Santé environnementale: « Un état des lieux catastrophique»

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    En France près de 84 000 personnes par an meurent de maladies liées à des causes environnementales. Pour la députée MODEM de Loire-atlantique Sandrine Josso, l’enjeu de la santé environnementale est devenue primordial pour notre présent et notre futur. Afin de palier le manque d’investissement des acteurs publics sur la question, elle a initié un rapport d’évaluation des politiques publiques. Rencontre. 

     

     

    Pourquoi avez-vous initié cette évaluation des politiques publiques de santé environnementale ?

    La santé environnementale c’est l’impact de l’homme sur l’environnement et les conséquences sur sa santé ainsi que celle de tous les autres êtres vivants.

    Dans mon département de la Loire-atlantique les problématiques de santé en lien direct avec l’environnement sont nombreuses. Il y a des problème d’agénésie : des nourrissons qui naissent sans bras, mais également des clusters de cancer pédiatriques au sud de Saint-Nazaire !

    J’ai fait partie du comité de suivi de cette problématique et le constat des dysfonctionnements au sein de ce comité était scandaleux. On a mis en place un groupe de pilotage de crise mais les outils n’étaient pas efficaces, il n’y a pas de connaissances sur le sujet. C’était très fermé, on ne faisait pas appel aux experts comme par exemple des toxicologues.

    Me rendre compte des nombreux dysfonctionnements m’ont poussé à faire cette évaluation. En juillet 2020, j’ai demandé au Parlement l’ouverture d’une commission d’enquête pour évaluer toutes nos politiques publiques concernant la santé environnementale. Parce que, partout sur notre territoire, Outre-mer compris, il y a des problématiques mais on n’est absolument pas orienté sur les solutions. Dans notre mallette malheureusement les outils sont usés, on n’a pas de données à jour, on n’a pas non plus de coordination qui permet des actions efficaces de prévention. On est dans le curatif mais il faut être plus présent sur le préventif. Si on connait les causes des maladies on peut les soigner avec plus d’efficacité.

     

    Quel est l’objectif de ce rapport ?

    L’idée est de dire au gouvernement voilà on a fait l’état des lieux de la santé environnementale aujourd’hui et l’état des lieux est catastrophique ! On met en place des plans nationaux « santé environnement » depuis une dizaine d’année mais ces plans ne sont pas suivis sur le territoire alors qu’il faut territorialiser la santé environnementale. Chaque territoire et différent. Sur chaque territoire on a des gens qui ont des connaissances, des gens aussi qui œuvrent au quotidien sur tous ces sujets et des élus qui prennent des décisions pour aménager le territoire. Or il faut que ces élus soient accompagnés et qu’ils mesurent les impacts de tous les aménagements qu’ils mettent en place.

    Ce rapport pourra justement accompagner leurs décisions, approfondir leurs connaissances sur la gravité de la situation et ses causes, qui sont parfois très peu connues par manque de formation ou de curiosité. À l’image du manque de connaissances chez beaucoup de personnes à propos du benzène [hydrocarbure présent dans les émissions de transports routiers, activités industriels, tabac…, NDLR] ou du cadmium [métal présent dans certains déchets industriels qui polluent les sédiments, fruits de mers, coquillages, etc., NDLR ] deux substances cancérigènes parmi tant d’autres dont la dose admissible autorisée utilisée seule est non dangereuse mais accumulée avec d’autres substances nocives forme un cocktail extrêmement dangereux pour la santé, la faune et la flore.

    Mon idée est de travailler en étant dans la médiation : informer et sensibiliser pour faire en sorte que les acteurs économiques, les élus, les administrations, les associations, que toutes ces personnes puissent avoir les clés et se mettre autour d’une table pour avancer ensemble dans une transition où tout le monde aurait à y gagner. Ça pourrait être une instance où tous les ans les gens se parlent, où l’on pourrait mettre en place des plans d’actions concrets avec les particularités territoriales.

     

    Quel est le constat de la santé environnementale aujourd’hui ?

    Le constat est assez terrible, aujourd’hui les politiques publiques ne sont pas adaptées, ni efficaces, ne sont pas dans une innovation pourtant nécessaire, n’ont pas non plus d’effectif dédié à la santé environnementale, et le budget alloué à la recherche est quasiment inexistant tandis que les outils utilisés datent de mathusalem. En fait il y a plein de dispositifs qui sont mis en place mais ces dispositifs ne sont pas fonctionnels. Concrètement sur les territoires ça ne fonctionne pas. On en arrive à des situations ou dans certains territoires le baromètre de la santé environnementale est au rouge. Il y a plein de petites communes qui hébergent des entreprises industrielles et donc malheureusement dans ces bassins de vie les habitants contractent des cancers beaucoup plus tôt que la moyenne française. À l’image du bassin de vie de Saint-Nazaire qui a un taux supérieur de 28% de cancers par rapport à la moyenne nationale. Phénomène qui s’explique par l’exposition directe des salariés à des substances néfastes mais également des riverains touchés par des résidus présents dans l’eau et dans l’air. C’est catastrophique !

    Aujourd’hui on voit ces conséquences, parce que les habitants sur le territoire ont des infections respiratoires graves sur la longue durée. Ce qui est terrible c’est que ce n’est pas visible à l’œil nu mais sur les actes de décès. Près de 84 000 personnes par an meurent en France de maladies liées à des causes environnementales. On sait que tous les ans en France il y a minimum 48 000 personnes qui décèdent d’une maladie liée à la pollution de l’air. Alors que les nouveaux nés eux arrivent au monde avec un héritage génétique qui comprend toutes les expositions que leurs géniteurs ont eu dans le passé.

     

    Votre rapport peut être un des outils permettant de faire changer les choses.  Avec quoi faut-il le compléter ?

    Il y a plusieurs choses. C’est vrai que cette commission d’enquête est le début de quelque chose. Il ne faut pas que le rapport reste dans une bibliothèque mais serve à avancer.

    Moi j’encourage les élus à être des bons ambassadeurs dans leurs territoires. Aujourd’hui et plus qu’avant il y a une véritable prise de conscience, même s’il est vrai que les processus de changements sont lents. Il faut une volonté politique, des personnes comme moi qui portent ces sujets-là.

    À l’intérieur d’un gouvernement je pense qu’à un moment il faudra mettre en place un secrétariat d’Etat ou une entité qui permettra de collecter et de faire une transversale sur tous ces sujets pour permettre des actions concrètes qui aujourd’hui malheureusement ne sont que des actions cosmétiques.

    Il y a aussi tout le versant éducatif, tout ce qu’on doit faire auprès des enfants pour les sensibiliser. Les citoyens ont besoin de perceptives, de choses tangibles, ils ont besoin d’information claires. Les citoyens sont acteurs et sont en possession de solutions. Cela concerne la responsabilité de chacun. Mais ils doivent pour cela acquérir des connaissances à propos de la santé environnementale, ce qui favoriserait la pratique des gestes quotidiens à adopter ou au contraire ceux à éviter et qu’ils ne considéraient pas comme néfastes. À l’image de l’utilisation du micro-onde qui, lorsque le contenant de l’aliment est en plastique, favorise la propagation de substances étant [1] des perturbateurs endocriniens présents dans le contenant et se mélangeant au contenu.

    De plus en plus de personnes sont sensibilisées, mais maintenant il faut quelque chose de beaucoup plus porté politiquement pour que cela avance. Je pense que le portage politique de cette question est indispensable. Ce portage ne s’était pas fait jusque-là parce qu’on n’avait pas cette analyse des faits, on n’avait pas non plus subit cette crise de la covid et tout cela me fait dire aujourd’hui que c’est le moment d’aller vers quelque chose de beaucoup plus équilibré parce qu’on a tous besoin de cet équilibre dans la vie.

     

     

    [1] Substances chimiques étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le système endocrinien et causer des effets néfastes voir cancérigènes sur l’individu

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