Un constat ferme des responsabilités humaines, une remise en cause du système économique et de sa sacro-sainte croissance, des combats écologiques associés à la lutte contre la pauvreté et les inégalités, une critique des solutions technologiques et du recours au marché pour faire face aux dérèglements climatiques… La première version de l’encyclique du pape François sur l’écologie, diffusée lundi par le journal italien L’Espresso, envoie un message universel et sans concession, à six mois de la Conférence sur le climat de l’ONU, à Paris. La crise climatique et sociale à laquelle nous faisons face ne pourra être surmontée qu’en engageant un changement radical de « style de vie, de production et de consommation », écrit François qui souhaite s’adresser aux croyants et non-croyants, afin d’éviter « une destruction sans précédent de l’éco-système avant la fin de ce siècle ».
Dans cette encyclique intitulée Laudato si (« Loué sois-tu »), Sur la sauvegarde de la maison commune, le pape réaffirme les responsabilités de l’activité humaine sur le réchauffement global du climat, « un bien commun », et dresse un bilan scientifique détaillé de la crise écologique actuelle. Une crise qui est, pour le chef de l’Église catholique, une crise « éthique, culturelle et spirituelle de la modernité », où l’humain a vu se dégrader sa relation à la Terre comme aux autres humains.
« Nous avons grandi en pensant que nous étions propriétaires et dominateurs de la terre, autorisés à la piller, écrit-il dans cette première version. La violence qui existe dans le cœur humain, blessé par le péché, se manifeste également par les désastres qui affligent la terre, l’eau, l’air et les êtres vivants. »
François appelle ainsi au développement d’une écologie intégrale, humaine et sociale.
« Une vraie approche écologique devient toujours une approche sociale »
François critique aussi la consommation compulsive des pays riches, leur culture des déchets et leurs difficultés à reconnaître les conséquences environnementales de leurs choix. Ces conséquences, ce sont les plus pauvres – les pays comme les individus – qui les subissent, affirme le pape. Il estime qu’ « une vraie approche écologique devient toujours une approche sociale », prenant en compte « les droits fondamentaux des plus désavantagés ». « Le réchauffement causé par l’énorme consommation de quelques pays riches a des répercussions sur les endroits les plus pauvres de la Terre, spécialement en Afrique », ajoute François, qui considère que les pays du nord ont une dette écologique envers les pays du sud.
À quelques mois de la COP 21, les pays du nord sont invités à dépasser leurs propres intérêts économiques.
« Les négociations internationales ne peuvent pas progresser de manière significative à cause de la position de pays qui privilégient leurs intérêts nationaux plutôt que le bien commun. »
Le pape souhaite la création d’une nouvelle autorité mondiale, en charge de « la lutte pour la réduction de la pollution et pour le développement des pays et régions pauvres ».
Critiques sur les crédits carbone et les OGM
S’il loue l’action des mouvements écologistes, il rejette l’idée que la technologie et le système économique actuel soient capables de résoudre la crise écologique. Ainsi, les crédits carbone « pourraient provoquer une nouvelle forme de spéculation et n’aideraient pas à réduire l’ensemble des émissions de polluants ». Au contraire, écrit François, ils favoriseraient la sur-consommation de certains États et secteurs. Le pape s’interroge aussi ouvertement sur les OGM, en les reliant à une « concentration des terres productives dans les mains de quelques-uns », qui va à l’encontre des petits producteurs.
Cette première encyclique écrite entièrement sous le pontificat de François est la première de l’Église catholique à être consacrée à la crise écologique. Fruit d’entretiens avec de nombreux scientifiques et spécialistes des questions écologiques, elle vise à définir la position officielle de l’Église catholique sur ce thème, qui servira ensuite de références pour les évêques, les prêtres et les fidèles. Mais François entend aussi influencer les décideurs politiques, notamment étasuniens. En septembre prochain, il se rendra au siège des Nations unies, à New York, et au Congrès américain, à Washington. Dans un pays où de nombreux citoyens nient encore les causes humaines du réchauffement climatique, les réticences risquent d’être fortes.
Par Simon Gouin
Mis à jour, 18 juin, 12h50 : lisez l’encyclique du pape François, en français.
Sources :
- Le Monde : Climat : le blâme du pape aux pays riches
- The Guardian : Pope Francis warns of destruction of Earth’s ecosystem in leaked encyclical
- lemonde.fr : Environnement : le pape en appelle au « courage » et à l’action urgente
- La Croix : Aux États-Unis, l’encyclique du pape provoque déjà le débat
Lire aussi : Le pape François invite les pauvres à « protester et se révolter »
Cet article a été initialement publié par Basta ! site d’information indépendant sur l’actualité sociale et environnementale. Constitué d’une équipe de journalistes et de militants associatifs, Basta ! contribue à donner une visibilité aux enjeux écologiques, aux actions citoyennes, aux revendications sociales, aux mouvements de solidarité et aux alternatives mises en œuvre.