Philippe Laurent – « Le bonheur professionnel repose sur quatre roues »

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    Philippe Laurent, ancien moine devenu coach, conférencier et formateur spécialisé dans le bonheur au travail, nous explique quelques joyeux principes.

     

    Qui souffre en travaillant ?

    Les gens qui souffrent exercent généralement une profession qui ne leur correspond pas, qui ne les intéresse pas. Ils peuvent également faire l’objet d’un management par le stress ou s’inscrire dans un vieux processus comme une hiérarchie trop lourde et pyramidale. Ils souffrent parce qu’ils sont soumis à des comportements managériaux qui ne leur laissent pas d’espace pour le dialogue, la créativité et l’autonomie. Leur mal-être peut également provenir d’un outil de production déficient comme un ordinateur qui ne fonctionne pas, ou encore d’un salaire insuffisant eu égard au coût de la vie ou à leurs propres critères.

     

    Comment être heureux au travail ?

    Le bonheur professionnel repose sur quatre roues. Il s’agit premièrement de se sentir bien avec soi-même sur son lieu de travail, c’est-à-dire à sa place. Dans un deuxième temps, votre travail doit correspondre à ce que vous êtes et à ce que vous savez faire. Il doit avoir du sens pour vous, parce qu’il est utile à la société et qu’il permet à votre potentiel de se développer. Sentir que l’on est fait pour le travail que l’on exerce, voilà la clé. Troisième point, la relation à votre manager doit être épanouissante, équilibrée et suffisamment stimulante pour que vous en appreniez toujours quelque chose. Enfin, quatrième roue, la relation que vous entretenez avec vos collaborateurs, clients et partenaires doit être à la fois agréable à vivre, efficace et cordiale.

     

    Autre chose ?

    Oui, les conditions matérielles dont nous disposons sur notre lieu de travail sont également importantes. Nous devons y être bien installés avec une ergonomie agréable et claire nous permettant de vivre dans des lieux agréables et bien éclairés avec, idéalement, une salle de détente et de repos ainsi qu’un dispositif éventuel pouvant prendre en charge les enfants des salariés. Il est également préférable de vivre avec une certaine liberté dans ses horaires et d’être suffisamment responsable pour savoir gérer son temps comme c’est par exemple le cas pour les cadres ou les télétravailleurs.

     

    Qui sont ces managers qui rendent heureux ?

    Ce sont des personnes qui sont authentiquement proches de leurs collaborateurs et dont la vision d’entreprise est partagée par l’ensemble des salariés. Ils savent déterminer un cap et entretenir une dynamique positive, une forme d’enthousiasme. Pour cela, ce cap doit être défini avec l’ensemble de l’équipe ou des salariés et chacun doit pouvoir s’approprier la stratégie globale et les objectifs de l’entreprise. Un bon manager fait confiance à son équipe, sait déléguer, encourager, et mettre les salariés en responsabilité en leur permettant d’augmenter leurs compétences. Il doit régulièrement rappeler la vision défendue par l’entreprise, sa culture d’origine, et veiller à la bonne ambiance dans l’équipe. Idéalement, un bon manager doit être un coach pour chacun des salariés. Et lorsque l’entreprise a une taille conséquente, alors le manager n doit être un bon coach pour le manager n-1 qui, lui-même, doit être un bon coach pour le manager n-2… Le principal obstacle à la performance advient lorsque les différents départements d’une entreprise ne sont pas solidaires entre eux.

     

    Que pensez-vous de l’émergence des entreprises libérées qui misent sur le bien-être et sur l’intelligence collective ?

    Du bien ! Elles essaient de se libérer des chaînes qui bloquent le mouvement, souvent incarnées par les hiérarchies intermédiaires. La première chose à délier dans l’entreprise, c’est la parole. Chacun selon sa place doit pouvoir exprimer ce qu’il ressent. Prendre des initiatives, créer, se sentir responsable, voilà ce qu’il convient de libérer. Les grandes oubliées de l’entreprise, ce sont les émotions. Il est pourtant important de prendre conscience des émotions qui nous traversent durant le travail et, dans la mesure du possible, de les exprimer comme c’est le cas dans les entreprises libérées.

     

    Une hiérarchie totalement horizontale est-elle souhaitable ?

    Non, puisqu’il est souhaitable que chacun dans une équipe travaille selon ses compétences et sa singularité. C’est la diversité des talents qui fait l’efficacité globale. Mais chacun dans sa place doit pouvoir s’organiser comme il veut. Idéalement, le transfert des savoirs entre les salariés doit devenir possible. Chacun devrait pouvoir, à terme, passer d’un champ de compétences à un autre. Par ailleurs, ce n’est pas parce que la hiérarchie dans une société est globalement légère qu’il n’y a pas de leadership. Dans chaque équipe, il doit y avoir un leader légitime. Mais il faut éviter de perpétuer le modèle de ces entreprises à la hiérarchie lourde où chacun reste dans sa cage et n’en bouge pas.

     

    Est-il toujours possible d’être soi-même au travail ?

    C’est en tout cas souhaitable. On ne peut donner le meilleur de soi que lorsqu’on est soi. J’encourage vivement la biodiversité dans l’entreprise ! Chacun doit pouvoir travailler selon son intelligence et son style à sa juste place.

     

    Quelles sont les limites incontournables pour un travailleur heureux ?

    Celles de l’autodiscipline. Même un travail passionnant suppose une autodiscipline. Je peux choisir librement de devenir pianiste mais je ne pourrai jamais éviter de répéter mes gammes. Patience, volonté, ténacité, voilà des qualités à mettre en œuvre pour atteindre des objectifs épanouissants et positifs. Lorsque la matière à travailler est dure, alors dîtes-vous que c’est tant mieux, vous allez progresser pas à pas dans l’intelligence de votre discipline. La plus grande liberté dans le travail, c’est de faire ce que l’on aime du mieux que l’on peut.

     

    Quels sont les signes d’une bonne ambiance dans une entreprise ?

    Des salariés qui se saluent et qui se respectent. Des personnes bienveillantes les unes vis-à-vis des autres. Une entreprise où personne n’est dans la critique systématique, où personne ne prend la posture du sachant en voulant toujours avoir raison, où personne ne se plaint et ne se pose en victime. Une entreprise où l’humour a une place et où il n’y a pas de rumeurs.

     

    Quelques conseils encore pour cultiver le bonheur professionnel ?

    N’oubliez pas qu’une journée est conditionnée par son début. Après que vous vous êtes levé, prenez un temps pour vous et n’ouvrez pas votre ordinateur tout de suite. Vous risqueriez d’être submergé par un tsunami de courriels ! Mettez à jour votre TAF (travail à faire, NDLR) en vous demandant ce que vous serez content d’avoir fait le soir après avoir quitté le bureau. Organisez-vous. Planifiez votre semestre, votre mois, votre semaine, et votre journée en vous adaptant au mieux à la réalité. Établissez deux ou trois objectifs prioritaires pour votre journée et bloquez le temps nécessaire pour les réaliser. Lorsque vous aurez quitté votre travail, déconnectez-vous ! Fermez votre ordinateur, du moins vos fichiers professionnels, écoutez de la musique, changez de vêtements, faites du sport, voyez des amis… Faites ce que vous voulez, mais prenez le temps de la pause et de la détente. Vous n’en serez que mieux reposé et plus motivé le lendemain.

     

    Propos recueillis par Benoît Helme


    Pour aller plus loin : www.philippelaurent.org

    Philippe Laurent, Le Bonheur au travail. Partition pour une fourmi, Les Editions du Siècle, 2010

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