Fabriquer son propre miel est désormais un rêve à la portée de tout citadin. Voici nos conseils pour bien démarrer dans l’apiculture urbaine.
Effet de mode ou réelle prise de conscience écologique, de plus de plus de ruchers essaiment dans les grandes villes [1]. Si l’engouement pour l’apiculture tient parfois lieu d’une opération de communication – certaines entreprises veulent aménager une ruche sur leur toit pour afficher une image écolo -, de nombreux particuliers et des entreprises réellement engagées veulent s’investir dans l’apiculture. Un projet qui peut s’avérer salutaire : indispensables au maintien de la biodiversité, les abeilles sont aujourd’hui en danger. Depuis la fin des années 1990, les spécialistes pointent le phénomène du « syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles » désignant leur anormale surmortalité (autour de 30 % en moyenne) [2]. Avec l’usage intensif des pesticides, cette hécatombe représente un réel fléau écologique. « Installer des ruchers en ville est une bonne chose, cela permet de reconstituer le maillage des pollinisateurs. Toutes les abeilles n’ont pas vocation à vivre en milieu urbain, mais c’est important qu’elles y soient tout de même présentes. Par ailleurs, la biodiversité est parfois plus importante dans les agglomérations que dans les zones cultivées, en raison de l’épandage de traitements chimiques qui déciment la faune et la flore », estime Nicolas Géant, apiculteur depuis trente ans et gérant de la société Nicomiel. La pollution urbaine, incompatible avec l’installation de ruchers ? Idée reçue !
« Cela peut sembler paradoxal, mais les villes sont aujourd’hui moins polluées que les zones cultivées. L’image de la cité polluée par l’industrie du charbon au XIXe siècle n’a plus lieu d’être. La pollution automobile dans les agglomérations reste faible au regard de celle générée par l’usage des traitements chimiques dans les zones cultivées », poursuit l’apiculteur.
L’installation d’un rucher : beaucoup de plaisir et peu de contraintes
« Tous les apiculteurs sont des passionnés. S’ils n’abandonnent pas leur activité au bout de six mois, ils resteront apiculteurs à vie. La condition sine qua non pour installer une ruche, c’est d’aimer les abeilles », résume Nicolas Géant. Mais avoir approché des ruchers dans son environnement familial ne suffit pas à s’improviser apiculteur : l’apprentissage est important. « Il n’est pas obligatoire de suivre des formations longues mais c’est indispensable d’être initié. L’abeille est un animal fragile : si l’on ne s’en occupe pas bien, elle meurt », explique Guy-Noël Javaudin, exploitant apicole en Normandie et créateur du rucher-école de Montreuil. Soyez patients, les listes d’attente pour ces formations sont souvent longues.
Côté contraintes, elles sont rares : s’occuper d’une ruche prend peu de temps dans l’année. Si l’installation a lieu en février-mars, le plus gros du travail s’effectue au moment de la récolte en été. « C’est beaucoup moins astreignant que l’entretien d’un jardin », témoigne Guy-Noël Javaudin. Quant au budget d’équipement nécessaire, il reste accessible au plus grand nombre (voir fiche pratique).
Face aux abeilles, quelques précautions s’imposent : approchez-les lorsque vous êtes calme et veillez à ne pas commettre de gestes brusques. « Si vous êtes fatigué ou tendu, les abeilles le sentent », explique Olivier Desprez, apiculteur formateur. Elles sont également sensibles aux odeurs : « Je déconseille de porter du parfum ou même du déodorant. Attention également au maquillage et aux produits cosmétiques utilisés pour le visage et les bras », ajoute Eric Picard, apiculteur amateur aux jardins du Ruisseau à Paris. Éloignez également votre téléphone portable des ruchers, les ondes qu’il émet nuisent aux abeilles.
Sachez que si la combinaison représente une protection indispensable, elle ne vous immunise pas pour autant contre le risque de piqûres – qui restent souvent inévitables. Le bon réflexe ? Grattez l’endroit de la peau qui a été piqué ou approchez une source de chaleur. Surtout, n’enlevez pas le dard verticalement : vous risqueriez de vous injecter le venin. Vous pouvez également vous procurer un aspi-venin en pharmacie.
Du bon miel fait maison
La réglementation interdit d’ajouter ou d’enlever quoi que ce soit au miel extrait de la ruche. Le label bio ne s’applique donc pas à ce produit, sauf à considérer qu’il provient de fleurs non traitées, ce qui n’est pas toujours facile à déterminer. En ville, même si vous n’êtes pas à l’abri d’un traitement appliqué sur des rosiers que les abeilles butinent, le miel s’avère plus naturel que celui issu de fleurs poussant à proximité de zones cultivées, où l’exposition aux pesticides peut se déployer sur 20 ou 30 hectares. Le miel provenant des fleurs de montagne et de forêt reste le moins exposé à toute forme de pollution. Quant à sa qualité gustative, elle reste subjective. Le miel que l’on produit soi-même a toujours tendance à être le meilleur…
Des abeilles en plein Paris
Diane Jos élève des abeilles sur sa terrasse parisienne depuis cinq ans. « J’ai toujours voulu avoir un rucher chez moi. J’ai réalisé mon rêve à 50 ans ! » Cette pétillante citadine a décidé de se former auprès du rucher-école du jardin du Luxembourg. Elle dispose aujourd’hui de trois ruches, aménagées sur le toit de son habitation. « L’apiculture ne prend pas beaucoup de temps. Trois ou quatre interventions dans l’année suffisent, chacune durant généralement entre une demi-heure et une heure », ajoute-t-elle. En 2013, elle a produit 80 kilogrammes de miel. « Je fais généralement deux récoltes dans l’année. Selon les millésimes, la production de miel peut aller de 0 à 10, 15, voire 20 kilogrammes par ruche. Avec une ruche Warré, pas besoin de matériel d’extraction. Une simple passoire suffit. » Diane Jos fait sa récolte chez elle. Depuis deux ans, elle organise également des stages de formation une fois par mois à Paris et en Normandie. Face à l’engouement actuel des citadins pour l’apiculture, ses ateliers font salle comble !
[1] Près de 300 ruchers ont été recensés à Paris (Source : site de la mairie de Paris)
[2] Source UNAF et Pollinis, réseau des conservatoires abeilles et pollinisateurs
Par Nathalie Ferron
Le lieu
Avant de vous lancer, déterminez l’endroit où vous allez installer votre ruche. Assurez-vous que les abeilles pourront trouver les fleurs dont elles se nourrissent dans un rayon de 3 kilomètres et que l’environnement est propice à leur labeur (pas d’autres ruchers à proximité). La ruche doit être installée sur un sol stable et ne pas être exposée à l’humidité. En été ou en plein hiver, il est conseillé de poser sur la ruche un couvre-cadre afin de permettre une bonne isolation contre la chaleur et le froid.
En règle générale, un rucher urbain doit être installé à plus de 20 mètres des habitations ou d’une voie publique (la réglementation départementale variant selon les localités : cette distance est ainsi est fixée à un seuil de 5 mètres à Paris). Il doit être entouré d’un obstacle (mur, palissade, haie…) d’une hauteur supérieure à 2 mètres. Si vous avez des enfants, protégez l’accès au rucher, il peut être dangereux pour eux. Vous pouvez installer votre ruche sur un toit, une terrasse, voire un balcon à condition que cela ne gêne pas votre voisinage.
Quelle ruche ?
Warré, Langstroth, Dadant, Voirnot ? Choisissez votre type de ruche. En bois ou en plastique, avec ou sans hausses, il en existe de toutes sortes. Pour trouver la plus adéquate, vous devrez tenir compte du climat de votre région et de votre mode d’apiculture (nomade ou sédentaire). Attention aux idées reçues : « On entend parfois dire qu’une ruche Warré est plus écologique que les autres mais c’est faux », souligne Bertrand Freslon, gérant de la société La Route d’Or qui commercialise du matériel d’apiculture. Si vous avez besoin d’aide dans votre sélection, rejoignez une antenne locale du GDSA (Groupement de défense sanitaire des abeilles) : vous bénéficierez ainsi de conseils de professionnels. Avis aux bricoleurs : il est aussi possible de confectionner soi-même sa propre ruche !
Passer à l’acte
Inscrivez-vous dans un rucher-école pour acquérir les fondements de la pratique de l’apiculture. Il en existe dans toutes les grandes villes. Pour trouver une formation près de chez vous, pensez à contacter l’UNAF (Union nationale de l’apiculture française). Agir en en réseau facilitera vos démarches, notamment quand vous aurez besoin d’un essaim.
Quelques adresses pour se former
En Ardèche : Terre et Humanisme
En Île-de-France : Société centrale d’apiculture
À Montreuil : rucher-école de Montreuil
En Normandie : rucher-école Villa le Bosquet
Le prix
Le démarrage de votre activité va nécessiter du matériel. Voici la liste des éléments indispensables (comptez un budget global de 250 euros pour le matériel). À savoir : certaines boutiques comme beeopic.com proposent des kits d’apiculture pour débutants.
- Une ruche (90 euros environ)
- Des hausses et des cadres dans lesquels les abeilles déposeront le miel (20 euros chacun)
- Une vareuse, le vêtement de protection, munie d’un camail (chapeau) et d’une combinaison (50 à 120 euros)
- Un enfumoir permettant de contenir la colonie avant une intervention dans la ruche (20 à 25 euros)
- Des gants (10 à 15 euros) – vous pouvez opter pour des gants en plastique ou de jardinage
- Une brosse à abeilles pour ne pas les écraser (4 à 7 euros)
- De la cire (15 à 20 euros le kilogramme)
- Et bien sûr les abeilles ! Comptez 80 à 150 euros pour un essaim, 20 à 25 euros pour une reine. Sachez que toutes les races d’abeilles ne conviennent pas pour l’apiculture urbaine. « Il est préférable de choisir une abeille douce qui accepte le contact avec l’humain », rappelle Guy-Noël Javaudin. Privilégiez par exemple les races comme la Buckfast ou la Frère Adam.
- Pour le matériel d’extraction du miel, comptez environ 300 euros. En ville, on manque parfois d’un entrepôt. La solution ? Rejoindre une association, cela vous permettra de mutualiser les équipements.
La loi
Déclarez votre installation auprès de la Direction Départementale de la Protection des Populations de Paris (DDPP). Il n’y a pas de condition particulière à remplir, en revanche la déclaration est obligatoire et renouvelable chaque année. Pensez également à contracter une assurance pour votre rucher.
L’entretien
Chaque année, vous devrez traiter votre ruche contre les parasites (dont le varroa). Notez qu’en cas de problème, il est possible de contacter un agent sanitaire apicole qui se déplacera pour vérifier l’état de votre ruche.
Quelques livres pour en savoir plus et démarrer votre activité :
Mes premières abeilles, Pierre Maréchal, éditions Rustica, 2013
Ma ruche en ville : guide d’apiculture urbaine, Nicolas Géant, éditions Agrément, 2011
L’apiculture écologique de A à Z, J-M Frèrès et J-C Guillaume, éditions Résurgence, 2011
Revues spécialisées :
Abeilles et fleurs, magazine de l’UNAF (Union Nationale de l’Apiculture Française)
L’Abeille de France, le mensuel de l’apiculteur
Lire aussi : Le Ghee (ou Ghî) fait maison