Quels sont les impacts écologiques et territoriaux de la vie en écolieu ?

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    La Coopérative Oasis, créée en 2018, accompagne l’installation d’habitats participatifs sur le plan financier ou juridique. Afin de documenter au grand public et aux institutions l’impact environnemental et social de ces lieux, la Coopérative a commandé diverses études, dont les résultats ont été récemment restitués.  Energie, alimentation, logement : le bilan carbone des habitant.e.s des oasis est moindre que la moyenne nationale et les liens sociaux y seraient renforcés. Mais ces recherches ont aussi permis de mettre en lumière les défis auxquels doivent répondre ces lieux, comme la mobilité ou l’intégration territoriale.

    Ecohameaux, communautés thématiques, oasis ressources… Il existe divers types d’écolieux, sur les 1 200 répertoriés en France. On observe tout de même « quelques invariants », comme le rappelle Mathieu Labonne, président directeur général de la Coopérative Oasis. Entre autres, l’importance de la sobriété énergétique et de la souveraineté alimentaire, ou encore la mutualisation des ressources.

    Mais concrètement, quel est l’impact de ces écolieux sur l’environnement et sur la vie locale ? C’est en voulant répondre à cette question de manière objective, « dans un discours moins militant », que la Coopérative Oasis a réalisé diverses études sur le sujet.

    Deux fois moins d’émissions carbone

    Pour répondre à cette demande d’«objectivité», le bureau d’études BL Evolution a effectué un bilan carbone des oasis, en analysant les modes de vie d’une trentaine de lieux. Résultat : Un.e habitant.e vivant dans un oasis émet en moyenne 5,4 t CO2e par an, alors que l’empreinte carbone moyenne d’un.e  Français.e est de 10 tonnes de CO2 par an.

    Parmi les postes d’émissions où l’écart se creuse particulièrement, on retrouve le logement : 626 kg CO2e contre 1955 kg CO2e pour la moyenne nationale, soit une empreinte deux fois moins élevée pour les oasis. Ceci peut s’expliquer par le fait que ces lieux se chauffent peu au gaz et au fioul, et leur consommation énergétique reste moindre en général.
    De même, l’alimentation est beaucoup moins couteuse d’un point de vue environnemental en raison d’un régime moins carné dans ces écolieux.

    L’étude de BL Evolution a été réalisée à partir d’une base de données de 30 oasis différents .

    «Montrer que c’est possible et que c’est un imaginaire désirable»

    Pour respecter l’objectif des Accords de Paris signés en 2015 à l’occasion de la COP21, un.e Français.e devrait émettre 2 tonnes de CO2e par an. Si la moyenne est de 5,4 t CO2e dans les écolieux, plusieurs habitant.e.s atteignent ce chiffre comme le rappelle BL Evolution. «En montrant comment les gens vivent dans les écolieux, plus sobrement mais sans renoncer à tout confort, on souhaite mettre en avant que c’est possible et que c’est un imaginaire désirable», explique Marianne Bloquel, ingénieure à l’ADEME, l’Agence de la transition écologique qui a financé toutes ces études commandées par la Coopérative. La question des imaginaires reste en effet primordiale pour diffuser un mode de vie au sein d’une société, comme l’analyse Jules Colé, consultant en stratégies de mobilisation à impact, dans une tribune pour Le Monde.

    La nature au cœur

    Cette empreinte carbone moindre des habitants des oasis peut s’expliquer par le lien au vivant qui est bien souvent fondamental dans ces écolieux. A la Bigotière, oasis situé en Ille-et-Vilaine (Bretagne), les habitant.e.s ont participé par exemple à la création du Bigoscope, l’Observatoire de la biodiversité et des relations homme-nature de la Bigotière. Le but : aiguiser la curiosité des âmes du lieu et regénérer la nature. Depuis leur arrivée sur le territoire, ils ont ainsi observé le grand retour du grillon des champs, du hérisson et de la grande marguerite. «La nature est résiliente, à partir du moment qu’on lui laisse un peu de place», s’enthousiasme Jean-Luc Toullec, co-fondateur de ce «terre-lieu», un jeu de mots qu’il aime à présenter.

    Les habitants de la Bigotière ©DR

    Le défi de la mobilité

    Si les habitants des oasis consomment moins de manière générale par rapport à la moyenne des Français, la mobilité reste un enjeu de taille. Ils prennent par exemple en moyenne plus l’avion[1], et parcourent plus de kilomètres par an ; ce dernier point est cependant compensé par la pratique régulière du covoiturage.

    Dans certains écolieux (majoritairement avec des jeunes), la question des déplacements a été particulièrement pensée lors des installations. Les résidents du Moulin Bleu, créé en 2020 et situé dans le Loir-et-Cher, ont notamment choisi l’emplacement de leur lieu en fonction de la proximité avec la gare la plus proche ; ils ont constitué une flotte de vélos, en en laissant quelques-uns en libre-service à la gare pour les visiteurs ; et pour les 4 véhicules thermiques dont ils disposent, ils ont mis en place un calendrier de partage des voitures pour les 17 habitant.e.s.

    « Sobriété ne rime pas avec morosité »

    Au-delà de l’impact environnemental, la Coopérative Oasis a souhaité étudier la qualité relationnelle au sein de ces écolieux. Et ce grâce au RCI, le Relationnal Capability Index. Il s’agit d’un indicateur créé par Cécile Renouard, philosophe et présidente du Campus de la Transition (un oasis consacré à l’enseignement), avec d’autres chercheurs dans le cadre d’une étude au Kenya. «Cela peut paraître paradoxal de quantifier la qualité relationnelle», reconnaît Cécile Renouard. Selon l’étude qu’elle a réalisée grâce aux données de dix écolieux, le RCI – qui analyse la relation à soi, aux autres, à l’extérieur (proche du lieu), à la société, et au vivant – serait de 0,88% dans les oasis, caractérisant «une très bonne qualité relationnelle». «Sobriété ne rime pas avec morosité» a priori.

    Le RCI se calcule à partir de l’analyse analyse de la relation à soi, aux autres, à l’extérieur (proche du lieu), à la société, et au vivant.

    Mais comme l’a signalé la chercheuse, la forte homogénéité sociale de ces habitats partagés – résidents très diplômés avec capitaux sociaux et culturels importants en moyenne – peut en partie expliquer les résultats. De la même manière que leur faible empreinte carbone peut être induite par la sensibilité écologique que partage la majeure partie des habitants (parfois en amont de leur installation).

    Mathieu Labonne admet que l’on peut observer un certain « biais sociologique ». Mais le PDG de la Coopérative insiste sur la transformation du territoire que l’on peut observer grâce aux oasis : «Beaucoup d’habitants du village où je vis sont venus visiter une maison en paille de notre écolieu. Les oasis permettent de diffuser des pratiques. Le but n’est pas de convaincre les gens de venir habiter dans un écolieu ; le but est qu’ils entament une transition. C’est une démarche d’empowerment.»

    Créer un « archipel » d’oasis

    Le lien avec l’extérieur et l’ancrage local sont primordiaux aujourd’hui pour «diffuser des pratiques» et «changer l’image» des écolieux. Mathieu Labonne en a bien conscience. Les premières années suivant l’installation, il est souvent difficile pour les oasis de se tourner vers l’extérieur, en raison du fort investissement nécessaire dans le lieu. Ensuite, des « préjugés culturels » de part et d’autre, que ce soit sur les habitants des écolieux ou sur les habitants de communes rurales, peuvent entraver les relations et entrainer une «lutte des imaginaires écologiques», analyse le géographe Guillaume Faburel. Pour ce professeur d’Etudes urbaines à l’Université Lumière Lyon 2, qui a réalisé une enquête sur l’insertion dans la vie sociale des écolieux, il est essentiel pour ces derniers de «penser les élus locaux comme des intermédiaires» et «faire des maires des alliés» pour démultiplier les projets.

    C’est dans cette logique que Frédéric Bosqué a inscrit son écovillage Tera[2], installé en 2013 à Masquières dans le Lot-et-Garonne (Nouvelle-Aquitaine). Après avoir ouvert une épicerie en circuit-court, créé une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) de production d’énergies renouvelables, et une monnaie citoyenne locale numérique, l’abeille, l’initiateur du projet se réjouit de la «transformation de ce territoire rural» : «On a fait passer la moyenne d’âge population de 55 ans à 38 ans.» Plus qu’un «écolieu fermé», c’est un «vrai projet de territoire», selon Frédéric Bosqué, qu’il souhaite désormais essaimer.

    Amplifier les liens avec les territoires, la société, les politiques… C’est l’ambition de Mathieu Labonne pour les oasis. «Avec ces études, on ne veut pas seulement diffuser le message ‘c’est cool de vivre en écolieu’. Le but c’est de montrer les enseignements de ces modes de vie qui peuvent inspirer bien au-delà du cercle limité de leurs 20 000 habitants. Le but c’est de créer un archipel d’oasis qui irrigue la transition plus générale de la société.»

    [1] Comme il s’agit d’une moyenne, on observe qu’il s’agit d’un petit nombre de personnes qui prend davantage l’avion que la moyenne nationale.

    [2] Ce projet a été financé grâce à un prêt de la Coopérative Oasis, qui accompagne en moyenne 70 projets par an (dont 36 projets financièrement en 2022).

    Les études citées sont accessibles ici.

    Pour celles et ceux qui souhaitent vivre en écolieu, la Coopérative Oasis propose des formations, en ligne et/ou lors de voyages immersifs au sein de ces habitats partagés. Leurs offres sont disponibles ici.


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