Association Rejoué,
    acteur d’une « économie réparatrice »

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    Porteuse d’un chantier d’insertion, Rejoué, association spécialisée dans le réemploi de jouets, apporte la preuve que « ni les objets, ni les individus ne sont jetables ».

    Association Rejoue. Association d'insertion, et de revalorisatio

    Il était une fois… une bénévole à la Croix-Rouge, Claire Tournefier, qui s’occupait de la sélection des jouets provenant de dons à l’approche de Noël. « Je devais en mettre beaucoup de côté faute de mains pour les trier. C’était aberrant », se souvient-elle. De ce constat naît l’idée de se lancer dans le réemploi de jouets en créant une association à but non-lucratif porteuse d’un chantier d’insertion. Épaulée par Antoinette Guhl, consultante en développement durable, elle réalise une étude de marché et de faisabilité ainsi qu’un business plan. Puis elle vient à bout du long processus administratif pour obtenir l’agrément d’insertion. Et surmonte les obstacles de la quête d’un local en plein Paris.

    « Heureusement, remarque Claire, nous avons trouvé un espace que nous loue le bailleur social Paris Habitat. Par ailleurs, nous avons bénéficié du réseau d’Antropia, un incubateur qui aide les entrepreneurs dans leur projet innovant à vocation sociale et/ou environnementale. Nous avons également été lauréat du grand prix du concours SFR Jeunes talents entrepreneuriat social » (ce qui leur vaudra une dotation de 20 000 euros et un bureau pendant un an à La Ruche). Au bout de deux ans et demi, en mars 2012, l’association Rejoué ouvre ses portes. Objectifs : favoriser le retour à l’emploi de personnes au parcours professionnel chaotique, éviter que les jouets ne finissent à la poubelle et ainsi limiter le gaspillage. Comme le précise Antoinette :

    « l’idée était d’inventer une nouvelle manière de consommer, ce qui existait déjà, mais de façon informelle, via les vide-greniers et les sites Internet de petites annonces gratuites d’occasions. Nous voulions créer un marché de seconde main qualitatif, très spécialisé, avec, pour support, l’insertion d’un public fragile exclu du monde du travail. Enfin, montrer que ni les objets, ni les individus ne sont jetables. Nous sommes ainsi les acteurs d’une économie réparatrice. »

    8 tonnes de jouets collectés

    Restait pour elles à dépasser les deux principaux freins à l’achat de jouets d’occasion : la sécurité et l’hygiène. Rejoué y fait face en ne mettant en vente que des jouets estampillés de la norme CE. Exit les jouets de mauvaise qualité ou ceux dont le plastique est fendu ou la peinture écaillée. Au total, 6,4 tonnes ont été valorisées sur les 8 tonnes collectées en 2012 chez les particuliers, dans les écoles, les crèches, les distributeurs de jouets, les entreprises (via les CE) ou encore les associations caritatives. Et sur les 1,6 tonnes non revalorisées, la moitié a été recyclée, notamment par la Réserve des arts, une structure qui récupère des déchets pour des artistes, ainsi que par un sous-traitant spécialisé dans le recyclage de textile. Quant à l’hygiène, chaque jouet passe par la case lave-vaisselle ou lave-linge pour un nettoyage avec une « formule magique » mise au point par Rejoué : un cocktail de produits naturels et respectueux de l’environnement à base de bicarbonate de soude, de vinaigre et d’huiles essentielles.

    Collecte, tri, assemblage, nettoyage, emballage, étiquetage, vente… Les étapes de la chaîne sont assurées par 14 salariés en insertion grâce à l’activité économique, réunis dans un seul et même lieu d’une surface de 320 m2. Explications de Pascale Lapalud, responsable de l’atelier ainsi que de l’encadrement technique et pédagogique : « Tous sont en contrat de 12 mois. Ils nous été envoyés par leur conseiller Pôle emploi ou Mission locale. Rejoué est pour eux un tremplin. Nous présentons une palette de métiers très diversifiés, liés en plus à la nouvelle économie que peu d’entre eux connaissent. Cela permet d’ouvrir leur horizon professionnel et de solliciter de nombreuses compétences. » Tous les postes sont d’ailleurs occupés par des salariés en insertion, qui suivent des formations spécifiques portant sur le nettoyage écologique, la préparation des commandes ou encore la gestion des stocks. L’équipe est encadrée par sept permanents : deux co-directrices, un chef d’atelier, une conseillère en insertion, une vendeuse, une responsable de l’administration et de la comptabilité, ainsi qu’une personne chargée du site internet et des réseaux sociaux.

    Le jouet, excellent support à l’insertion

    Boutique de l'association Rejoue. Revaolrisation de jouets d'occ

    « On s’amuse bien ! Parfois, j’ai même l’impression de retomber en enfance », confie Florence, salariée en insertion, tout en recréant un univers de Playmobil. Autour d’elle, d’autres personnages – poupées Barbie, ours en peluche ou petits soldats – attendent de reprendre vie entre ses mains expertes. « Je suis heureuse de participer à ce projet qui donne du sens au travail que l’on fait : quand je réassemble un jeu des sept familles, par exemple, je pense à l’enfant qui va jouer avec. Et puis j’aime tellement la nature… Elle est belle, intelligemment faite. Alors, il faut la respecter. C’est ce qu’on fait à Rejoué en luttant contre le gaspillage. » À ses côtés, Christophe vérifie qu’il ne manque aucun rail à un circuit de train électrique avant de tester son bon fonctionnement. « Ah, on fait un métier difficile, plaisante-t-il. Travailler ici m’a permis de me rendre compte que j’avais assez de volonté et d’énergie pour monter un projet de retape de meubles. Ça m’apporte aussi un réseau. » Aux yeux d’Antoinette, le jouet est un excellent support à l’insertion : « Il porte une forte charge affective. Ces objets ludiques, beaux et colorés permettent de se projeter dans l’avenir et véhiculent du positif. » À leur sortie, sur les 12 salariés de la première promotion, la moitié a trouvé une formation qualifiante ou un emploi en CDD.

    Des clients, adhérents de l’association

    Dans la boutique, attenante aux salles de tri et de nettoyage et aux bureaux administratifs (le stock, lui, est entreposé en banlieue), les jouets ludo-éducatifs, puzzles, figurines, briques, jeux de société, doudous et maisons de poupées sont bien alignés sur des étagères. Pour une cotisation de 2 euros à l’année, le public devient adhérent et peut les acheter 50 % à 70 % moins cher que leurs prix neufs, le prix moyen étant de 4,50 euros. Par cette adhésion, les fondatrices de l’association souhaitent sensibiliser leur clientèle à leurs valeurs. Une clientèle mixte, provenant de milieux sociaux très différents, aussi bien des familles aisées en quête de bonnes affaires ou soucieuses de respecter l’environnement, que des personnes aux revenus très modestes.

    Autres débouchés : les ludothèques, crèches parentales, assistantes maternelles, structures caritatives, kermesses, centres d’animation et épiceries solidaires. Pour l’instant, la vente de ces jouets ne représente qu’une faible partie (15 %) des revenus de Rejoué, qui vise les 30 %. Le reste provient des subventions d’insertion. Sans oublier le soutien de fondations telles que Raja, la Macif et le Fonds Suez environnement initiatives. Quant au budget global, il s’élève à environ 400 000 euros. Pour 2014, Claire et Antoinette se sont fixé trois principaux points à améliorer : l’emballage, sur lequel planchent des étudiants de l’école Boulle ; la distribution, via une boutique qui serait située dans une rue plus passante et par le lancement de la vente en ligne ; enfin, l’insertion, le projet étant de développer le réseau afin d’assurer une sortie optimale des salariés.

    Vers une économie circulaire du jouet

    D’après les recherches des deux fondatrices, il existerait en France quatre autres structures sur le modèle de la leur, notamment Carijou à Strasbourg et Aire de jeu à Arbent (Ain), dont elles se sont inspirées. « Une goutte d’eau dans notre société de surconsommation, particulièrement dans le marché du jouet », note Claire. Rejoué ne se positionne pas en tant que concurrent, mais en aval de la filière. Pour Antoinette, c’est même un partenaire des fabricants de jouets dans le sens où l’association s’inscrit dans leur démarche RSE (Responsabilité sociale des entreprises). « Ensemble, nous avons une responsabilité conjointe de seconde vie. Le problème du jouet, souligne-t-elle, c’est qu’il n’est pas utilisé longtemps puisqu’il suit le développement de l’enfant. On ne va pas demander à un ado de continuer à empiler des cubes ! En revanche, les normes de qualité étant très strictes, les jouets, eux, ont une durée de vie très longue. » Les deux entrepreneuses jouent ainsi sur cet écart important en espérant donner l’impulsion d’une économie circulaire du jouet.

     

    Texte Aude Raux, photos ©Jeromine Derigny

     


    Extrait de la rubrique Changeons l’éco de Kaizen 11.

     


    Lire aussi : La slow economy ou le localisme économique

     

    1 COMMENTAIRE

    1. Bravo,
      Simplement pour vous dire que dans la Manche, nous avons une association REJOUETS basé à Cérences, à côté de BREHAL, département de la Manche. http://rejouets.com/index.php

      Ce serait sans doute amusant d’organiser une coopération/jumelage à travers toute la France des « rejouets » ?
      A toutes fins utiles,
      En tout cas bravo et bon courage, 16 emplois pour l’IAE, chapeau bas, avec les financements tendus… il fallait oser !
      Bonne continuation,
      Bien à vous,
      Thierry Marié

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