Brooke Medicine Eagle : « Impliquer les citoyens est le plus dur des combats »

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    Du haut de ses 73 ans, Brooke Medicine Eagle sensibilise avec force et détermination à l’écologie et à la protection de la Terre. Cette amérindienne élevée dans une réserve indienne Crow dans le Montana au Nord-Ouest des États-Unis a toujours vécu en osmose avec la nature où elle a puisé tout son savoir.

    Brooke medicine eagle
    Brooke Medicine Eagle de passage à Paris. © Axelle Bibring-Pilliot

    Vous vous définissez comme une gardienne de la terre : qu’est-ce que cela implique ?

    J’ai toujours eu cette connexion avec la terre, depuis ma plus tendre jeunesse. Élevée dans une réserve indienne Crow dans le Montana, j’ai cohabité avec la nature et appris à aimer la terre. Plus tard, quand j’ai commencé à voyager, j’ai réalisé que mon rapport inné à cette terre n’était pas une évidence pour tout le monde. C’est ce constat qui m’a amené à entreprendre un travail pour la protéger et la renouveler. Impliquer les citoyens est le plus dur des combats. Aujourd’hui, certains habitants vivent d’une façon totalement déséquilibrée par rapport à la nature : un mode de vie qui a un impact certain sur la terre.

    Comment procédez-vous pour éveiller les consciences ?

    Il y a un sujet que j’aborde souvent : celui de l’argent et de la gestion du budget. Si nous jugeons qu’un produit est mauvais, arrêtons de l’acheter. Ainsi, ceux qui les fabriquent les retireront du marché. Prenons l’exemple des nettoyants ménagers : aujourd’hui, chaque recoin a sa lotion fétiche, c’est un entrepôt de choses néfastes à domicile. Il y a tellement de solutions plus simples, plus économiques et aussi efficaces comme le vinaigre blanc. Commençons par repenser sa manière de consommer à son échelle, que ce soit pour l’entretien de la maison, du jardin, sa manière de se nourrir, de se laver et tous les actes du quotidien.

    Et pour les plus sceptiques, comment les sensibiliser à l’écologie ?

    C’est un des défis de ma vie. Je les emmène « en retraite » dans le Montana, je les éloigne de leur quotidien et de leur cadre de vie. Je les emmène en plein cœur de la nature pendant deux jours et deux nuits pour les éveiller à la vitalité, à la richesse de la vie naturelle et de la vie sauvage. Pendant ce périple, je leur propose de ne pas boire ni manger. En descendant des montagnes, leur perception de l’eau, de l’environnement a changé. Souvent, les citoyens n’ont pas conscience que la terre est la source de toute vie, que c’est grâce à elle que l’on peut vivre. Avec cette méthode, il y a un certain déclic qui se crée. Je pense que cela a plus d’impact que des grandes phrases. J’organise également des camps, des séjours sans électricité de plusieurs jours ouvert au public. À la différence des retraites qui ont pour but de réveiller les humains et leur ouvrir les yeux sur la beauté de la nature, les camps sont davantage propices à l’apprentissage et au dialogue.

    Qu’est-ce que vous apprenez aux visiteurs pendant ces camps ?

    Je les sensibilise principalement à deux choses : à l’autonomie et à la permaculture. Dans la réserve indienne où j’ai vécu nous faisions tout nous-même : tanner la peau, construire un habitat… Ainsi je partage mon expérience avec les curieux. J’ai eu la chance de rencontrer Bill Morrison, fondateur de la permaculture en Australie. Bill Morrison donne beaucoup de solutions pour construire le monde de demain, il m’a permis d’augmenter ma connaissance que je transmets avec joie. Au cours de ces séjours, c’est épatant d’observer la réaction de ces citadins plongés en pleine nature. Ce cadre, si différent de ceux qu’ils côtoient au quotidien, les transforme. Au bout de 10 jours, certains désiraient déménager dans le Montana. Je leur disais alors : rentrez chez vous et changez votre monde pour qu’il devienne tel qu’il est dans le Montana.

    De retour en villes, par où commencer ?

    J’incite les habitants à trouver des solutions par eux-mêmes. Comme les jardins dans les grandes villes. À New-York, les citoyens reconvertissent des terrains vagues en jardins et sur les toits des bâtiments, des ruches voient le jour. La permaculture permet, quant à elle, de faire pousser une foison de choses. Il faut secouer les hommes et les femmes, les réveiller pour qu’ils prennent conscience qu’un jour, si rien n’est fait, ils se retrouveront dans une situation précaire. Ainsi, j’essaye au quotidien que les humains se connectent à une sagesse qu’ils portent dans leur corps.

     

    Propos recueillis par Axelle Bibring-Pilliot

    © Kaizen, construire un autre monde… pas à pas

     

    Pour en savoir plus : site de Brooke Medicine Eagle


    Lire aussi : Civilisation : Des Indiens d’Amazonie regardent notre société
    Lire aussi : Un tribunal international pour préserver la nature

     

    6 Commentaires

    1. la meilleure solution est effectivement de déserter les villes avant que çà pète car toute économie fondée sur de la monnaie de singe ou virtuelle finit par s’effondrer, c’est mathématique, ce n’est qu’une question de temps.
      Mais parlons de choses intéressantes : les soldes… (ironie)

    2. Sujet essentiel que les idéologues comme vous n’abordent presque jamais : les raisons de nos choix.
      Peut-être sommes-nous sous influencés ou mal éduqués, mais nos choix sont libres. Les décréter tous mauvais vous convainc, vous, mais pas nous.
      J’apprécie votre approche incitative. peut-être devriez-vous aussi essayer de comprendre nos choix. Nos produits ménagers fonctionnent mieux que le vinaigre.

    3. Zollah, je suis surprise de ta réaction. Pourquoi lis tu ce magazine si ce n’est pour changer ta vision des choses, tes choix, et les opinions que te dicte cette société. Pour ma part, effectivement je pense que nous avons été mal éduqués, si nous avons l’intelligence de le reconnaître alors pourquoi ne pas changer ? Enfin, ceci n’engage que moi. PS le vinaigre blanc est vraiment un super nettoyant 🙂

    4. Bonjour, je rejoins Anna dans l’idée que nous avons intérêt à moyen terme d’investir un coin de nature et faire en sorte de devenir autonome! Après je pense que chacun a besoin d’une transition et de faire des choix!

    5. Les choix peuvent être multiples, changeants, divers, sur un modèle choisi en totalité ou partiellement, toutes les déclinaisons y ont leurs places.
      IL est nécessaire de garder en t^te que la meilleure des idées peut devenir insupportable s’il faut l’appliquer par quelque forme d’obligation que ce soit.
      Le droit à l’essai et à l’approximation doit être imprescriptible.
      Que chacun fasse comme il peut et marche à son pas.

    6. C’est vrai que nous pouvons déjà nous changer, changer nos manières de consommer et « contaminer » notre entourage, ce que j’essaie de faire modestement, mais la planète est tellement immense , le nombre d’habitants … aïe… que je me demande si nous serons assez nombreux à prendre conscience et faire en sorte que le compte à rebours vers la catastrophe s’inverse!

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