Plan loup, faire la paix avec l’imaginaire du « grand méchant loup »

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    Entré en vigueur le 20 janvier 2023, le « plan loup » vise à aider les éleveurs à s’adapter au retour de l’espèce dans le Finistère. Quels préjugés entourent cet animal clivant, aussi redouté que fascinant ? Comment les dépasser pour envisager une cohabitation harmonieuse ? Éléments de réponses avec François Lasserre, naturaliste spécialisé dans le décryptage des fausses croyances entourant la faune et la flore.

     

    D’où viennent les préjugés tendant à diaboliser le loup ?

    De nombreuses anecdotes avérées ou non au cours de l’Histoire. Les attaques de ce prédateur sur le bétail domestique ainsi que “notre” gibier – et rarement sur l’humain – ont particulièrement nui à son image, jusqu’à imprégner aujourd’hui abondamment notre patrimoine culturel. Les Trois Petits Cochons, La Chèvre de M. Seguin, Le Petit Chaperon Rouge… Tous ces contes perpétuent l’image d’un animal à la fois sournois et cruel. Il y a aussi ces périodes de famine et de guerres, pendant lesquelles il arrivait que des cadavres dispersés soient mangés par des loups, qui permet d’ailleurs de nettoyer nos environnements. Si les charognards permettent aussi d’éviter la propagation des maladies, cet aspect-là a été occulté pour ne laisser en mémoire que l’image du « mangeur d’hommes ». Une réputation renforcée par plusieurs attaques envers des proies considérées comme faciles (telles que des enfants), particulièrement lorsque les loups étaient plus nombreux en temps de guerre, lorsque la chasse était moins intense. Ensuite, c’est la rage qui porta préjudice à l’animal, en étant à la source de diverses attaques.

    Le mythe de la « bête du Gévaudan » illustre bien cette psychose. L’hypothèse la plus plausible, à ce sujet, est qu’il ne s’agissait pas d’un ou plusieurs loups (ou de chiens errants) anthropophages. Chose rarissime mais qui marque nos imaginaires, via certains biais de raisonnement de nos cerveaux.

    De même, la peur qu’inspire canis lupus est liée à sa condition d’animal nocturne. Imprévisible, malfaisant, menaçant… Les êtres de l’obscurité attirent à eux tout un tas de préjugés, comme c’est le cas pour la chouette ou la chauve-souris.

     

     

    Qu’est-ce que cette haine du loup dévoile de notre rapport au sauvage ?

    Cette haine du loup est très révélatrice de notre manière d’appréhender les animaux non-humains. Les chiens qui vivent avec nous au quotidien sont les descendants directs du loup, suite à plus de 35 000 ans de domestication – nous pourrions les en remercier ! Pourtant, le loup a été totalement exterminé en France dans les années 1930, après des siècles de chasse. Il a fallu attendre environ soixante ans pour que de nouveaux individus (puis des meutes) en provenance d’Italie s’installent dans l’Hexagone. À cet égard, la France est un pays particulièrement « louphobe », par rapport à des nations où ils sont restés présents (Italie, pays de l’Est, Espagne, etc.). On peut notamment dresser un parallèle entre jardin à l’anglaise et à la française, qui dénotent de deux conceptions assez différentes de la nature : l’une tendant à la domination et la rationalisation, l’autre à une expression plus libre. Là où le chien relève du contrôle (par son caractère domestique et du dominé), le loup est perçu comme imprévisible et suscite l’inquiétude pour cette même raison.

     

    Le loup constitue-t-il actuellement une menace, pour l’humain et ses troupeaux ?

    Le loup ne peut plus être considéré comme une menace pour l’Homme. Depuis 1820, les seules attaques recensées sur l’humain concerneraient des loups enragés. Le danger qu’il représente a d’ailleurs toujours été surévalué : même lorsqu’on en dénombrait des dizaines de milliers sur le territoire, le risque était déjà très faible. Si une menace survenait aujourd’hui, il s’agirait d’une singularité. Pour autant, elle réactiverait tout cet imaginaire négatif entourant l’espèce, et ce qui relève de l’infime probabilité serait alors interprété comme un danger global. Par rapport aux véritables causes de mortalité (alcool, tabagisme, maladies, transports, etc.), le loup ne mérite pas de faire partie de nos préoccupations sécuritaires. Concernant le bétail, les risques existent bel et bien, mais sont à relativiser en partie (puisque les loups privilégient de loin les proies sauvages aux domestiques) et à intégrer pour améliorer nos relations avec ces animaux.

     

    Comment penser la cohabitation avec l’humain ?

    Les chiens de protection et les clôtures électriques ou non sont de bons dispositifs à mettre en place. À ce sujet, pour continuer à reconsidérer notre vision souvent trop peu nuancée des choses, les menaces de patous sur les randonneurs sont plus réelles que celles des loups ! Par ailleurs, l’Homme et le loup ont déjà cohabité ensemble par le passé. Pendant plusieurs millénaires, les ruraux étaient habitués à leur présence et se munissaient simplement d’une pique pour éloigner les enragés éventuellement. Si l’épisode de la bête du Gévaudan a été si marquant, c’est justement par son caractère inhabituel, tant le loup est de nature craintive et discrète vis-à-vis de l’Homme. Enfin, un argument fréquemment mis en avant par les chasseurs est que leur activité permet de réguler les populations. À présent que le loup est de retour sur notre territoire, pourquoi ne pas accepter de laisser ce prédateur retrouver sa place dans la chaîne alimentaire et nous apporter des bénéfices ?

     

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