La Fondation Léa Nature/Jardin BiO’ interpelle à travers une campagne de presse les citoyens sur le droit fondamental de semer, ressemer et échanger les graines paysannes.
Interview de Marina Poiroux, directrice de la Fondation Léa Nature/Jardin BiO’, par Pascal Greboval
Pouvez-vous nous expliquer le principe de cette campagne « Liberté, Santé, Biodiversité… AUX GRAINES CITOYENS ! » ?
L’objectif est de sensibiliser les Français, et d’alerter les dirigeants politiques sur la problématique des semences. Aujourd’hui, la majorité des semences sont brevetées, ce qui interdit au citoyen comme à l’agriculteur de planter un certain nombre de semences qui ne sont pas au catalogue officiel. Au fil des ans, les critères d’accès au catalogue officiel des espèces et variétés végétales sont devenus de plus en plus stricts – 400 variétés de blés certifiées en 1930, 65 en 1965 –, entraînant une vertigineuse disparition de la biodiversité. C’est une vraie entrave à la liberté de cultiver. Léa Nature travaille depuis des années sur la question des OGM et le constat est clair : la majorité des citoyens n’a pas conscience des enjeux de cette problématique. Or, tout part de la graine ! Cette campagne s’inscrit dans le cadre de la Semaine des semences paysannes [du 20 au 28 septembre 2014], organisée par le Réseau Semences Paysannes.
Quels sont les enjeux de cette campagne ?
Il s’agit de rappeler à chacun que les graines sont un bien commun de l’humanité. En étant brevetées, elles se transforment en un risque pour la santé de l’humain et de la planète. C’est une entrave à l’octroi de sélectionner et de reproduire ses propres graines. Les semences paysannes et fermières sont un élément-clé dans l’autonomie des paysans, des jardiniers et des citoyens, en France comme dans le monde. Cette campagne invite les citoyens à être acteurs de leur santé et de la biodiversité cultivée. S’ils veulent aller plus loin, les Français peuvent se rendre dans les maisons de semences paysannes : elles se multiplient en France !
La campagne est portée par la Fondation Léa Nature, mais on voit bien en creux l’engagement de la société Léa Nature. Est-ce le rôle d’une entreprise de sensibiliser les citoyens ?
Le parti-pris de notre entreprise, à travers notre fondation, est d’exercer une responsabilité vis-à-vis des citoyens, comme peuvent le faire des ONG, des associations. On estime que l’entreprise a un rôle à jouer sur certains sujets qui, à nos yeux, concernent l’intérêt général. Nous nous revendiquons comme une entreprise militante. Nous voulons être partie prenante dans le débat citoyen. Nous sommes une petite graine…
Quelle légitimité une entreprise a-t-elle pour porter ce type d’action ? N’est-ce pas une forme de greenwashing (verdissage ou écoblanchiment en français) ?
Nous sommes inscrits depuis de nombreuses années dans ce type de combat : en 2007, nous alertions sur la disparition des abeilles, en 2008, sur l’impact des OGM sur notre santé et la biodiversité, en 2010, sur les dangers des pesticides… et nous avons lancé un appel à projets en 2013 sur cette problématique des semences. Nous soutenons le Réseau Semences Paysannes, ainsi que Terre de Liens et bien d’autres associations qui sont très vigilantes sur la cohérence des entreprises qui les accompagnent. Une entreprise qui réalise 90 % de son activité avec des produits biologiques est forcément engagée pour la nature !
Pour aller plus loin : Vandana Shiva : « La vie ne peut devenir la propriété d’entreprises »