Pierre Rabhi : Ouvrir son cœur à la terre…

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    Il a su redonner vie aux terres les plus arides, proposer de nouveaux chemins de consciences. Homme de terre et de lettres, Pierre Rabhi a renouvelé la pensée et l’action écologiques en France et ailleurs. Celui qui a inspiré et soutenu la création de Kaizen, partagé sa sagesse dans nos colonnes pendant plus de huit ans, nous a quitté le 4 décembre dernier.

    Pourtant, son verbe, ses écrits, son rire, sa bienveillance et son intransigeance, vivront encore longtemps. Il laisse de nombreux héritages. Sans doute le plus précieux, celui d’ouvrir son cœur à la terre.

    La première fois que j’ai rencontré Pierre en 2010, nous avions spontanément parlé de nos racines communes, en Afrique du Nord, de son oasis natal, des liens sensibles et indicibles qui relient les communautés rurales traditionnelles au corps terrestre, à la source de cette « sobriété heureuse » et de cette « puissance de la modération » qu’il aimait tant valoriser. Là où la simplicité chante le silence, là où chaque mouvement dessine un art de vivre, là où chaque saveur est une poésie. Nous nous remémorions les gestes ancestraux de nos parents et grands-parents, préparant le thé, la cascade de l’eau versée pour ce doux breuvage, les parfums de menthe poivrée qui éveillaient nos sourires. Le partage du pain, rompu à la main. Les femmes qui égrainent la semoule. Les hommes qui se donnent à l’ouvrage. Les enfants libres de jouer dans la nature. Des souvenirs heureux, non pas pour idéaliser un mode de vie qui portait aussi ses fardeaux, mais pour raviver des paroles et des gestes créateurs de joie, lorsque le verbe s’incarne dans l’action, avec spontanéité.

    Ces gestes et ces paroles reliés à une humanité universelle respectueuse du vivant, Pierre œuvrait à les pratiquer et à les transmettre à travers ses actions agroécologiques, ses conférences et ses livres. Il aspirait ainsi à semer les graines de nouvelles consciences, à abreuver les cœurs de ses messages d’amour pour La Terre-Mère. En proposant de créer des oasis en tous lieux, où chacun fait sa part du colibri, à la fois plus autonome et solidaire, il a montré la voix des « utopies concrètes ».

    On le sait moins, mais Pierre a aussi touché toute une génération d’enfants d’immigrés, dont je fais partie. Il réconciliait des parts de nous-mêmes, parfois tiraillées entre deux modèles culturels, en quête d’harmonie identitaire. Elevé dans sa petite enfance dans une famille musulmane, puis confié à une famille chrétienne, baptisé à 18 ans, avant de s’émanciper de tout dogme à l’âge adulte, il a su déjouer les pièges des contradictions de l’apparence pour plonger dans les profondeurs d’une identité libre, sans rien rejeter de ses racines multiples. Toujours avec cet Amour inconditionnel qu’il vouait à la Vie. C’était sa force.

    Profondément affecté par les violences infligées à la Terre-Mère, il a titré son dernier livre La tristesse de Gaïa (Actes sud, 2021). Sans doute, Gaïa est-elle triste aussi aujourd’hui du départ de l’un de ses plus fidèles enfants…

    Sans rompre le cycle de la vie, ces tristesses nous invitent à poursuivre le combat, à œuvrer chaque jour avec joie et détermination à changer nos modèles, nos récits et nos visions pour accompagner notre inévitable (r)évolution.

    Merci Pierre pour tout ce que tu nous a transmis, dans ta simplicité et ta richesse. Je salue l’ami, le frère de la terre et du ciel…

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