Thomas Brail, l’homme qui sauvait les arbres 

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    En pleine rentrée du gouvernement, fin août 2019, un homme montait vivre sur un platane face au ministère de la Transition écologique à Paris. Grimpeur-militant, Thomas Brail se bat contre l’abattage des arbres. Le fondateur des Groupes Nationaux de Surveillance des Arbres (GNSA) parcourt la France pour protéger les arbres et défendre un avenir en vert. 

    « Je me suis toujours présenté comme père de famille, grimpeur-arboriste, citoyen du monde et surtout, amoureux des arbres. Parce qu’on peut faire son métier et s’arrêter là. Mais ce n’est pas mon cas. » Thomas Brail a 45 ans. Assez grand de taille, sa stature imposante reflète son engagement bien ancré dans le sol. Cependant, une forme d’angoisse se lit sur son visage et dans ses gestes. Il admet lui-même être éco-anxieux. Très animé, il ne faut pas grand-chose pour que Thomas s’exprime sur son sujet de prédilection : les arbres. Et il le fait avec urgence et passion.

    Thomas Brail accroché à un platane, en face du ministère de la Transition écologique pour dénoncer l'abattage des arbres / Crédits : Betty Klik
    Thomas Brail accroché à un platane, en face du ministère de la Transition écologique pour dénoncer l’abattage des arbres / Crédits : Betty Klik

    Soigner les arbres

    Originaire d’Occitanie, Thomas Brail a d’abord suivi un CAP Jardins et Espaces verts. Depuis tout petit, il veut « soigner les arbres », comme il aime à décrire le métier de grimpeur-arboriste. Mais ses parents, inquiets des possibles chutes, le poussent vers une spécialisation « terrain de golf », plus près du sol. Cependant, en constatant la quantité de produits chimiques déversés dans les golfs, pour asphyxier les vers de terre notamment, Thomas a très vite tourné les talons.

    Pendant 10 ans, il exerce ensuite le métier de jardinier pour la ville de Mazamet, sa ville de naissance dans le Tarn. Mais cela ne lui suffit plus. C’est pourquoi, après avoir suivi une formation en grimpeur-arboriste au sein de la mairie, Thomas crée sa propre entreprise, « Cyprès de mon arbre », en 2012. « J’avais besoin de plus d’action », explique-t-il. Il ne pensait pas si bien dire.

    Contre l’abattage des arbres

    C’est justement dans la ville de Mazamet que Thomas Brail conduit sa première action de protection des arbres, le 23 mai 2019. Le maire, Olivier Fabre, voulait y abattre neuf platanes de 200 ans. « Des bébés de 40 mètres de hauteur ! », s’insurge encore le grimpeur-arboriste. Selon lui, abattre des arbres constitue une réelle injustice, voire un « carnage », dans certains cas.

    Thomas considère que les arbres constituent un véritable « patrimoine culturel », reprenant les termes de l’article L350-3 du Code de l’environnement, qu’il brandit en étendard de son combat. Cet article, créé par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages stipule que les allées d’arbres bordant les routes « constituent un patrimoine culturel […] en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l’objet d’une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. » 

    Or, ce sont justement ces platanes alignés en bordure de route qui sont souvent ciblés par les municipalités, pour agrandir les voies de circulation ou créer des pistes cyclables. Une situation qui révolte Thomas Brail. « Donc on va pédaler en plein soleil, c’est génial, ironise-t-il. J’étais à la Grande Motte, où ils vont abattre 8 000 arbres entre 2017 et 2024, pour refaire les allées ! Mais qu’ils utilisent les arbres qui sont déjà là ! J’en ai marre qu’on bétonise. Il va falloir qu’on apprenne à se contenter des infrastructures qu’on a déjà », s’emporte le militant.

    Des Groupes Nationaux de Surveillance des Arbres 

    Les élections municipales de 2020 arrivant à grands pas, les arbres tombent de plus en plus. D’après Thomas, les élus multiplient les projets d’infrastructures pour convaincre leur électorat. Il suspecte également le lancement de la 5G d’être un motif d’abattage. Alors, il a créé des Groupes Nationaux de Surveillance des Arbres (les GNSA) en France et en Belgique en 2019. Il s’agit de collectifs citoyens locaux, qui alertent sur des abattages d’arbres et tentent de les stopper. Un mouvement citoyen indispensable, d’après Thomas, pour qui « l’arbre est en danger ». 

    Mais Thomas Brail ne s’arrête pas là. Une fois l’alarme lancée, il s’agit de protéger physiquement les arbres, quitte à utiliser son corps. « Les arbres sont souvent déjà à terre au moment où le jugement arrive à terme, au tribunal administratif, explique Thomas. La seule solution, face à une tronçonneuse, c’est de grimper dans l’arbre ! » Cette action est pourtant risquée. D’après Thomas, il encourt jusqu’à 30 000 euros d’amende s’il refuse de descendre d’un arbre lorsqu’un agent de police le lui demande. 

    Partout en France, des arbres se font abattre chaque année. Face à cette situation, des GNSA citoyens se forment pour alerter et tenter de les protéger / Crédits : Betty Klik
    Partout en France, des arbres se font abattre chaque année. Face à cette situation, des GNSA citoyens se forment pour alerter et tenter de les protéger / Crédits : Betty Klik

    « Protéger la nature, ce n’est pas désobéir » 

    Pour autant, le grimpeur-militant refuse de parler de « désobéissance civile ». Une expression trop infantilisante d’après lui, qui lui rappelle lorsque l’on gronde des enfants qui font des bêtises. « Protéger la nature, ce n’est pas désobéir… C’est la normalité ! », s’exclame-t-il. A fortiori lorsque Thomas défend, comme il le revendique, un article de loi. Une situation qu’il juge même inadéquate, lui qui devrait soigner les arbres plutôt que les sauver. 

    Depuis sa première action à Mazamet, il se déplace partout en France pour soutenir ces GNSA, pour donner de la visibilité aux combats anti-abattages. Il explore plusieurs solutions pour protéger les arbres : manifestations, rencontres avec les élus… En association avec Georges Feterman, le président de l’association A.R.B.R.E.S. (Arbres Remarquables : Bilan, Recherche, Étude, Sauvegarde), ils tentent de labelliser « Arbre remarquable de France » des arbres exceptionnels, espérant décourager les élus de leur abattage.

    Mais les actions de Thomas vont plus loin. Du 28 août au mercredi 25 septembre 2019, « l’amoureux des arbres » a vécu dans un platane, en face du ministère de la Transition écologique à Paris. Accroché en hauteur pendant près d’un mois, il dénonçait l’abattage de 25 platanes à Condom, dans le Gers. De nombreuses personnalités sont venues le soutenir, dont Juliette Binoche, marraine des GNSA, le slameur Kalune, le député France Insoumise François Ruffin, ou encore le photographe Yann-Arthus Bertrand, tous venus lui rendre visite sous le platane. Il espérait en vain être reçu par la ministre Elisabeth Borne. Il devrait recevoir une invitation du ministère avant la fin de l’année.

    « Chaque arbre est indispensable »

    Car pour Thomas Brail, il faut aller plus loin que cet article L350-3 qu’il défend à travers les GNSA. Les arbres isolés ne sont pas protégés. Pour lui, il faudrait tout simplement arrêter d’abattre les arbres. « Un arbre est un arbre, on devrait pouvoir le garder. Le réchauffement climatique est là. Chaque arbre est indispensable », rappelle-t-il. De plus, plutôt que les GNSA, une instance gouvernementale devrait être consacrée à la vigilance des abattages d’arbres. 

    Par ailleurs, l’ancien jardinier s’insurge également contre les tailles des arbres « en porte-manteau », en ville. Il dénonce un « bichonnage » inutile des arbres, voire même dangereux pour les arbres. Idem pour les massifs fleuris changés chaque année et aux fleurs provenant souvent du bout du monde. « En ville, l’argent du contribuable doit passer dans des jardins qui servent à nous nourrir, propose-t-il. Des courges, des concombres, des potimarrons… pour que les personnes qui n’ont pas le sou puissent venir cueillir de quoi manger ! » Éduquer les enfants dès leur plus jeune âge, mais également les élus lors de leur prise de poste, voici d’autres revendications que Thomas porte.

    « On doit retrouver un peu de sensibilité »

    Pour lui, les solutions existent donc. « Je fais ça parce que, quand je regarde mon gosse, je ne vois pas d’avenir dans ses yeux et cela me peine. Quand il me demandera pourquoi on en sera là, je lui dirai que j’aurais fait ce que j’ai pu. » Très ému, Thomas poursuit : « Je suis peut-être plus sensible que la moyenne des gens, je peux vite pleurer si un arbre tombe, admet-il. Mais je pense qu’on doit retrouver un peu de sensibilité… »

     


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