d’agir, d’aller à l’essentiel et d’espérer des mobilisations toujours plus intenses et des changements encore plus grands. »

    1. Le 19 avril 2018, 2000 activistes écologistes ont bloqué les sièges de la Société Générale, d’EDF, de Total et du ministère de la Transition écologique et solidaire à La Défense. Il s’agit de la plus grande mobilisation de désobéissance civile non violente organisée en France.
    2. Avec Ivan Maltcheff, Alain Aubry a créé Les agoras de la démocratie intérieure (LADI) liant la transformation individuelle à la revitalisation des pratiques démocratiques pour que les personnes et les collectifs retrouvent leur puissance.

    Par Maëlys Vésir


    En savoir plus : 

    Retrouvez ce reportage dans notre dossier spécial « Désobéir pour la planète » dans le numéro K46, disponible par ici ! 

    Lisez aussi notre enquête sur le Pacte pour la transition dans notre dossier spécial « Vers la ville verte », dans le numéro K49, disponible par ici !


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