« La misère que fuient les migrants n’est pas due à l’insuffisance de ressources »

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    L’immigration est un phénomène millénaire, l’histoire nous l’apprend. Aborder la problématique des migrations actuelles de populations ne devrait pas nous faire oublier celles qui ont concerné l’Europe pendant des siècles et sans lesquelles elle serait très probablement le continent le plus pauvre de la planète !

    Les Européens ont migré partout, non pour être aidés mais pour confisquer des territoires à leurs ayants-droits naturels. Pour exemple, les spécialistes estiment à environ 50 millions de Peaux-Rouges génocidés et ce n’est là qu’une partie de l’exaction. Cette spoliation des ressources et des territoires d’autrui s’est faite sur tous les continents, en Afrique, en Asie, en Amérique, partout ! Les missionnaires qui ont propagé l’Evangile mais également les missionnaires « civilisateurs » ont ainsi investi la planète entière, cherchant à imposer au monde un type d’évolution inspiré par l’ère du pétrolithique et la technique salvatrice comme gage d’un véritable progrès.

    Il me semblait important de rappeler ces faits, face aux milliers de migrants qui quittent aujourd’hui leur pays dans la détresse et l’illusion de trouver le bonheur au cœur de la modernité. Cette vague de naufragés sur les rives de l’Histoire qui frappe aujourd’hui aux portes des nantis n’est-elle pas le retour de ce que « les civilisés » ont semé avec l’idéologie du progrès, de la croissance à tout prix, du « toujours plus » et de la compétition ? La misère que fuient pour bonne partie ces hommes et ces familles entières n’est pas due à l’insuffisance de ressources. Sans souscrire à une démographie sans limite (ce qui serait insensé), nous savons que la planète pourrait nourrir 10 milliards d’êtres humains. En outre, l’Afrique est loin d’être le continent pauvre, idée véhiculée et entretenue par un credo enkysté dans les cerveaux. Elle est immensément riche ; son sol et son sous-sol regorgent de ressources ! Les famines et la misère qui surviennent ne sont dues qu’à une gouvernance dominée et déterminée par les monstres de la cupidité.

    La misère est donc une tragédie faite de mains d’hommes. Les mouvements de population qu’elle provoque sont le résultat d’options économiques et géopolitiques internationales machiavéliques affectant le destin collectif d’une espèce humaine nuisible à toutes les espèces vivantes envers lesquelles elle n’a aucune compassion. La gouvernance politique du monde applique la doctrine subordonnée au produit national dont on dit que personne ne tombe amoureux et les ventes d’arsenal dédié aux meurtres de masses y participent grandement. Nous laissons des dictateurs et des roitelets sanguinaires s’accrocher au pouvoir tout simplement parce, trop intéressés par les ressources de leurs peuples, nous ne pouvons nous fâcher avec eux. La non-assistance à des peuples en danger est passible du tribunal de la vraie intelligence que nos aptitudes nous font croire que nous l’avons. La bombe atomique ne peut en aucun cas être la fille de l’intelligence. Celle-ci transcende le réel. Est-elle une intention fille du hasard ?

    Il est vraiment difficile de voir ces milliers de migrants vouloir rejoindre la prospérité en pensant que l’Occident a réussi, sans savoir qu’un lopin de terre bien cultivé est bien plus vital que des dollars ! Certains découvrent, après coup, que derrière les apparences, notre monde civilisé est lui-même en crise. Chômage, épuisement, frénésie stérile, dépression, solitude… : le bonheur escompté n’est pas au rendez-vous. Bien heureusement, dans ce chaos ambiant, des élans de solidarité émergent. Toutes ces initiatives isolées sont de beaux ferments de changement, signes d’une protestation active et pacifique qui essaie de dessiner un nouvel avenir. Les lois de la vie sont ainsi faites : toute nouvelle naissance est souvent précédée d’un chaos. Mais encore faut-il que nous ayons conscience de ce phénomène.

    Une coalition internationale devrait pouvoir permettre une force capable d’infléchir l’histoire pour que les besoins fondamentaux de tout être humain soient satisfaits. L’autosuffisance alimentaire comme nécessité prioritaire absolue devrait enfin être prise au sérieux. Nous sommes arrivés à une phase historique décisive dans laquelle notre imagination est grandement sollicitée pour redéfinir une géopolitique posant les fondements d’une réelle convivialité planétaire. Les divers paramètres qui constituent l’évolution actuelle mettent en évidence qu’une combinatoire totalement inédite évolue vers de multiples crises pour une crise mondiale. La survie alimentaire est déjà une réalité dans plusieurs régions du globe, avec des causes humaines et/ou climatiques. La solution est dans notre changement individuel ou ne pourra pas être.

    Propos de Pierre Rabhi retranscrits par Claire Eggermont.

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