Agroforesterie : des arbres au champ

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    L’agroforesterie consiste à associer sur une même surface des arbres et une production agricole. Un système mixte qui donne de très bons résultats, en rupture avec l’agriculture productiviste.

    agroforesterie
    © Stéphane Perraud

    Pour créer une parcelle agroforestière, deux solutions : éclaircir une surface boisée pour y installer des légumes ou des céréales, ou planter des arbres sur une surface déjà cultivée. Cette seconde option est la plus répandue sous nos latitudes, mais dans les deux cas, ça marche ! D’après Christian Dupraz, chercheur à l’INRA, la productivité globale d’une parcelle de deux hectares en agroforesterie est supérieure d’au moins 30 % à celle d’un hectare de forêt additionnée à celle d’un hectare de cultures. À la production agricole annuelle, s’ajoute la production différée de bois. Et quand on sait que l’association des deux donne à la fois de plus beaux légumes et des arbres plus vigoureux, le résultat est forcément positif. C’est aussi une autre façon d’envisager l’agriculture, en protégeant la biodiversité, les sols et les nappes phréatiques.

    Couvert végétal

    Voilà trois ans que Virginie et Denis Florès, maraîchers bio dans le Gard, ont opté pour cette technique associée. Leurs légumes s’épanouissent sous des noyers plantés en carré tous les dix mètres. Radis, oignons, tomates, courgettes, aubergines, poivrons, salades, céleri, mais aussi fraises et aromatiques bénéficient ainsi d’un toit végétal. Les rangs sont orientés sur un axe nord-sud : ils sont ainsi exposés au soleil du matin et du soir et restent à l’ombre aux heures chaudes.

    « Les racines des arbres enrichissent la terre, qui grouille de vers. Ceux-ci aèrent et travaillent le sol en douceur. On en a compté 200 au m2 sur notre ligne d’arbres, 150 dans nos cultures et 3 seulement chez notre voisin qui travaille en conventionnel sur une terre nue, témoigne Denis. Les arbres favorisent la biodiversité. Les coccinelles mangent les pucerons. Comme tous les auxiliaires, elles sont venues spontanément », poursuit-il.

    Les oiseaux n’ont pas tardé à repérer le lieu qui leur fournit le gîte et le couvert. En été, les arbres apportent un vrai confort pour travailler ; en hiver, ils protègent du vent et du froid. Côté culture, les résultats sont très probants : l’été dernier, les tomates pesaient 800 grammes sans autre arrosage que les pluies, grâce aux arbres qui conservent l’humidité dans le sol et la font remonter. Cet automne, Denis laissera les feuilles tomber et se dégrader sur ses cultures, elles formeront un compost naturel et un couvert antigel. Pour boucler la boucle, il ajoutera un broyat fait des branches issues de la taille.

    Agroforesterie, un savoir-faire ancestral

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    © Stéphane Perraud

    Ce couple de maraîchers fait partie des 50 000 agriculteurs français qui associent arbres et cultures, comme autrefois. « Les arbres ont disparu des champs français il y a un demi-siècle seulement. Les agriculteurs les ont coupés pour faire de la place, artificialisant le sol à grands renforts d’engrais et de pesticides, avec les résultats que l’on sait en matière de pollution de l’eau, d’appauvrissement de la terre et d’érosion des sols », explique Daniele Ori, de la société coopérative spécialisée Agroof. Curieuse décision quand on sait que l’arbre restaure la fertilité de la terre grâce à la chute des feuilles et à la décomposition des racines fines qui augmentent le taux de matière organique. En sous-sol, le filet racinaire capte les éléments nutritifs qui échappent généralement aux cultures. Chaque arbre en retient une partie pour ses propres besoins et recycle l’autre pour les végétaux alentour. Enfin, il fixe le carbone et participe ainsi à la lutte contre l’effet de serre. Associé à des cultures, il s’enracine plus profondément, permettant à la fois de lutter contre l’érosion et d’être plus résistant au vent. En cas de fortes pluies, il améliore la capacité de percolation et limite le ruissellement.

    Des arbres et des bêtes

    L’agroforesterie s’applique également à l’élevage : on parle alors de sylvopastoralisme. On trouve encore des châtaigneraies pâturées par les moutons en Corse et dans les Cévennes, mais le modèle le plus performant est celui des prés vergers normands. Jérôme Forget, producteur de cidre et de poiré dans l’Orne, fait ainsi paître son troupeau sous les arbres. « L’herbe est riche en fibres, c’est parfait pour la rumination. Les vaches mangent également des fruits et des feuilles sur les branches basses. Je retire mes bêtes des vergers mi-août pour étaler les bouses. Elles sont décomposées quand arrive la récolte, à l’automne, et enrichissent le sol », explique-t-il.

    Céréales, maraîchage, vigne, élevage, tous les types d’agriculture se prêtent à l’agroforesterie. « Le principe est de recréer le travail qui se fait naturellement en forêt et de diminuer l’intervention humaine au champ, explique Alain Canet, président de l’Association française d’agroforesterie. Un arbre ne s’arrose pas, ne se bine pas, n’a pas besoin d’engrais et pourtant il pousse tous les jours. On n’a jamais réussi à faire mieux. »

     

    Extrait du dossier de Kaizen 10 réalisé par Stéphane Perraud.

     


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    2 Commentaires

    1. Pourquoi en France on n’encourage pas plus ce genre de méthodes respectueuses de notre Terre ?
      Tout le monde y serais gagnant et on arrêterai peut-être d’entendre ds les médias que tout les ans il y a un nombre insoutenable de paysans qui se suicident écrasés par les dettes, ou d’autres qui ferment leurs exploitations pour les mêmes causes.

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