Décrochage de portraits de Macron : « Je ne vais pas m’arrêter parce que j’ai un procès »

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    Sous l’impulsion de l’association ANV-COP21, 128 portraits d’Emmanuel Macron ont été décrochés des mairies depuis le 21 février 2019 par plus de 1000 citoyens et activistes. 57 sont aujourd’hui accusés de « vol en réunion » et convoqués dans 17 procès à travers la France. Avec huit autres prévenus, Pauline Boyer, porte-parole d’Alternatiba sera jugée le 11 septembre prochain au tribunal de Grande Instance de Paris et risque jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Rencontre.

     

    Dans quel état d’esprit êtes-vous sachant que vous allez être jugée à la chambre antiterroriste du tribunal de Grande Instance de Paris ? 

    C’est disproportionné… C’est hallucinant de voir que la brigade antiterroriste a été sollicitée pour nous retrouver après une action qui s’est faite à visage découvert en respectant les critères d’une désobéissance civile non violente. Un procès reste un moment impressionnant et stressant mais je suis assez sereine parce que, même si nous sommes huit à comparaître le 11 septembre, nous sommes en réalité, beaucoup plus concernés par ce procès. Nous sommes tous portés par le collectif et nous recevons beaucoup de soutien avec des élans de mobilisation.

    Pendant le procès, notre objectif est de montrer devant les juges pourquoi cette action de désobéissance civile [de décrochage de portraits] est symbolique mais surtout nécessaire dans le sens où cela interpelle sur le double discours d’Emmanuel Macron qui s’érige en champion du climat à l’international alors que la France ne respecte pas les Accords de Paris. Nos avocats sont là pour nous défendre et nous avons aussi des témoins qui viendront à la barre comme Christophe Cassou, climatologue et co-auteur du dernier rapport du GIEC ou encore Manuel Cervera Marzal, philosophe qui étudie les mouvements de la désobéissance civile. (Son interview est à retrouver dans notre dossier « Désobéir pour la planète » )

     

    Se retrouver face la justice est-il un moyen dissuasif pour ne pas continuer vos actions ? Sachant que certains « décrocheurs » ont déjà été jugés et ont écopé d’une amende de 500 euros avec sursis…

    Non, cela n’arrêtera en rien nos actions, le décrochage de portraits va continuer, on ressortira les portraits souvent… On espère qu’un jour, la justice aura aussi son rôle à jouer dans la vision de la société de ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. 500 euros avec sursis reste une sanction très élevée pour un cadre qui coûte 8,70 euros ! Je pense que c’est le gouvernement qui devrait être jugé parce qu’il ne protège pas la population des risques du dérèglement climatique. En attendant,  je ne vais pas m’arrêter parce que j’ai eu un procès, cela ne serait pas cohérent. J’ai agi en connaissance de cause. Quand j’ai commencé à faire des actions de désobéissance civile, notamment à ANV COP21 et Alternatiba, on nous expliquait bien au départ en quoi consistait une action non-violente et les risques encourus.

     

     Partagé plus de 6000 fois sur les réseaux sociaux, le témoignage de Pauline Boyer d’Alternatiba suite à sa convocation à comparaître devant la chambre antiterroriste du tribunal de Grande Instance de Paris après le décrochage d’un portrait de Macron dans la mairie du 5ème arrondissement de Paris, le 21 février 2019.

     

    En marge du G7 de Biarritz, nous avons organisé une « marche des portraits » et une conférence de presse géante à Bayonne, dans la zone la plus militarisée de France à ce moment-là. Nous avons appelé les gens à venir, à la fois avec les portraits réquisitionnés mais aussi avec des tableaux divers et emballés pour que les autorités ne fassent pas la différence entre les cadres emballés et les portraits de Macron activement recherchés par la police. Nous avons alors mis les autorités face à un dilemme : soit elles arrêtaient les personnes et commençaient à déchirer le papier kraft qu’il y avait autour des cadres au risque de trouver un tableau quelconque et cela, devant les médias du monde entier qui étaient présents pour le G7 ou bien, nous laisser faire notre action de désobéissance civile. Ils ont choisi la deuxième option, moins dommageable au niveau de la communication gouvernementale. Et c’est l’un des principes de la stratégie non-violente : mettre l’adversaire face à un dilemme. Et qu’importe finalement sa décision puisque les militants en sortiront gagnants dans les deux cas en termes de répercussion médiatique et politique.

    « La désobéissance civile est une arme de changement sociétal puissante »

    La désobéissance civile est donc selon vous le meilleur moyen de pousser les citoyens à l’action et mettre les dirigeants face à leurs responsabilités ? 

    Oui je pense profondément que c’est une arme de changement sociétal puissante et on a eu beaucoup d’exemples d’évolutions des droits civiques, des droits des femmes qui ont été acquis grâce à la désobéissance civile non-violente. Changer le système dans lequel on vit c’est changer les modes de vie de tout le monde et il est nécessaire que le maximum de personnes prenne conscience de cela et se mette en action. Il est difficile aujourd’hui de vivre de manière sobre, de se déplacer grâce à des mobilités douces car il n’y a pas assez de pistes cyclables par exemple. C’est compliqué aussi d’avoir des aliments sains, produits par une agriculture peu émettrice de gaz à effet de serre et respectueuse de la Terre ou encore d’accéder à des filières de rénovation du logement, d’énergies renouvelables, etc., car souvent trop chères… Et même si on veut le faire, on se rend compte que c’est le système tout entier qu’il faut transformer. Et il ne changera pas si on ne met pas les dirigeants face à leur responsabilités. Mais il ne changera pas non plus si la majorité de la population reste aussi dans l’inaction. S’engager, prendre part à des actes de désobéissance civile, développer des alternatives… Plus on sera nombreux et plus on pourra changer massivement les choses. Et c’est maintenant qu’il faut agir ! 

     

    Propos recueillis par Maëlys Vésir


    Pour aller plus loin : notre dossier « Désobéir pour la planète » disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.


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