«Affiche ta nature» est la nouvelle campagne lancée par le Printemps de l’éducation (mouvement pour un renouveau de l’éducation), début février 2019. Les enseignants de toutes les écoles qui passent du temps dans la nature avec leur classe sont invités à témoigner par le simple envoi d’une photo. L’objectif est simple, reconnecter les enfants au vivant. Muriel Fifils, fondatrice de l’école Caminando, dans la Drôme, porte ce projet. Explications.
Pouvez-vous nous décrire l’opération « Affiche ta nature », mise en place par le Printemps de l’éducation ?
L’idée est simple. Nous invitons tous les enseignant.es de tous types d’écoles : publique, privée, alternative, démocratique, etc. à déposer sur la plateforme du Printemps de l’éducation une photo de leur classe dans la nature, quelle que soit l’activité. Nous voulons témoigner qu’on peut faire énormément de choses dans la nature.
Pourquoi lancer cette opération ?
Il y a plusieurs raisons. La plus importante est liée à l’état de la planète : on ne guérit que ce que l’on connaît. Si on veut que les jeunes générations prennent soin de la terre, dans ce moment de crise écologique, il est nécessaire que les enfants retissent du lien avec la nature. Car, et c’est la seconde raison, les jeunes sont de plus en déconnectés de celle-ci. Ceci est lié à différents facteurs : l’émergence des écrans bien sûr, mais aussi le fait de vivre dans des villes plus denses avec des parents qui ont peur de laisser leurs enfants errer dans les parcs, les champs, les forêts. Il n’y pas si longtemps, à la sortie de l’école, les enfants avaient des espaces de liberté naturels pour faire plein de choses. Ils se sont réduits.
Qu’apporte la nature aux enfants ?
C’est d’abord une reconnexion au vivant, ce qui déclenche d’autres émotions. Quand tu joues à cache-cache dans la forêt, que tu grimpes aux arbres, la montée d’adrénaline n’est pas la même que devant un écran. Et ce contact à la nature a des effets sur le cerveau. Au-delà des nombreuses études qui montrent les bienfaits du lien à la nature, j’ai eu, dans l’école où j’enseigne, un enfant avec des troubles autistiques et des difficultés de concentration en classe. Dès qu’on allait au jardin [la permaculture fait partie du programme de l’école Caminando], il devenait complètement autonome avec des relations apaisées avec le groupe.
L’école idéale, ce n’est pas être assis six heures par jour derrière une table. La nature est aussi un formidable terrain pédagogique où l’on peut faire des mathématiques, de la science, du français, de l’art. C’est aussi un endroit qui fait grandir les enfants. Car c’est un espace de confrontation. On doit d’abord affronter le climat : froid, vent, pluie, chaleur. Puis l’enfant apprend à dépasser ses appréhensions face aux bruits, aux animaux, aux difficultés (escalader un rocher, une souche, etc). Et ce sont là de beaux leviers pour devenir adulte. Car il est temps de déplacer les fondamentaux de l’école. Le calcul, la grammaire et autres matières ne sont que des outils. L’important, l’indispensable aujourd’hui, est d’appréhender notre condition humaine, et ça passe par une meilleure gestion des émotions, de la communication, de notre relation aux autres, au vivant.
École en ville, poids de l’administration, il n’est pas toujours facile d’aller dans la nature ?
C’est une croyance et c’est aussi un des objectifs de cette campagne. Aller ne serait -ce qu’au parc d’à côté observer les insectes est un premier pas. Et avec ces photos, nous voulons montrer aux enseignants qui ont des craintes que c’est possible partout, tout le temps. On n’est pas obligés d’être tous les jours dehors, l’important est d’y aller régulièrement ; une fois par semaine, c’est déjà bien.
Une fois ces photos récoltées qu’allez-vous en faire ?
Déjà, nous allons nous compter : combien d’enseignants vont au contact de la nature avec leur classe ? Ensuite, nous souhaitons créer une dynamique de convergence qui regrouperait les écoles alternatives et les enseignants du système classique et montrer au ministère l’importance du rapport au vivant. Nous définirons les actions plus précisément lors d’une Agora des colibris sur l’éducation programmée, les 15 et 16 juin à Paris, qui fera suite aux premières Rencontres nationales d’écologie profonde, «(R)éveiller la relation de l’humain avec la nature», du 24 au 26 mai à Angers.
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