Samedi 25 février, en marge de l’ouverture du Salon International de l’Agriculture 2017, des agriculteurs, paysans, cuisiniers, scientifiques, artistes et citoyens-mangeurs se sont retrouvés au Carreau du Temple, à Paris, pour « sortir l’agriculture du salon ». L’occasion pour tous de se réjouir de la dynamique du bio en France.
Samedi 25 février, il est 9 heures, Paris s’éveille. Des professionnels de l’alimentation et des citoyens-mangeurs – comme on aime les nommer ici –, franchissent, sourire aux lèvres, les portes du Carreau du Temple 1. « Sortons l’agriculture du Salon », tel est le mot d’ordre symbolique de cette journée-manifeste. Si l’affluence n’est pas comparable à celle du Salon international de l’agriculture qui se tient parallèlement porte de Versailles – seuls 800 participants sont en mesure d’accéder simultanément à la trentaine de stands et aux ateliers-débats –, l’événement affiche complet.
Une déferlante bio
Avec une augmentation de 16 % de surfaces cultivées en France en 20162, le bio a le vent en poupe. « Enfin ! », s’exclame immédiatement Philippe Desbrosses lorsqu’on lui demande de réagir à ce chiffre. L’agriculteur auteur d’une quinzaine d’ouvrages intervient aujourd’hui à la table ronde « Retour d’expériences, graines d’exception agricole déjà plantées ». « On avait cru à cette envolée trente ans plus tôt, mais on a fait qu’essuyer les plâtres ! », ajoute-t-il. Quelques dizaines de mètres plus loin, la cinéaste Coline Serreau partage cette exaltation devant un auditoire de deux cents personnes : « Le développement du bio est une déferlante, un véritable raz de marée ! Un changement global prendra peut-être dix ans, mais il est inéluctable. » Charismatique, Coline Serreau entraîne dans son sillage une salle euphorique, avant de conclure : « Il faut sortir l’agriculture du salon ! »
Les porte-paroles du bio sont au rendez-vous pour mettre en lumière l’excellente dynamique actuelle. Et rappeler qu’il reste du chemin à parcourir. « Ces résultats sont réjouissants, mais ce n’est pas non plus la panacée ! Nous ne sommes qu’à 5,7 % des surfaces cultivées en France », modère Maxime de Rostolan, coordinateur de Fermes d’avenir, une association de promotion de l’agroécologie. Pour le trentenaire arborant un t-shirt « Agriculteur, homme d’utilité publique », l’urgence est à la coopération : « Tout le système est à redéfinir. Les agriculteurs doivent parler avec des économistes, des politiques, des entrepreneurs. » Homme d’action, Maxime de Rostolan interpelle quelques secondes plus tard l’ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation à l’ONU, Olivier De Schutter.
Renforcer les liens entre citoyens-mangeurs et paysans
13 heures tapantes, place au goût et au partage. Une délicieuse odeur de soupe parcourt les lieux et participe à la bonne humeur. Ici, la majorité des participants sont déjà convaincus de la nécessité de changer de modèle d’alimentation, en France et ailleurs. Certains sont de tout jeunes initiés, comme Jérémy, 32 ans. L’air calme et studieux derrière ses lunettes rondes, il témoigne : « Je suis membre de l’Amap Les Brunelles à Paris depuis septembre 2016. C’est un réseau de distribution en lien avec mes attentes de proximité et de qualité. » Dans le hall, le mouvement Slow Food interpelle les visiteurs sur l’importance de bien connaître les aliments de son assiette : « Le mangeur doit s’intéresser au producteur ! », assure Juliette, membre de Slow Food France. « Maintenant que je suis passé à l’acte, c’est devenu pour moi une évidence », lui confirme Jérémy.
Au stand voisin, Dominique et Blaise de l’association Terres de liens s’enthousiasment, quant à eux, de l’ambiance de cette journée. « Incroyable !, s’exclame Blaise, je n’ai pas encore entendu les mots “affaires”, “profit” et “rentabilité” ! L’ambiance est bien plus détendue qu’au Salon de l’agriculture où nous exposons habituellement. »
En route vers la démocratie alimentaire
Et si l’exception agricole était à généraliser ? « La démocratie alimentaire consiste à passer de consommateur à contributeur », soutient Myriam suite à la table ronde sur le sujet. Cette jeune consultante indépendante rattachée au collectif OuiShare prépare une installation en maraîchage bio avec son compagnon. Selon elle, « il nous faut réinvestir les biens communs par l’intermédiaire des Amap et des groupements d’achats. L’objectif est d’inventer des circuits à des échelles où l’on peut gouverner. »
De leur côté, Denise et Daniel Vuillon, fondateurs de la première Amap en France en 2001, se félicitent de l’évolution positive des représentations de leur métier : « Avant, le mot paysan était une insulte. On nous disait utopistes, marginaux. Désormais, on est mieux considérés ! » Revaloriser le métier d’agriculteur et de paysan, le rendre plus accessible, voilà un enjeu majeur évoqué lors de cette journée. Car, comme conclut Michel Serres, membre de l’Académie française et parrain de l’événement, dans une vidéo réalisée et diffusée pour l’occasion: « Le paysan est le père nourricier de l’humanité. »
Il s’agit désormais de sortir du cercle des convaincus pour diffuser ce message auprès du plus grand monde. Citoyens, à vos fourches et vos fourchettes, les bio jours arrivent !
Par Simon Beyrand Suivre @sbeyrand
Notes
1 Situé dans le 3e arrondissement de Paris, cet ancien marché couvert fait à présent office d’espace culturel.
2 Selon l’Agence Bio
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il n y a aucunes raisons de ne pas rejoindre jl melenchon,de ce point de vue ce sont les seuls ;la France insoumises a proposer une alternative constructive et surtout joyeuse
« Sortons l’agriculture du salon » ou… »Rentrons du bio et du circuit-court au Salon »! Je vous invite à aller découvrir la vache égérie du salon, Fine, Bretonne pie-noire. Fine vient de la ferme des 7 chemins, à Plessé (44). Cette ferme, c’est des produits bio transformés sur place d’une qualité gustative incroyable, 3 éleveurs (heureux!), 40 vaches (et oui, on peut vivre à 3 éleveurs avec 40 vaches et sans s’endetter jusqu’au cou), quelques cochons, 2 après-midi de vente directe à la ferme, de la vente en AMAP, en restauration, et des consommateurs heureux.
Pierre RABBHI était le parrain de la fête de la Vache Nantaise en septembre 2014 à Plessé et avait rencontré les éleveurs de Fine qui font partie de l’équipe organisatrice de cette fête. Ces éleveurs défendent bec et ongle les valeurs que vous évoquez dans votre article. Que Fine soit l’égérie du salon de l’agriculture me réjouit car j’y vois un symbole fort, le signe que le changement est en route, oui, inéluctablement.
Amicalement, Sarah