Et si nous essayions de comprendre comment nos choix alimentaires influencent notre santé ? Rencontre avec le professeur Serge Hercberg, directeur de l’unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’Inserm (université Paris 13), responsable du Programme national nutrition santé (PNNS).
Vivre longtemps, c’est bien. Vivre longtemps sans béquilles, c’est mieux. Pour la première fois en France, l’espérance de vie en bonne santé a commencé à chuter : elle a baissé de 11 mois pour les femmes et d’un an pour les hommes entre 2006 et 2010 (Sources : Eurostat/Insee). Et si les causes d’une telle diminution se trouvaient dans notre assiette ? C’est la raison pour laquelle les politiques nutritionnelles se développent partout dans le monde, apportant la preuve qu’il existe un lien étroit entre alimentation et santé publique. C’est le cas en France, où le PNNS a vu le jour en 2001.
Quels sont les objectifs assignés au PNNS ?
En 1998, le directeur général de la Santé, Joël Ménard, m’a demandé de présider, avec Arnaud Basdevant, un groupe de travail pour réfléchir à la politique de santé publique en France et à la manière de faire reculer les maladies dites « de civilisation ». Ces maladies multifactorielles impliquent la génétique, sur laquelle on ne peut pas agir, mais aussi des facteurs environnementaux comme le contenu de l’assiette, le mode de vie ou la pratique de l’exercice physique, sur lesquels nous détenons le pouvoir de décision au niveau individuel et collectif. Le PNNS a donc été élaboré pour donner à tout un chacun des repères simples, accessibles et faciles à mettre en œuvre en matière d’alimentation et d’activité physique, et résumés par le slogan « Manger, Bouger ».
Tout le monde a en tête le slogan « Mangez cinq fruits et légumes par jour », l’une des mesures phares du PNNS. Qu’est-ce qui a inspiré cette recommandation ?
Elle repose sur l’analyse de nombreuses études internationales, qui confortent scientifiquement ce que l’on présupposait, au regard des observations montrant que certaines populations [les Crétois ou les habitants d’Okinawa] vivent plus longtemps et en meilleure santé que d’autres soumises à une alimentation différente. Elles mettent en évidence qu’une alimentation riche en produits végétaux, notamment en fruits et en légumes, associée à des aliments plutôt complets – ce que l’on retrouve dans le régime méditerranéen, par exemple – peut réduire le risque de très nombreuses maladies chroniques et que, à l’inverse, la consommation de produits raffinés, pauvres en fibres, riches en sucres, en graisses animales ou en sel augmente ce risque.
Une alimentation riche en produits végétaux, associée à des aliments plutôt complets, peut réduire le risque de très nombreuses maladies chroniques. © Pixabay
Le PNNS a-t-il modifié le comportement alimentaire des Français ?
Le bilan est mitigé. Des progrès ont été réalisés : la comparaison des Études individuelles nationales des consommations alimentaires – INCA 1 en 1998‑1999 et INCA 2 en 2006‑2007 – montre que la consommation de fruits frais a augmenté de 11 % chez les hommes et de 22 % chez les femmes, et que les apports en sel ont diminué de 5,2 %. Une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques [Drees] montre que le surpoids – y compris l’obésité – a reculé, passant de 14,4 % en 1999-2000 à 12,1 % en 2005-2006. Toutefois, les inégalités sociales en matière de santé se sont creusées. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, en juin 2015, à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, un ensemble de mesures particulièrement orientées vers les populations pour lesquelles la qualité nutritionnelle de l’alimentation n’est pas la plus favorable.
Certains détracteurs reprochent au PNNS de ne pas oser aller contre la culture dominante et de ne pas dire : « Voici comment il faut s’alimenter si on veut être en bonne santé. » Que répondez-vous ?
La volonté qui anime le PNNS est de réussir à traduire les connaissances scientifiques en actions de santé publique à partir d’une expertise collective méthodologiquement irréprochable et la plus objective possible. Il n’a pas vocation à prescrire un modèle unique, mais à déterminer des principes généraux pour une alimentation bonne pour la santé. Tout n’est certainement pas parfait, mais le fait de donner des repères permet à chacun de « faire sa cuisine » et d’adapter la recommandation à ses goûts et à son mode de vie. On recommande, on n’impose rien. Cela dit, dans le cadre de l’étude NutriNet‑Santé, lancée en 2009 et programmée jusqu’en 2019, nous cherchons, grâce au suivi actif de plus de 260 000 personnes volontaires [1], à mieux comprendre les comportements à risque ou protecteurs et à répondre de manière précise et scientifiquement documentée à de grandes questions non résolues, comme de déterminer si le fait de manger tel ou tel aliment, d’être végétarien ou végétalien ou de manger bio est associé à un moindre risque ou non de contracter telle ou telle maladie chronique. Les résultats sur ces questions seront disponibles dans les 2 à 5 ans à venir, en fonction de la rapidité à recruter un nombre statistiquement significatif de participants.
[1] NutriNet-Santé est un laboratoire vivant auquel vous pouvez participer en vous inscrivant sur le site : www.etude-nutrinet-sante.fr. Déjà 268 678 nutrinautes sont inscrits en date du 29 octobre 2014.
Propos recueillis par Marie Fuks
Article publié dans Kaizen numéro 18
Pour aller plus loin :
Délicieusement Green d’Angèle Ferreux-Maeght
Le Manuel de cuisine alternative de Gilles Daveau
Lire aussi : Jeûner pour mieux s’alimenter
Lire aussi : Slow Food : le bonheur est d’abord dans l’assiette
Bonjour,
C’est vrai que l’alimentation est essentielle pour être en bonne santé et le rester.
Pour prendre un seul exemple, une méta-analyse récente (BMC Medicine de décembre 2016) a analysé l’influence de la consommation quotidienne de magnésium sur le risque de survenue de certaines maladies et la mortalité.
celle-ci montre qu’une consommation journalière importante de magnésium ( que l’on trouve dans le chocolat noir, de nombreuses graines,…) diminue les risques d’AVC, de survenue de diabète de type 2, …
Bref, un bon moyen, au travers de l’alimentation, de joindre l’utile à l’agréable!
Bonne journée.
Merci pour toutes ces infos, c’est très intéressant. Mais en pratique pensez-vous qu’il est fortement nécessaire de savoir équilibrer et modérer tous les apports fournis par les différents groupes d’aliments?
La question qui me titille le plus, c’est comment faire pour qu’une personne soit habituée à tout cela?
C’est très intéressant, merci. C’est très difficile de changer de nos habitudes alimentaires mais je dis toujours que tout est dans la tête, si on veut on peut. Ça prendra forcément du temps mais il faut ce dire que c’est pour avoir une bonne santé.
Bonjour
Je remercie Marie Fuks pour cet article très intéressant. Il vrai que de nos jours on ne fait pas trop attention à notre alimentation. Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’on n’ait pas suffisamment le temps de préparer un repas équilibré à cause de nos obligations professionnelles (c’est mon cas de figure) ou encore parce qu’on peut tout trouvé dans les supermarchés. On est tenté par la facilité malheureusement. D’ailleurs, la mauvaise nutrition peut conduire à développer des maladies cardiovasculaires. En effet, l’arrêt cardiaque est responsable de près de 50 000 décès par an en France. Après je pense que chacun a une part de responsabilité. Il faudrait qu’il y ait plus de compagne de sensibilisation par rapport à l’obésité. Les parents quant à eux doivent faire le nécessaire pour inciter leur enfant à manger des légumes et plus de fruits.
Bonne journée.