Éteindre la lumière en sortant, passer aux ampoules LED et à la voiture électrique. Les injonctions faites aux citoyens en matière de lutte contre le réchauffement climatique sont nombreuses. Mais face à une situation écologique de plus en plus urgente, certaines actions paraissent dérisoires et loin d’instiguer un réel changement. Quelles solutions sont à la fois les plus urgentes et les plus efficaces ? Palmarès.
Première étape pour agir : identifier les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de nos modes de vie. Pour cela, la notion d’empreinte carbone mesure la quantité de gaz à effet de serre émise nationalement par chaque secteur d’activité. En France, les transports représentent la principale source d’émissions de GES (29% en 2016), devant l’agriculture (20%), le résidentiel-tertiaire[1] (19%), l’industrie (18%) et la production d’énergie (11%).
#1 Transport : à chaque trajet son mode de déplacement
Les moyens de transport polluants sont devenus persona non grata ! Contrairement aux idées reçues, le plus mauvais élève n’est pas l’avion, mais bien la voiture individuelle. Elle est à l’origine de 53,1% des émissions de GES en France, en 2014. Et pour cause : près des trois-quarts des trajets quotidiens, même les plus courts, sont parcourus en voiture.
Pollution, épuisement des réserves de pétrole, embouteillages, encombrement des villes : les maux liés à la surutilisation de l’automobile prolifèrent. Individuellement, la mesure la plus efficace pour réduire son empreinte carbone consiste à laisser sa voiture au garage dès que possible pour se reporter sur d’autres modes de transport.
Mot-clef : la multimodalité
Il en existe une multitude, tous adaptés à différents déplacements. Meilleurs pour l’environnement et la santé, les modes actifs sont aussi les plus pratiques pour se déplacer en ville. Marche à pieds, vélo ou trottinette conviennent parfaitement à des trajets de quelques kilomètres, soit la majorité de nos déplacements. Pour les autres, rassurez-vous, pas besoin de parcourir 30 kilomètres à trottinette tous les jours pour réduire son empreinte carbone. Bus, trains, covoiturage, véhicules à la demande ou même réseaux d’autostop : les campagnes françaises s’organisent.
Mais les citoyens ne peuvent pas agir seuls. Les pouvoirs publics ont un rôle de premier plan dans la modification des comportements collectifs en matière de mobilité : offre de transports alternatifs, aménagement de la voirie et du stationnement en faveur des modes actifs, leviers fiscaux pour diminuer l’usage de la voiture, là où d’autres mobilités sont possibles… Le mot clef est multimodalité !
Les constructeurs automobiles en plein questionnement
Si la voiture demeure un mode de transport indispensable, notamment pour les territoires isolés, les constructeurs automobiles sont déjà en plein questionnement sur la mobilité de demain. La voiture qui roule à l’eau fonctionne déjà, et le marché des technologies automobiles vertes est en plein essor… Le nombre de véhicules électriques immatriculés en 2018 a bondi de 27% par rapport à l’année précédente, indique l’agence Bloomberg. Mais cette technologie verte n’est pas sans conséquences environnementales et sociales quant à l’utilisation des matières premières.
Enfin, les politiques d’aménagement du territoire sont intrinsèquement liées à nos mobilités. L’extension urbaine et la construction de centres commerciaux en périphérie des villes, dont l’accès est exclusivement pensé pour des automobilistes, renforcent le modèle – archaïque – de la voiture individuelle. Les citoyens ont donc intérêt à favoriser les commerces locaux.
#2 Agriculture & alimentation : du bio, du local, du végétal !
Incontournables dans nos quotidiens, agriculture et alimentation sont aussi le deuxième secteur le plus émetteur de GES en France. En cause : l’utilisation abondante d’intrants chimiques et le modèle intensif de production qui dégradent les sols, véritables puits de carbone, ainsi que l’élevage de ruminants, émetteurs de méthane.
Une vache pollue autant que 400 km en voiture
Par sa rumination, une vache produirait en moyenne 125 kg d’équivalent CO2 chaque année. Autant qu’un trajet de 400 km en voiture ! Multiplié par les 8 millions de bêtes en France et 1,7 milliards dans le monde, l’impact sur le climat de l’élevage bovin est conséquent.
Selon une étude Harris Interactive de 2017, 5% des Français ont renoncés à manger de la viande. Une alimentation moins carnée et plus végétale est l’un des leviers les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique.
Mais attention, pas n’importe quelle alimentation végétale ! Le bio est préférable au conventionnel ; le frais et le local plutôt que les produits importés, dont l’empreinte carbone explose dans le transport en avion ou en cargo. En proposant des menus végétariens et bio, la restauration collective sensibilise à la modification des habitudes alimentaires.
Accompagner les agriculteurs
Mais impossible de modifier notre alimentation sans les principaux concernés : les agriculteurs. Dans une situation sociale et financière souvent précaire, ils ont besoin d’un accompagnement et d’un soutien fort dans la modification de leurs pratiques agricoles. La redéfinition du modèle agricole français sera justement un enjeu des prochaines élections européennes, avec la réforme de la politique agricole commune de l’Union européenne. Incitations fiscales à l’agriculture biologique, interdiction de certains pesticides et réglementations en faveur d’une agriculture écologique, extensive, faite dans le respect des hommes et de la terre : les leviers législatifs sont multiples.
#3 Industrie : consommer moins pour produire mieux
29 kilos : c’est la quantité d’appareils consommée chaque année par Français. Parmi eux, beaucoup sont importés. Les biens importés représentent 55,2% de l’empreinte carbone totale de la France, en 2015, selon des chiffres du Ministère de la transition. Mais si production et émissions de gaz à effet de serre sont délocalisées dans les pays en développement, leurs conséquences sur le climat sont mondiales.
Consommer moins et mieux !
Solution évidente : consommer moins et mieux ! Alors que beaucoup de nos appareils sont sous-utilisés, la mutualisation (à l’échelle de plusieurs foyers, d’un immeuble, d’un quartier…) des biens de consommation et d’équipement réduit la quantité de ressources et d’énergie mobilisées pour leur fabrication. Les bricothèques (dérivée de bibliothèque où emprunter des outils de bricolage), ludothèques (pour les jeux de société), repair cafés et applis de l’économie circulaire décollent.
La fin de l’obsolescence programmée ?
Mais l’injonction vaut aussi du côté des industriels : produire moins mais surtout mieux ! L’éco-conception de produits durables, à l’impact environnemental réduit, est encouragée. L’exact opposé des stratégies d’obsolescence programmée, qui visent à maximiser les profits des constructeurs, en dépit des impacts environnementaux et sociaux. Au sein d’un système économique capitaliste, basé sur l’accumulation de capitaux, les intérêts financiers sont primordiaux pour les industriels. Et si le vert fait vendre, vive le vert !
Afin de favoriser le développement de procédés industriels plus écologiques, l’Etat peut user de nombreux pouvoirs normatifs et réglementaires (loi contre l’obsolescence programmée, labels de durabilité…). Enfin, les pouvoirs publics peuvent en parallèle soutenir des initiatives comme la consigne ou le vrac.
#4 Logement : un climat tempéré à la maison
Faille dans notre quotidien : nos logements. Le chauffage représente 71% de l’énergie consommée dans les bâtiments résidentiels. Particulièrement énergivore, il est source d’émissions conséquentes.
La température optimale d’un logement est de 19°C la journée et 16°C la nuit. Mais peu de foyers suivent cette recommandation. Or, réduire le thermostat du chauffage de seulement 1°C permet de diminuer de 7% l’énergie consommée. La température d’un logement peut être adaptée aux usages des différentes pièces.
Eviter les déperditions thermiques
La plus efficace des solutions est évidemment la rénovation énergétique des logements, pour éviter les déperditions thermiques. L’Etat a mis en place des mécanismes fiscaux incitatifs pour les travaux d’isolation et de rénovation des bâtiments particuliers : crédits d’impôt, coups de pouce économie d’énergie pour les ménages modestes, TVA réduite ou encore éco-prêt à taux zéro pour financer la rénovation énergétique de son logement… De plus en plus de Français se lancent.
Mais l’opération est particulièrement lente et coûteuse. L’immobilier français ne se renouvelle qu’à hauteur de 1% par an… En outre, les ménages les plus modestes n’ont souvent pas les moyens d’entreprendre de tels travaux. L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) préconise d’autres solutions, comme l’habitat collectif ou des logements plus petits, plus facile à chauffer.
#5 Energie : on veut du vert !
Faire la transition énergétique, c’est passer d’un modèle de production d’énergie aujourd’hui essentiellement dépendant d’énergies fossiles et non-renouvelables, à un autre reposant sur les énergies renouvelables.
71,7% des émissions liées à l’énergie
En France, la première source d’énergie est le pétrole (45,1% de la consommation d’énergie en 2015). Vient ensuite l’électricité, à 72,3% d’origine nucléaire. La part des énergies renouvelables est encore minime : en 2016, 7,1% pour l’éolien, le solaire et les bioénergies et 12% pour l’hydraulique. Par conséquent, 71,7% des émissions de gaz à effet de serre françaises, en 2012, étaient dus à la production et à la consommation d’énergie.
Pour réduire drastiquement notre empreinte carbone, il faudra passer par des énergies décarbonées. Un choix politique majeur s’impose : développer les énergies renouvelables ou tout miser sur le nucléaire ?
Renouvelables V.S. nucléaire ?
La neutralité carbone et la productivité du nucléaire sont toutefois à nuancer. Si la production d’énergie n’engendre pas d’émissions, ce n’est pas le cas de la construction des centrales. Le stockage des déchets radioactifs reste quant à lui hautement problématique, en termes de risques sécuritaires, sanitaires et environnementaux. Tout comme l’importation d’uranium, dont l’exploitation au Niger et au Kazakhstan pollue durablement la nature et les populations locales.
Le vent, l’eau et le soleil sont des énergies, non seulement décarbonées, mais aussi inépuisables. Toutefois, pour atteindre 100% d’énergie renouvelable, le scénario negaWatt préconise de diviser la consommation d’énergie actuelle par deux, en s’appuyant sur la sobriété et l’efficacité énergétiques.
Conclusion : la réduction de la consommation d’énergie est un passage obligé. Particuliers, gouvernement et entreprises ont tout intérêt à s’engager dès que possible sur le chemin de la sobriété énergétique. Entreprendre conjointement et simultanément les changements listés réduirait massivement les émissions de GES, responsables du changement climatique. Une feuille de route existe donc pour le contenir à +1,5°C. Ne manque plus que la volonté politique et individuelle de changer les choses. A ce titre, chacun à son niveau, par ses actes et ses choix de vie, contribue activement à un changement collectif vers un avenir sobre et durable.
Marion Dugrenier
[1] Le secteur résidentiel-tertiaire correspond aux consommations d’énergies des ménages liées à leur résidence et aux consommations du tertiaire (hors transport).
Lire aussi :
Paul Hawken : « Les humains sont motivés par les possibilités, pas par les problèmes »
C’est très bien résumé.
Sauf que mon ami qui a une Zoé (voiture électrique) galère lorsqu’il doit se déplacer à cause de l’autonomie trés limitée. Il va changer de voiture et prendre une voiture classique, à cause du prix rédhibitoire des électriques, malgré les aides…
Et j’ai lu quelque part, que l’éolien que j’admirais tant, pose que problèmes pour les vivants qui vivent près des éoliennes : des vaches meurent en saignant, etc. Ce serait dû à l’énorme quantité d’électricité produite qui passe sous terre donc.
C’est un peu déprimant…
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. En effet, au-delà d’un « effet nocebo », il semblerait que certains riverains d’éoliennes souffrent de problèmes de santé. C’est le cas notamment autour du parc éolien de Nozay. Toutefois, dans ce cas, malgré les nombreuses expertises réalisées, aucun lien n’a pu être fait entre les éoliennes et les symptômes constatés chez les vaches laitières et les hommes.
C’est très instructif,
Il manque peut-être 2 synthèses :
le récapitulatif de l’usage des énergies : déplacements / agriculture / industrie / chauffage / …
et la production de gaz à effet de serre par usage
merci
Liste importante à rappeler.
Sauf qu’il y a une erreur un peu grossière concernant l’électricité : puisqu’il est question de lutter contre le changement climatique, il est farfelu de citer le nucléaire comme source d’émission de GES. Alors on peut être contre le nucléaire et vouloir du tout renouvelable et là, pour être cohérent,. puisqu’en dehors de l’hydroélectrique, il ne s’agit que de sources intermittentes et donc il faudra consommer de manière intermittente. Ce qui peut se discuter si la population l’accepte (ce dont je doute). Ou alors on se passe du nucléaire et on le remplace par d’autres sources pilotables (charbon ou pétrole) … Et il semble que c’est pas ce qu’on essaye de faire.
Donc à mon avis, il va falloir réviser quelques notion de physique et quelques point idéologiques contradictoires.
Autrement pour le reste, notamment pour les produits carnés et la réduction des transports, c’est une urgence absolue.
Ah, réfléchir aussi à la source primaire de l’électricité qui alimenterait les voitures électriques dans un pays qui produit son électricité au pétrole, c’est contre-productif. Dans un pays qui fourni de l’électricité majoritairement hydroélectrique (comme la Suède), c’est beaucoup intelligent.
Bonjour Aurélien,
Merci pour votre commentaire.
Comme il est dit dans l’article, l’intermittence des énergies renouvelables au niveau local se retrouve lissée au niveau national, grâce au nombre élevé d’installations sur tout le territoire. De plus, un mix énergétique varié (via l’éolien, le solaire mais aussi l’hydraulique, que l’on sait programmer) réduit aussi les risques d’intermittence. Le nucléaire quant à lui, s’il n’émet pas de dioxyde de carbone lors de la production d’énergie à proprement parler, présente de nombreux autres inconvénients, parfois très risqués. Enfin, et c’est la conclusion de cet article, envisager un approvisionnement énergétique totalement décarboné passe nécessairement par la réduction de la consommation énergétique globale.
Merci pour cet article complet.
Par contre je m’insurge un peu de l’utilisation qui est faite du mot « vert » pour qualifier la voiture electrique et l’electrique éolien et solaire, et qui s’apparente à du « greenwashing ». En effet, vous ne mentionnez aucune fois l’utilisation massives des « terres rares » dans ces technologies. Ces terres rare sont sous contrôle monopolistique de la Chine et causent d’énormes ravages environnementaux et sociaux sur leurs lieux d’extraction (pollutions aux métaux lourds et matières radioactives, sources de cancers et morts précoces massives chez les populations locales). Vous ne mentionnez pas non plus qu’à cause de ces terres rares et du poids des batteries, un véhicule électrique produit quasiment autant de GES qu’un véhicule conventionnel depuis l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrications jusqu’à son recyclage (en dessous de 100 000 km. Source: Ademe). Vous ne mentionnez pas non plus le coût stratégique (domination hégémonique de la Chine sur la filière) et économique: 500 Milliards d’€ rien que pour l’installation des infrastructures de recharges jusqu’en 2030 (source: Le Monde).
Je vais avoir des mots assez durs et je m’en excuse mais faire l’impasse sur ces notions essentielles relève ou de l’aveuglement idéologique, d’un manque de rigueur analytique ou pire du mensonge.
Les citoyens doivent comprendre les enjeux complexes auxquels ils vont être confrontés dans les 10 prochaines années pour pouvoir prendre les bonnes décisions nécessaire à assurer notre survie à nous tous.
Un erratum ou un complément d’information seraient les bienvenus sur ce sujet.
Bonjour Rémi,
Merci pour votre commentaire. En effet, et comme il est dit dans l’article, « les technologies vertes ne sont pas sans conséquences environnementales et sociales quant à l’utilisation des matières premières ». L’extraction des métaux et terres rares nécessaires à la fabrication d’éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques, smartphones et autres appareils électroniques a un impact considérable sur l’environnement et les populations locales. C’est pourquoi, et c’est la conclusion de cet article, la réduction de la consommation d’énergie (et de biens) semble être un passage obligé.
Attention, une erreur importante :
« la notion d’empreinte carbone mesure la quantité de gaz à effet de serre émise nationalement par chaque secteur d’activité » –> les émissions nationales ne comptabilisent que ce qui est émis au sein de nos frontières (approche territoire), alors que pour comptabiliser l’empreinte carbone (approche empreinte donc) il faut prendre en compte également les émissions importées (et retrancher les émissions exportées). Ex d’émission importées : les émissions dues à la fabrication d’un appareil dans un autre pays + son transport, à partir du moment où le consommateur final de ce produit se trouve en France.
Cf. les notions de scope 1 (EGES directes), 2 (EGES indirectes liées à la conso d’énergie) et 3 (autres EGES indirectes).