Coquillages et crustacés, une pêche en progrès

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    Les fruits de mer font le bonheur de nos papilles, mais, comme pour les poissons, les réserves sont fragiles. La Normandie montre l’exemple d’une gestion durable.

    Première région productrice de coquillages de pêche, la Normandie se distingue par ses initiatives qui encouragent une gestion rationnelle de la ressource. C’est le cas avec les moules sauvages de Barfleur, à ne pas confondre avec les moules de bouchot. « Les pratiques pour pêcher les moules de Barfleur sont très réglementées », confirme Béatrice Harmel du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Basse-Normandie (CRPBN). Une campagne de prospection annuelle des gisements naturels de l’Est du Cotentin est menée depuis 1981 par la pêcherie [1]. « En mars ou avril, durant trois à quatre jours, nous faisons un quadrillage. Puis nous pêchons les moules, les mesurons et les remettons à l’eau. »

    Une fois les quantités évaluées, avec l’appui de l’Ifremer, une délibération fixant pour l’année les conditions d’exploitation est présentée en Comité Régional des Pêches, représentation régionale des pêcheurs. Selon l’abondance et la taille des moules collectées pendant le test, les cinq gisements de la pêcherie sont ouverts plus ou moins longtemps durant la saison qui s’étale de juin à octobre. « Les gisements sont très cycliques. Ils peuvent parfois produire jusqu’à 30 000 tonnes en une année, puis trois fois moins l’année suivante, observe Béatrice Harmel. Cela dépend des conditions climatiques, des planctons, de l’apport en eau douce… Durant la phase larvaire, les moules dérivent, ce qui impacte aussi leur croissance. Alors, certaines années, nous n’exploitons pas l’un des gisements et nous le laissons se reposer. »

    Certaines ONG – WWF, Greenpeace… – recommandent d’éviter de consommer des moules sauvages pêchées à la drague, dénonçant l »impact sur l’environnement des engins utilisés [2]. En l’occurrence, les moules de Barfleur sont traditionnellement pêchées par des dragues lourdement équipées, mais limitées en nombre. « Le rôle du CRPBN est la gestion de la ressource. Une pêche durable implique que l’on ne pêche pas plus que ce que la mer donne », indique Béatrice Harmel. Ces dernières années, l’intensification de la production d’énergie éolienne en mer, ajoutée à la pose de câbles et de réseaux de canalisations sous-marins, a généré une rivalité des usages entre industriels et pêcheurs. « Notre rôle, c’est aussi de défendre notre territoire et de faire cohabiter tous les métiers de pêche présents », précise-t-elle.

    De la pêche douce à la certification

    LF NFM mle Barfleur Thortevald drague 13Pour valoriser la qualité et la durabilité des produits de la pêche de la région, l’association Normandie Fraîcheur Mer (NFM) a été créée en 1998. Alors que la pêcherie de moules en Basse-Normandie représente un contingent de 64 bateaux, seulement sept d’entre eux ont décidé d’adhérer à la démarche NFM. « C’est une manière d’avoir une reconnaissance auprès des consommateurs, de se démarquer par rapport au travail bien fait », confie David Rigault, patron-pêcheur. Le label NFM implique une expédition du produit moins de 36 heures après la capture en mer. « Au début des années 2000, les pêcheurs de moules de Barfleur ont pris conscience qu’ils avaient un très bon produit entre les mains, relate Raïssa Tesseron, responsable qualité au sein de NFM. Ils sont venus nous trouver afin d’élaborer un cahier des charges qui fixe les critères garantissant la qualité du produit. » Pour garantir la traçabilité, deux étiquettes – l’une sanitaire, l’autre commerciale – sont apposées sur le produit. « Nous contrôlons les indices de chair des moules débarquées par chaque bateau, c’est-à-dire que nous nous assurons que les moules sont bien pleines en mesurant le poids de la chair par coquillage une fois par semaine », précise Raïssa. Un moyen pour le consommateur qui achète des moules labellisées NFM de n’avoir aucun doute la qualité du produit.

    De l’autre côté, dans l’Ouest du Cotentin, le bulot, aussi appelé buccin, fait la fierté de Granville avec 6 000 à 9 000 tonnes pêchées par an, et représente un bel exemple de gestion réussie d’une pêcherie, qui met en œuvre une gamme de règles complémentaires (période de pêche, nombre de navires, tailles des animaux). « Dans les années 2000, nous avons pris conscience de la surexploitation, car nous n’en pêchions plus », se souvient Roland Quarante, bulotier à la retraite. Dans un premier temps, l’interdiction de pêcher les samedis et les dimanches, et l’instauration de quotas ont été adoptés, mais cela n’a pas suffit. « En 2007, nous avons procédé à la première fermeture biologique », souligne Ghislaine Hervieux, du comité local de pêche à Blainville-sur-Mer. Les pêcheurs laissent les bulots se reposer pendant le mois de janvier, pleine période de ponte. » Le comité local a également décidé de ne pas renouveler une licence sur trois afin de diminuer l’effort de pêche. « La meilleure mesure que l’on ait prise, c’est l’augmentation de la taille des barrettes de tri en 2009 », renchérit Roland. L’écartement des grilles des  calibreuses a augmenté afin de remettre à l’eau les bulots d’une taille inférieure à 45 millimètres. Les bulotiers du Cotentin espèrent désormais décrocher l’écolabel MSC pour une pêche durable.

     

    [1] L’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) propose de définir la « pêcherie » comme une entité de gestion d’une capacité de pêche circonscrite à une zone géographique donnée, où opèrent différents métiers qui capturent des espèces occupant des habitats de caractéristiques semblables.

    [2] Il est reproché aux dragues, lourdes de plusieurs dizaines de kilos, d’abîmer les fonds marins.

    Extrait du dossier de Kaizen 17.

    Commander Kaizen 17

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