Norbert Maudet, le pionnier de la bio à Rennes, tire sa révérence

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    Le 29 janvier 2020, le magasin bio rennais « Les Tournesols » du 47 boulevard de la Liberté, a fermé ses rideaux. Avant de quitter la scène, Norbert Maudet, le gérant de 81 ans, revient sur son parcours. Récit.

    Les Tournesols, c’est le nom de la boutique bio de Norbert Maudet, à Rennes. « Comme le tableau de Van Gogh », m’a-t-il confié. C’est aussi une fleur jaune qui symbolise le soleil, aussi lumineuse que son rire quand il vous demande : « Mais qu’est ce qu’on vous a appris, à l’école ? »

    L’école, pourtant, il l’a arrêtée avant le lycée. Le commerçant est un autodidacte de la bio, de la vente et de l’écriture comme on peut le lire dans son Journal d’un écolodidacte. Très modeste, il ne s’en vante pas. Norbert parle difficilement de son parcours, brillant, et de lui tout simplement. « Qui je suis ? On ne sait pas soi-même qui on est ». Il a d’abord préféré évoquer celui qui a inspiré le vieil homme qu’il est aujourd’hui.

    L’infirmier pacifiste

    Roland, l’infirmier « qui refusait de porter des armes », qu’il a rencontré lors de son service militaire, pendant la guerre d’Algérie. Il l’a soigné, à deux reprises, mais l’a surtout mené sur le chemin de la non-violence. Son « petit infirmier », comme il le surnomme, était un Allié de l’Arche, communauté du philosophe italien et disciple de Ghandi, Lanza del Vasto. Il intègre Norbert dans le mouvement et, en parallèle, lui parle du service civil international. L’ONG (organisation non gouvernementale) organise des projets de volontariat et promeut la paix, la solidarité et la justice sociale. Des valeurs chères à Norbert, qui participera à des chantiers de volontaires pour aider les personnes âgées.

    Dans un même temps, il coiffait les dames, une activité qu’il juge aujourd’hui superflue : « Elles n’avaient pas besoin d’être belles alors que des enfants mouraient au Maghreb ». Il n’était pas « bien dans sa peau », une peau qui se perlait d’eczéma au contact des produits de coiffure. « Si tu continues comme ça, tu vas finir dans la tombe ! », l’avait alerté un dermatologue. Un signe, sans doute, qu’il devait se détourner de ces produits chimiques pour se tourner vers la bio.

    Premiers pas dans la bio

    Avec le petit groupe des Alliés de l’Arche, il a décidé d’installer une épicerie nommée « L’alimentation bio », rue de Paris, à Rennes, commercialisant des produits biologiques. L’histoire commence avec les pommes. Un fermier « les a plantées un rang sur trois et les a laissées vivre. Les Goldens jaunes se sont colorées de rouge et elles ont pris du goût. » Ce fermier devient alors le premier fournisseur de la boutique.

    Norbert Maudet est incollable sur l’origine de ses produits. Avec sa mémoire infaillible il cite : « J’avais aussi le pain du domaine Longchamp, la farine du Moulin de Bouté en Normandie ». Il se souvient aussi courir à la campagne pour chercher ses œufs et son beurre. Les yeux dans le vague, il se remémore à haute voix : « Je découpais moi-même la motte, les 500 et 250 grammes. J’adorais ça. »

    Norbert Maudet, l’autodidacte généreux

    Des savoir-faire qu’il n’aurait pas appris au lycée. Pourtant, à l’entendre, une part de lui regrettait les bancs de l’école. Il s’entourait d’étudiants pour l’aider au magasin, « parce que ça leur faisait un emploi », mais aussi parce qu’« ils étaient érudits vous savez, ils m’apprenaient des choses. » C’est en pensant à eux qu’il créé dans les années 1970 une cantine communautaire. « Je m’étais basé sur le prix des restaurants universitaires pour que les étudiants mangent aussi bio. Les cuisinières avaient leur repas gratuit. J’aime beaucoup le côté non-lucratif des choses… Cela tombe mal pour un commerçant ! » La générosité l’emportait toujours.

    Mauvais commerçant, peut-être, mais jamais en manque de clients. Même « La Vie Claire », qui s’était installée un peu avant lui avec un premier magasin en 1948, ne lui faisait pas peur : « « La Vie Claire » vendait des produits sains mais pas bio. » Ainsi, en 1978, toujours « avec beaucoup d’ambition », « Les Tournesols » voit le jour. Une nouvelle boutique, avec un kiosque central où l’on trouvait du riz complet bio, du sucre roux et du millet. Du vrac, un piano et un coin pour se reposer : voici la recette de Norbert Maudet pour perdurer.

    Il grandit encore dans les années 1980 en devenant représentant des Biocoop, il acquiert des connaissances et une maîtrise de la bio mais cela ne lui suffit encore pas. Dans les années 1990, il commence à suivre des cours : « J’avais envie de tenir le haut du pavé ». Grâce à cette expertise nouvelle, il comprend que « bien se nourrir ne suffit pas : le stress de la vie moderne, de la vie en ville fait qu’on a besoin de minéraux. »

    « Ça m’ennuierait de mourir à un moment, car j’aime bien la vie. »

    Pour la médecine douce, il pourra compter sur Josiane, son épouse, elle qui a toujours rêvé d’être naturopathe. Le magasin est aussi à son image : des huiles essentielles, des baumes et des compléments alimentaires pour se soigner autrement. Le couple s’est bien trouvé et s’unit pour dire que les antibiotiques ne guérissent pas de tout. Norbert a une confiance aveugle en Josiane, c’est à elle seule qu’il a vendu son plus beau trésor : son magasin.

    Aujourd’hui, le couple « vivoche » selon son expression, mais a encore « beaucoup de clients. On aurait pu continuer ». La passion ne s’est pas éteinte après près d’un demi-siècle d’activité. La clochette de la porte qui s’ouvre ne cesse jamais de teinter. Mais Norbert Maudet est un peu fatigué, et il a bien dépassé l’âge légal de la retraite. La légende n’est pourtant pas terminée : après déjà trois romans publiés (Journal d’un écolodidacte, Déracinés et Nous n’irons plus à Cesson), l’octogénaire compte consacrer son nouveau temps à l’écriture d’un recueil de poèmes sur le Parc du Thabor. Mais aussi au Qi Qong, une gymnastique traditionnelle chinoise, sans combat. Jamais de violence. Sa seule lutte : l’écologie. « Pour oublier que tout va s’effondrer, il faut se battre. Ça m’ennuierait de mourir à un moment, car j’aime bien la vie. »

    Par Pauline Brault


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