Tourisme participatif : privilégier la rencontre

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    Sortir des circuits balisés et de l’indifférence entre touristes et habitants : une bonne raison de se lancer dans le tourisme participatif.

    « On ne propose pas aux touristes d’arpenter Notre-Dame, mais de nouer une relation personnelle avec ceux qui vivent la ville », explique Anne Hofman, chargée des activités de l’association de greeters Parisien d’un jour. Du verbe anglais « to greet » (accueillir), les greeters sont des bénévoles qui reçoivent des voyageurs afin de leur faire partager l’amour de leur ville, en dehors des sentiers battus. Le concept a été créé en 1992, par une habitante de New York désireuse de changer l’image négative de Big Apple. Depuis, l’idée a voyagé : Allemagne, Chine, Côte d’Ivoire… La France est le pays où le concept a le plus essaimé. Première destination touristique mondiale, Paris a son association de greeters. Fondée en 2007, Parisien d’un jour rassemble 360 bénévoles. « Sans eux, sourit Anne Hofman, les visiteurs ne croiseraient que des chauffeurs de taxi ou des garçons de café. C’est aussi une façon de lutter contre le cliché du Parisien inamical ou pressé ! »

    Un tourisme fondé sur la rencontre

    De son côté, Angénic Agnero imprime la mémoire des vieux habitants des communautés de Belleville, quartier cosmopolite de Paris. « En Afrique, on dit que lorsqu’un ancien disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle. Grâce à ma quête du passé, j’ai plein d’amis de 60 à 104 ans ! » Et autant d’anecdotes sur le nord-est de la capitale. Riche de ses témoignages, la jeune femme a fondé, en 2008, une association spécialisée dans le tourisme participatif : Paris par rues méconnues. Un samedi de printemps ensoleillé, on suit la « sésame de Belleville », comme les anciens surnomment celle à qui aucune porte – pas même la plus « digicodée » – ne résiste. Trois heures d’une fabuleuse visite guidée, où prime le ressenti, en compagnie d’une autre Bellevilloise, Josiane. Le temps de rencontrer les figures locales, comme un résistant de la Seconde Guerre mondiale. Et de découvrir, cachés derrière une rangée d’immeubles, ces lieux oubliés de l’histoire. Comme les vestiges de la forêt de Bondy : quelques arbres au pied desquels poussent des fraises des bois.

    Lutter contre les clichés de la banlieue

    Les greeters combattent une autre idée reçue : celle d’une « banlieue embrasée par les émeutes ». C’est pourquoi, en 2010, l’association a décidé de franchir le périphérique en nouant un partenariat avec le comité départemental du tourisme (CDT) de Seine-Saint-Denis. Depuis, 300 vacanciers, étrangers ou français, ont été accueillis par 22 greeters à Saint-Ouen, Aubervilliers ou bien La Courneuve. « Dans notre département, constate Michael Duarte, chargé de développement au CDT 93, nous n’avons ni littoral ni montagne, mais nous avons un riche passé industriel. Dès 2001, nous avons lancé des visites d’entreprises. Les greeters s’inscrivent dans cette logique d’offre touristique complémentaire urbaine, fondée sur l’ancrage territorial, la convivialité, le partage authentique. » En emboitant le pas de Geneviève, secrétaire aujourd’hui retraitée, les visiteurs sillonnent Saint-Denis, sa basilique – « regardez ces rayons qui filtrent à travers les vitraux » – son marché couvert et ses boutiques exotiques. « Je suis greeter parce que j’aime le partage. Je ne suis pas guide professionnelle : je propose simplement de faire découvrir les lieux où je vis et que j’aime. Comme je les ressens », explique-t-elle.

    Chambres d’hôtes dans le « 9-3 »

    Autre piste pour découvrir la banlieue différemment : entrer dans l’intimité des foyers, grâce à l’association Accueil banlieue. Direction Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, chez la famille Ascargorta. Gérald nous accueille dans sa maison, dans une rue qui exhale un parfum de lilas. Ce décorateur de théâtre raconte avoir rejoint le réseau d’Accueil banlieue pour le plaisir de la rencontre et pour défendre la banlieue. « En 2012, j’ai fait 18 nuitées. Je suis farouchement attaché à mon territoire, c’est là que j’ai décidé de vivre et là que mes enfants grandissent. » Au petit matin, il nous emmène faire une promenade champêtre dans des paysages impressionnistes, le long des berges de Seine. Puis, (dur) retour à la réalité au milieu du très dense centre-ville. Il ne s’agit pas ainsi d’édulcorer les faits, mais de montrer la banlieue dans toute sa complexité. Reste à convaincre les plus récalcitrants de venir. C’est là que le modèle trouve ses limites.

    Créée en 2010 sur le modèle d’Accueil paysan, Accueil banlieue propose une quinzaine de chambres d’hôtes en Seine-Saint-Denis. Explications de Marie-Pierre Agnès, l’une des fondatrices : « La majorité des visiteurs sont de passage – une formation à l’université Paris 13, un concert au Stade de France ou un salon à Villepinte. Quand ils appellent pour réserver, je leur expose les règles du jeu. » Pour une somme modique (15 € la nuit, petit déjeuner compris), ils acceptent de prendre un peu de temps afin d’appréhender une autre facette de la banlieue. « De leur côté, souligne Marie-Pierre Agnès, les hôtes s’engagent à être disponibles pour leur montrer les richesses de leur quartier et les énergies positives, loin du tableau noir véhiculé par les médias de masse. » C’est ainsi que Virginie Joseph, conseillère d’orientation psychologue, a découvert qu’il n’y avait pas que des grands ensembles dans le « 9-3 » : « J’ai séjourné dans une maison (!) à Épinay, en septembre 2012. Je devais assister à un congrès qui avait lieu à Bobigny pendant quatre jours. Les organisateurs nous avaient communiqué des adresses d’hébergements, dont Accueil banlieue. C’est pour une raison économique que j’ai fait ce choix, mais j’étais aussi très curieuse de découvrir autrement la banlieue, moi qui habite la campagne, dans l’Ain. J’avoue que j’avais une certaine appréhension, j’avais peur d’être volée ou agressée. En fait, je n’ai croisé que des gens sympas et mes hôtes ont vraiment pris le temps d’échanger. C’est une formule très humaine. »

    J’irai dormir dans les quartiers nord de Marseille

    Les quartiers nord de Marseille ont aussi leurs chambres d’hôtes. Après une nuit calme et un petit-déjeuner dans sa maison à l’Estaque, la très hospitalière Danièle Ducellier nous propose une visite hors des circuits balisés, ponctuée de remarques acidulées : « Regardez comme ils ont confisqué le bord de mer. Et là, comme ils ont été incapables de préserver les collines des promoteurs immobiliers. » Le discours de cette professeure de piano, musicienne du groupe Quai des brunes, n’a rien à voir avec celui, policé, d’un guide touristique professionnel ! Ce qui ne l’empêche pas de nous emmener également devant une vue époustouflante sur la Méditerranée et sur un sentier bordé de figuiers, de nous faire ainsi découvrir ce quartier qui la passionne en raison de sa riche histoire industrielle et sociale. Danièle est l’une des hôtes d’Hôtel du nord. Fondée en 2011, cette coopérative d’habitants rassemble quarante sociétaires proposant des chambres d’hôtes situées dans les quartiers nord de Marseille. Comme le rappelle Julie De Muer, sociétaire, « tout commence lorsque Christine Breton, conservatrice honoraire du patrimoine, s’interroge sur la notion de patrimoine et de fabrique du bien commun. Elle décide alors de partir du terrain, et non des archives. Grâce à la participation des habitants, elle a fait surgir cette ville invisible. » Ces quartiers relégués, qu’Hôtel du nord valorise aujourd’hui via de merveilleuses balades (55 au catalogue) et des séjours chez l’habitant, pour leur restituer la part d’histoire qui leur revient.

    Comment devenir greeter
    1) Le plus simple consiste à rejoindre  un réseau de greeters local déjà constitué – soit par des habitants, soit émanant de l’office de tourisme ou piloté par un comité départemental de tourisme. La France compte une trentaine de réseaux : Lyon, Marseille, Nantes, mais aussi le Tarn, le Pas-de-Calais ou encore la Bourgogne.

    2) En l’absence de réseau, créer une association Loi 1901. La fédération internationale Global greeter network épaule les fondateurs.

    3) Parmi les points à aborder :

    – la constitution d’un noyau de bénévoles motivés, car les balades sont gratuites ;

    – la rédaction d’une charte liant les greeters, énonçant leurs droits et devoirs ;

    – les financements, afin d’assurer un (petit) budget de fonctionnement ;

    – la communication autour des activités proposées : sites Internet, blogs, réseaux sociaux, médias, etc.

    4) Conseils d’Anne Hofman, chargée des activités auprès des greeters de Parisien d’un jour, pour concocter une balade réussie : « Il s’agit de créer son propre parcours, personnel et truffé d’anecdotes. Même si, par la suite, on s’adapte aux attentes des touristes. On repère un quartier qu’on aime, qu’on connaît bien pour y habiter, y travailler ou parce qu’on y a des habitudes. Le but n’est pas de montrer le patrimoine historique avec un grand H, juste des lieux qu’on a envie de partager, comme si on guidait des amis. On n’est pas dans le passé, mais dans une ville en mouvement. »

    Par Aude Raux

    Extrait de la rubrique « Et si on le faisait » de Kaizen 9.

    1 COMMENTAIRE

    1. Merci pour cet article très intéressant et très complet. Vous dressez un panorama très efficace des offres de tourisme participatif qui séduit de plus en plus de touristes. Nous ne pouvons que nous en réjouir chez Hostelp car nous agissons dans le même sens : celui de la rencontre enrichissante entre le voyageur et l’habitant. Jetez un coup d’oeil à notre site svp http://www.hostelp.fr/ et nous serions ravi de figurer parmi les dynamiques que vous mentionnez dans votre article.
      Nicolas

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