Quand des étudiants en santé veillent la nuit sur nos aînés

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    Lancée en 2017, la start-up Ernesti met en relation des étudiants en santé avec des personnes âgées ou en perte d’autonomie afin d’assurer des gardes de nuit à domicile. Le but : favoriser le maintien des seniors chez eux et renforcer le lien intergénérationnel pour briser l’isolement de ces derniers.

     

    « C’est gagnant-gagnant-gagnant. A la fois pour les personnes âgées accompagnées, qui profitent d’une présence jeune, dynamique et rassurante ; pour les aidants, c’est la possibilité de dormir enfin sur leurs deux oreilles pendant la nuit, sans craindre que leur parent chute ; et enfin pour les étudiants en santé qui gagnent un revenu complémentaire et qui découvrent le quotidien des personnes en perte d’autonomie », résume Quentin Zakoian, qui a fondé la start-up Ernesti, avec sa sœur Séverine Zakoian. Avec cette plateforme, des familles peuvent faire appel à des étudiant.e.s en santé, appelées « Chouettes » (Ernesti est une race de chouette, ndlr), pour prendre soin de leurs parents âgés durant la nuit.

    A l’origine de ce concept, un constat de la mère des deux dirigeants, médecin généraliste, sur la situation éprouvante des aidants familiaux. Une de ses patientes refusait notamment de passer ses examens médicaux car elle s’occupait de sa mère 24 heures sur 24. La praticienne a alors demandé à sa fille Séverine de s’occuper de cette personne âgée afin que sa patiente soit libérée un instant pour s’occuper d’elle-même. Le courant étant bien passé, Séverine est revenue plusieurs fois chez cette dame, et a poursuivi l’accompagnement de familles durant ses études en psychologie.

    « L’idée a germé dans sa tête, et on a voulu reproduire cette expérience à une échelle un peu plus globale », relate Quentin, le frère de Séverine.

    Séverine et Quentin Zakoian, fondateurs d’Ernesti. Visuel : Ernesti.

    « Pas qu’un simple job étudiant »

    Afin de répondre aux besoins de ces personnes dépendantes ou en perte d’autonomie la nuit, Ernesti travaille ainsi avec des étudiants en santé, susceptibles de s’occuper de seniors dans le cadre de leur futur métier. Etudiants en médecine, en soins infirmiers, en kinésithérapie… La start-up mise sur la pluridisciplinarité pour s’adapter aux différentes pathologies.

    Bien-sûr, l’accompagnement varie grandement en fonction l’état de la personne âgée. Fiona, étudiante en troisième année de médecine et Chouette depuis un an, témoigne : « Cela va de la simple compagnie, dîner ensemble, papoter, et regarder la télévision, à des tâches plus compliquées. » Cette Bordelaise de 21 ans s’occupe actuellement d’une femme atteinte de la maladie de Parkinson, et doit réaliser divers « transferts », des déplacements du fauteuil roulant aux toilettes ou sur le canapé, l’aide pour mettre le pyjama, etc.

    Pour ces gardes de nuit, qui durent généralement de 20 heures à 8 heures le matin, ces jeunes sont rémunérés environ 50 euros. Mais pour Fiona, ce n’est pas qu’un « simple job étudiant pour se faire des sous ». Des liens forts se créent. Elle se remémore un « super repas d’anniversaire », avec du champagne, préparé avec soin par un couple qu’elle accompagne ; le couple dont la femme est atteinte de la maladie de Parkinson mentionnée plus haut. « Ils me traitent comme si j’étais leur petite-fille », se réjouit-elle.

    Une étudiante aide une personne âgée à se déplacer. Visuel : Ernesti

    Fiona apprécie également être aux côtés de ces « personnes très cultivées », avec qui elle apprend beaucoup. Cette dernière donne l’exemple d’un ancien médecin dont elle s’occupe, presque centenaire, qui lui raconte le quotidien lors du siècle passé de cette profession qu’elle aimerait aujourd’hui exercer. Cette expérience a d’ailleurs eu un impact sur sa façon d’échanger avec les aînés dans le cadre de ses études. « Quand je fais des interrogatoires (questionnaires réalisés lors de l’hospitalisation d’une personne, ndlr), on me dit que je fais beaucoup dans le social », plaisante la jeune fille à l’accent chantant.

    10 000 Chouettes en 2021

    Ernesti reçoit à ce jour 300 demandes par mois de la part de familles à la recherche d’une alternative aux EHPAD, si décriés aujourd’hui. Le prix, environ 50 euros la nuit après crédit d’impôt, est intéressant comparé aux gardes de nuit standards selon Quentin Zakoian, et les proches apprécient également que l’accompagnement soit fait par des jeunes et sur le long terme. En effet, Ernesti tente de garder les étudiants avec une même famille au moins un an. Et lorsque des personnes âgées ont besoin d’un accompagnement toutes les nuits, des équipes de Chouettes (trois, quatre étudiants) sont constituées afin de mettre en place un roulement avec les mêmes personnes chaque semaine.

    En 2021, Ernesti comptait 10 000 Chouettes, soit le double par rapport à 2020. Pour cette nouvelle année, la start-up espère recruter 10 000 nouveaux étudiants dans des grandes villes, telles que Paris, Bordeaux ou Lyon. Ernesti entend aussi étendre son champ d’action au milieu rural, où l’entreprise concentre 20% de son activité à ce jour. « C’est quelque chose que l’on a envie de développer, car c’est souvent là où il y a le moins d’infirmiers », explique le co-fondateur, qui souhaiterait s’appuyer davantage sur les centres hospitaliers qui hébergent des instituts en soins infirmiers. Et donc de potentielles nouvelles Chouettes.

    Pour aller plus loin : Ernesti


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