Planter 300 arbres sur un terrain équivalent à 6 places de parking ? C’est possible et Mini Big Forest compte bien le prouver. Depuis 2018, l’association expérimente une forêt prototype dans le sud de Nantes, qui pourrait en inspirer d’autres.
Stéphanie et Jim avaient vu juste : pour les coups de 13 heures, quelques gouttes se font déjà ressentir, promesse des averses à venir. Une pluie encore fine, parfaite pour arroser naturellement les jeunes arbres fraîchement plantés devant l’Abbaye de Villeneuve aux Sorinières , dans le sud de Nantes. Les 8 et 9 novembre 2019, près de 60 bénévoles avaient répondu à l’appel de Stéphanie Saliou et Jim Bouchet, les co-fondateurs de l’association Mini Big Forest, pour une session de plantation d’arbres de tous types. Résultat : sur deux jours, plus de 1 600 arbres ont été plantés sur 540 m², à raison de trois arbres par mètre carré.
Un bandeau de tissu vert autour des cheveux, Stéphanie surveille le dernier atelier de la journée. Sur des rubans bariolés, parents et enfants s’empressent d’écrire des messages qu’ils iront accrocher aux jeunes arbres plantés. « Chacun.e peut dédier son arbre à quelqu’un, ou quelque chose », explique Jim. De loin, on ne voit pas encore les arbres, seulement ces rubans qui flottent au vent. Mais d’ici trois ans, s’élèvera une forêt touffue, où tout un écosystème forestier aura repris vie, en autonomie. Une forêt à haut potentiel, 30 fois plus dense qui accueillera bien plus de biodiversité que si le terrain avait été revégétalisé par des méthodes classiques en monocultures par exemple.
Miyawaki : la méthode magique venue du Japon
Le secret ? Une méthode de plantation¹ imaginée par Akira Miyawaki, un botaniste japonais de 91 ans, expert en écologie végétale. Sa spécialité : restaurer et revégétaliser des sols dégradés. Pour ce faire, il a mis en place une méthode de reforestation en s’inspirant des forêts indigènes, très résilientes. En sélectionnant une trentaine d’essences natives, et en plantant ces arbres en nombre, de manière très dense (3 à 5 arbres au m²), la forêt créée est autonome en moins de 3 ans et offre des avantages bien supérieurs en termes de barrière à la pollution et de lutte contre le dérèglement climatique.
Un savoir transmis par l’éco-ingénieur indien Shubhendu Sharma à deux Français.es plein.e.s d’envie, Stéphanie Saliou et Jim Bouchet. Le couple de communicant.e.s assistait au festival Aux arbres, qui se tenait à Nantes le 8 juin 2018. Jim se souvient qu’à l’époque, ils étaient tous deux en quête de sens, d’une solution à la crise écologique. « Il se trouve que ce soir-là, nous avons vu le Jésus-Christ des arbres, poursuit-il, sourire aux lèvres. Nous avons assisté à la conférence de Shubhendu Sharma, le créateur d’Afforest en Inde [ndlr : une organisation qui plante des forêts sur de tous petits espaces, appliquant la méthode Miyawaki]. Il nous a raconté comment il avait été touché par la méthode Miyawaki. En l’écoutant, nous sommes pris d’un frisson, il s’était passé quelque chose pour nous, simultanément. »
Mini Big Forest, un espace vert pas comme les autres
Puis tout s’enchaîne. Près de l’abbaye de Villeneuve se lance un projet de plantation d’arbre pour se couper d’une route à quatre voies. L’occasion pour le couple de se lancer. Pour acquérir la méthode Miyawaki, Stéphanie et Jim se rendent en Belgique début août afin d’y rencontrer Nicolas de Brabandère, le fondateur d’Urban Forests, qui l’applique déjà. « Très vite, nous avons mis au monde Mini Big Forest, dans son identité, avec cette double intention de reforester en tous lieux et de reconnecter les gens à la nature par cet acte de plantation », explique Stéphanie. Pour tester leur projet et en assurer la pérennité, le couple suivra une formation à Open Lande, l’incubateur de projets écologiques créé par Walter Bouvais à Nantes. La première campagne de crowdfunding pour la forêt de l’abbaye de Villeneuve est lancée.
Il ne manque plus qu’à trouver les essences locales et choisir ses arbres ! En se baladant en forêt, le couple cherche d’abord à distinguer les essences dominantes de la forêt. Ce sont les espèces que l’on retrouve le plus, en l’occurrence le chêne sessile (un arbre de très grande taille), l’alisier torminal (un arbre un peu moins grand) et la bourdaine (un arbuste). Au final, une trentaine d’espèces sont choisies, regroupant essences dominantes, secondaires et mineures.
Prochaine étape : trouver une pépinière. Là encore, le choix a été mûrement travaillé : « Nous voulions créer un cercle vertueux autour de Mini Big, affirme Jim. Nous voulions trouver quelqu’un qui travaille de la graine aux jeunes plants forestiers, avec le Label Végétal Local. Nous avons trouvé Arnaud, qui travaille près de Rennes. Nous sommes tombés amoureux de son humilité, de son savoir. Il nous a accueilli et présenté ses arbres. Nous n’avons pas été déçus. »
« Il y a un vrai besoin de ramener de l’arbre »
Puis, il a fallu mettre la main à la terre. Le premier arbre a été planté le 8 novembre 2018 et l’association a été créée le 8 décembre 2018. Pas une minute à perdre pour donner un coup de pouce à cette forêt initialement citoyenne. La première parcelle fait alors 200 m².
Depuis, deux nouvelles parcelles ce sont ajoutées. Mais surtout, Mini Big Forest commence à faire parler de lui. Début octobre 2019, l’association a remporté le prix « Mouvements éco-citoyens » de « 1 % Pour la Planète », un appel à mécénat pour des projets écologiques.
Collectivités, entreprises, particuliers… Des personnes de tous horizons demandent conseil à Stéphanie et Jim pour revégétaliser un terrain, interpeller leurs élu.e.s sur la question de la reforestation ou encore devenir mécènes et soutenir le projet. « On voit qu’il y a une vrai besoin de ramener de l’arbre », commente Stéphanie, ravie.
Recréer des corridors écologiques
Entre-autres projets, la mairie de Nantes s’est associée à Mini Big Forest pour replanter des mini-forêts sur des terrains municipaux. « C’est aussi un acte militant, souligne Jim. Tout espace inoccupé en ville, ou qui n’accueille pas un pôle de biodiversité efficient, pourrait rendre un service écosystémique à nous tous grâce à cette forêt. » Car la création de ces forêts en ville a également ce rôle : recréer des corridors écologiques, reliant un grand espace vert à un autre de part et d’autre d’un centre urbain.
Les fondateurs sont particulièrement fiers de deux projets prévus l’année prochaine, l’un avec une école primaire près de Nantes, l’autre avec un institut médico-éducatif. « Au départ, nous avions une intention très forte : celle de travailler avec des enfants, explique Jim. Nous avions envie de transmettre aux jeunes générations, pour qu’elles puissent ensuite porter le message. »
Parmi les enfants qui participeront à la création de leur mini-forêt, des « Mini Big Keepers » (comprenez : des gardien.ne.s de la forêts), seront en charge de veiller sur les arbres. La croissance de ces arbres accompagnera celle des élèves au sein de l’école. Et lorsqu’ils partiront au collège, ces élèves laisseront derrière eux une forêt autonome.
Par Cypriane El-Chami
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