Le documentaire Bienveillance paysanne replace l’élevage au cœur de la nature

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    En 2020, l’élevage représentait 69% des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française, elle-même deuxième secteur le plus polluant en France. Plantation d’arbres, emploi de poules comme alternatives aux pesticides, éco-paturage… Dans son documentaire Bienveillance paysanne, le réalisateur Oliver Dickinson fait le portrait d’éleveurs et d’éleveuses qui ont adopté des pratiques vertueuses pour préserver l’environnement. Le but : montrer qu’il existe des solutions pour répondre à l’agribashing et faire « un pont entre les mondes urbain et rural ».

    Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à travers votre documentaire Bienveillance paysanne ?

    J’ai grandi en milieu rural, et je suis parti faire mes études en ville. J’ai alors réalisé dans ma nouvelle vie citadine qu’il y avait un fossé culturel qui était en train de se creuser entre ces territoires. Y compris avec mes fréquentations, mes amis, qui avaient tendance à se moquer des ruraux. Cela me blessait étant donné mes origines. Et au fur à et à mesure, en tant que professionnel de l’image, j’ai commencé à être témoin de ces vidéos choc qui dénonçaient l’élevage et qui ne proposaient jamais de solution : il fallait tout éliminer d’un coup, en mettant tout le monde dans le même panier. J’ai déménagé ensuite en Aveyron où j’ai continué à filmer des initiatives en lien avec la nature pour protéger le vivant, et j’ai croisé de plus en plus d’éleveurs, dont les pratiques et les discours m’ont rassuré. Beaucoup emploient des méthodes ancestrales, souvent mises de côté dans l’après-guerre et en pleine industrialisation, et cherchent des solutions d’agroécologie. Préserver l’environnement, c’est une vocation pour certains, au-delà de leur métier.

    Tout ce domaine m’a vraiment fasciné et j’ai eu envie de le défendre, de le mettre en lumière dans mes films, pour faire un pont entre le monde rural et la ville. Comme dans Des locaux très motivés sorti en 2016 et avec Un lien qui nous élève en 2019 sur ces éleveurs qui sont soucieux du bien-être de leurs animaux.

    Quelle pratique, quelle « collaboration animale », vous a le plus marqué en réalisant Bienveillance paysanne ?

    Cela dépend à quel niveau. J’ai été absolument fasciné par la collaboration d’éleveurs de brebis avec les vautours qui se nourrissent des carcasses de leurs bêtes. Je n’avais pas prévu de les filmer, puis la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) d’Aveyron m’a contacté alors que j’avais commencé le tournage, pour que je rencontre ces agriculteurs. J’étais assez curieux donc j’y suis allé, et ils m’ont dit de revenir lors d’une curée, lorsque le cadavre d’une brebis est positionné sur une placette à destination des rapaces. Ça va très vite en général. En 10/15 minutes c’est réglé. C’est impressionnant ! J’ai commencé à me rapprocher au fur et à mesure de leur festin, et à la fin, les vautours commençaient à s’envoler, et certains me frôlaient, à deux trois mètres au-dessus de moi, pour décoller, pas du tout pour m’attaquer. Et là je les ai vus de près ; j’étais vraiment scotché par leur prestance. C’est grandiose comme animal. Par la suite j’ai appris que cet oiseau a un pouvoir particulier grâce à son tube digestif qui peut contribuer à supprimer les maladies des bêtes. Un équarisseur naturel en somme.

    J’ai aussi été marqué en termes de pratique par l’arboriculteur d’Ille-et-Vilaine qui entretient et protège ses vergers avec trois espèces différences : des poules, des brebis et des porcs. J’admire cette collaboration animale où chacun a son rôle.

    Enfin, je tenais beaucoup à montrer le rôle du pastoralisme dans la lutte contre les incendies.

    Il est souvent fait mention de la « biodiversité domestique » dans votre documentaire. Qu’est-ce que cela comprend ?

    Il s’agit de tous les animaux de ferme que l’on connait aujourd’hui. Mais la plupart des éleveurs que j’ai rencontrés ont des petits effectifs de races dites « locales » ou « rustiques », comme Caroline, l’éleveuse de Loire-Atlantique qui tente de préserver la race des moutons de Belle-Ile. Cela contribue à la richesse de la biodiversité, grâce à diverses symbioses que je ne pourrai pas vous expliquer à vrai dire. Mais la magie opère (rires). Par exemple, le pâturage des vaches dans les marais poitevins permet de prévenir l’invasion des saules et de favoriser les populations des cistudes d’Europe, petites tortues noires. La biodiversité domestique contribue ainsi à la biodiversité sauvage.

    En parallèle, les éleveurs ont tout intérêt à travailler avec des races locales, car elles sont adaptées aux territoires. Elles peuvent rester à l’air libre, quel que soit le temps, la saison, c’est génétique. L’agriculteur aura beaucoup moins de soins à apporter par rapport à un animal placé dans un bâtiment, à visée productive, auquel il faudra injecter divers produits sanitaires. Pour la bête et pour l’éleveur, le bénéfice est double.

    Oliver Dickinson, en plein tournage de Bienveillance paysanne.

    Au début de votre documentaire, l’éleveur de vaches laitières, Ludovic, déclare : « Mon père était cultivateur, il est devenu agriculteur. Moi je suis exploitant agricole et demain, j’espère que je serai paysan ». Ce commentaire apparaît juste avant votre titre. Pourquoi est-il important pour vous ?

    Je le trouve très profond, et touchant. Il traduit à la fois une évolution de la société et la variation d’échelle, de la ferme à l’exploitation agricole, avec l’intensification et l’industrialisation du modèle. C’est tout simplement autre chose. Ce que j’essaie de montrer dans mes films, c’est le sens que l’on perd dans ces pratiques conventionnelles et modernes.

    Le parcours et la transition de Ludovic m’ont interpellé à ce sujet. Il travaillait dans un modèle industriel avec son frère. Mais suite au décès de ce dernier, il a pris du recul, et a essayé de trouver du sens à sa vie. Son objectif aujourd’hui est de devenir paysan. Il a converti sa ferme en bio, a réduit son cheptel, s’est lancé dans la vente directe… Avec son portrait, j’essaie de montrer à l’agriculteur classique que c’est possible.

    Le documentaire sortira en salle le 15 mars. D’ici là, des avant-premières sont diffusées dans certains cinémas. Les séances disponibles sont à retrouver sur la page Facebook de Bienveillance paysanne.


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