Alzheimer : les vertus thérapeutiques de la musique

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    Écouter de la musique, jouer d’un instrument… les bienfaits de la musique sont de plus en plus reconnus pour les malades d’Alzheimer. Parce qu’elle stimule la mémoire, recrée des souvenirs ou apaise les troubles, la musicothérapie constitue une alternative non médicamenteuse vertueuse dans la prise en charge de la maladie.

    Alors que le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer est effectif depuis le 1er août 2018 et que la Haute autorité de santé (HAS) préconise les thérapies non médicamenteuses dans la prise en charge de cette maladie, la musique s’invite dans les hôpitaux, les EHPAD et les maisons de retraite.

    Auprès des malades, deux axes thérapeutiques sont possibles. La musique peut être diffusée via des bornes musicales ou par le biais d’ateliers pour faire chanter les résidents. Elle peut aussi être envisagée de manière thérapeutique : apprentissage de nouvelles mélodies, utilisation de la musique pour accompagner les soins et réduire les troubles du comportement… Dans les deux cas, les bénéfices sont tangibles. Quels en sont alors les grands principes ?

     

    Améliorer la plasticité du cerveau

    Écouter ou jouer de la musique sollicite différentes régions du cerveau, notamment les circuits de la mémoire, du langage, de la motricité et ceux de l’émotion. « La musique active les circuits de la récompense en libérant de la dopamine. Elle calme la douleur et améliore la plasticité du cerveau en provoquant des changements dans les connexions synaptiques », souligne Hervé Platel, professeur de neuropsychologie et chercheur à l’Inserm de Caen.

    En jouant d’un instrument, nous sollicitons plusieurs types de mémoire : mémoire épisodique (le souvenir du contexte d’écoute), de travail, sémantique (les styles musicaux appréciés), perceptive (la mémoire des timbres de voix) et procédurale (apprentissage et automatisation des gestes). « Dans la maladie d’Alzheimer, ce sont les mémoires procédurales et perceptives qui sont atteintes en dernier. Il est donc possible d’apprendre à jouer d’un instrument même à un stade avancé de la maladie », estime le Dr Thierry Bautrant, médecin psychiatre spécialisé en gérontopsychiatrie et directeur de l’EHPAD Domaine de la source, près de Marseille.

    Écouter de la musique favorise ainsi l’encodage de nouveaux souvenirs. « Les souvenirs musicaux sont plus résistants que les souvenirs récents. Quand on leur fait écouter des chansons reliées au temps de leur jeunesse, les malades s’en souviennent alors qu’ils sont souvent incapables de se rappeler ce qu’ils ont fait la veille », explique Hervé Platel. Même si la musique n’empêche pas le processus de dégénérescence, elle permet de freiner le déclin et de stimuler la mémoire.

     

    En jouant d’un instrument, nous sollicitons plusieurs types de mémoire : mémoire épisodique (le souvenir du contexte d’écoute), de travail, sémantique (les styles musicaux appréciés), perceptive (la mémoire des timbres de voix) et procédurale (apprentissage et automatisation des gestes).

     

    Apaiser les troubles

    Pascal Viossat est musicothérapeute et intervient dans les EHPAD. « Dans mes ateliers, je sollicite les patients pour créer des sons avec des objets ou à travers des percussions corporelles… Je peux aussi leur faire apprendre de nouvelles chansons, les faire se déplacer en rythme… Tout cela crée de nouveaux souvenirs et apporte du bien-être aux résidents. »

    Au sein de l’EHPAD qu’il dirige, le Dr Thierry Bautrant développe le concept des thérapies non médicamenteuses personnalisées. La musique fait partie de ces solutions alternatives. « Faire écouter de la musique à un patient en opposition va diminuer ses troubles de l’ordre de 50 à 70 % », explique le psychiatre.

    En juin 2018, le CHU de Nice a fait installer une borne musicale qui propose plus de 2 000 morceaux accessibles aux résidents. « Nous utilisons les vertus thérapeutiques de la musique sous forme de quizz musicaux, de karaokés… Nous avons de très bons résultats sur les troubles de l’humeur, l’agitation et l’apathie », affirme Anne-Julie Vaillant, gérontopsychologue. Dans bien des cas, les bienfaits de la musique permettent de réduire les prescriptions de médicaments psychotropes [lire encadré].

    Malgré la reconnaissance de ses bienfaits, la musicothérapie peine à s’installer dans les établissements. Pour des raisons essentiellement pécuniaires. « Le budget consacré à l’animation est souvent pauvre et à choisir, la direction privilégiera un poste d’aide-soignant à celui d’un(e) musicothérapeute », explique Hervé Platel. Compte tenu du manque de moyens souvent criant dans ces établissements, la musicothérapie pourrait bien encore attendre.

     


    Music & Memory : une alternative aux médicaments ?

    Aux États-Unis, le programme de musicothérapie Music & Memory permet, grâce à une playlist personnalisée, de recréer les souvenirs des personnes atteintes de troubles cognitifs et de la maladie d’Alzheimer. Pour savoir si ce programme améliorait les symptômes de ces patients, des chercheurs de la Brown University School of Public Health ont mené une étude auprès de 12 905 résidents de 98 maisons de retraite participant au programme et d’un effectif équivalent servant de groupe témoin. En six mois, la proportion de résidents participant au programme qui a arrêté son traitement antipsychotique est passée de 17,6 % à 20,1 %, tandis qu’elle est restée stable dans le groupe témoin (entre 15 et 16 %). La musicothérapie pourrait donc augmenter l’arrêt des antipsychotiques et anxiolytiques utilisés pour traiter la démence, et ainsi éviter leurs effets secondaires, sans présenter de risque.

    Par Nathalie Ferron

    Source : Kali S. Thomas et al., « Individualized Music Program is Associated with Improved Outcomes for U.S. Nursing Home Residents with Dementia », American Journal of Geriatric Psychiatry, 25, 9, septembre 2017.

     


     

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