Le Nomade des Mers, un catamaran low-tech et inspirant

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    Le Low-tech Lab est un centre de recherche spécialisé dans la création de technologies simples, durables et écologiques. Il a lancé en février 2016 son catamaran, le Nomade des Mers, une véritable plateforme d’expérimentations itinérante. A l’occasion de la sortie du film Wave of Changes, retour avec deux de ses matelots sur le passé et le futur de cet Objet Maritime Non-Identifié.

     

    Il y a un peu plus de cinq ans, le Nomade des Mers partait des côtes bretonnes. Le catamaran allait voguer à travers les quatre océans pour découvrir des innovations à basses technologies, ces inventions low-tech basées sur trois maîtres mots : simplicité, sobriété, durabilité. Guénolé Conrad fait partie de l’aventure Nomade des Mers et du Low-Tech Lab depuis trois ans.

    Ancien ingénieur en ingénierie marine, c’est en travaillant au Nicaragua, dans l’ONG Blue Energy, qu’il apprend à faire connaître des innovations locales pour résoudre des problématiques comme l’accès à l’eau ou à l’électricité. Pour Guénolé, la low-tech, « ce n’est pas qu’inventer de nouvelles choses, c’est aussi porter un regard nouveau sur des innovations anciennes, en les optimisant avec des nouvelles technologies, de nouveaux matériaux. » 

    Guénolé Conrad sur le Nomade des Mers prépare un plat à l'aide du four solaire. ©Low-Tech Lab
    Guénolé Conrad sur le Nomade des Mers prépare un plat à l’aide du four solaire. ©Low-Tech Lab

    Du Bangladesh à la France

    Corentin de Chatelperron, l’un des fondateurs de l’initiative, travaillait au Bangladesh, sur un chantier naval. À l’époque, les bateaux traditionnels bengalis étaient remplacés par des bateaux en fibre de verre, très polluante. Il promouvait alors de remplacer la fibre de verre par un matériau dont le Bangladesh est le premier producteur mondial, la fibre de jute, utilisée notamment dans les sacs à patates.

    Après plusieurs essais, pour montrer que l’initiative fonctionnait, il est rentré du Bangladesh en France avec son bateau. De cette expérience a émergé l’idée du Nomade des Mers. À l’origine, l’équipe pensait faire un bateau en biomatériaux. Finalement, face aux défis et aux coûts nécessaires à la construction d’un navire suffisamment grand pour faire un tour du monde, ils décident de faire plus simple : acheter un bateau d’occasion. En février 2016, le Nomade des Mers prend le large.

    Corentin de Chatelperron sur le Tara Tari, coomposé à 40% de fibre de jute et à 60% de fibre de verre. ©Low-Tech Lab

    Un écosystème flottant

    Les premières innovations à son bord vont vite être rejointes par des dizaines d’autres inventions low-tech que les ingénieurs découvrent au fil de leurs rencontres. Guénolé détaille l’objectif du projet : « L’idée du Nomade des mers, c’est d’aller documenter des innovations low-tech voire de les améliorer ensuite en les testant sur nous-mêmes. On les expérimente sur le bateau pour voir si c’est pertinent, si ce n’est pas trop compliqué.»

    Le parcours des initiatives low-tech du Nomade des Mers depuis 2016. ©Low-Tech Lab
    Le parcours des initiatives low-tech du Nomade des Mers depuis 2016. ©Low-Tech Lab

    De pays en pays, le bateau accumule les connaissances, du recyclage de batteries en Indonésie au cuir de kombucha aux États-Unis, en passant par des bio-filtres d’eau au Cap-Vert, un pédalier électrique multifonction… tout testant la synergie et la réussite des low-techs découvertes. « Ce qui est intéressant c’est qu’on aperçoit des boucles qui naissent sur le bateau, des déchets transformés en ressources qui produisent des déchets eux-mêmes transformés en ressources. », témoigne Guénolé.

    Par exemple, l’urine produite par la consommation d’eau de pluie récupérée sur le toit, va être transformée, avec un filtre de bactérie, d’azote en ammoniac pour alimenter la culture en hydroponie (une culture sans sol, avec simplement un substrat et de l’eau) ou la culture de spiruline, une algue très riche en protéine. Caroline Pultz, ancienne architecte d’intérieure utilisant des bio-matériaux a rejoint l’équipage il y a un an. Actuellement à Cuba sur le Nomade des mers, elle raconte ce qui l’a impressionnée en montant sur le bateau : « la combinaison d’autant de dispositifs low-tech dans un seul et même espace ! Si un bateau peut accueillir autant de low-tech, un habitat peut très bien faire de même. »

    Une autonomie partielle

    Si le navire est totalement autonome en énergie grâce à ses panneaux solaires, ses éoliennes, sa voile et sa faible consommation électrique, il n’est pas complètement autosuffisant. « Le plus compliqué, c’est d’être autonome en nourriture ! Déjà que c’est dur de l’être dans une ferme, donc on sait qu’on ne pourra jamais l’être sur une si petite surface… », admet Guénolé. Il n’y a pas de cultures de céréales ou de vache laitière sur le bateau, il faut donc emporter des sacs de denrées non-périssables comme des pâtes et du riz. Mais les produits frais, eux, fleurissent de la cale au plafond : l’équipe produit des légumes en hydroponie, des feuilles, et pour les sources de protéines, les matelots peuvent compter sur l’élevage de grillons, les œufs des poules et de la spiruline.

    Une culture en hydroponie gérée par Corentin sur le Nomade des Mers. ©Low-Tech Lab
    Une culture en hydroponie gérée par Corentin sur le Nomade des Mers. ©Low-Tech Lab

    L’un des autres enjeux sur un bateau est la gestion des déchets : sur une surface aussi réduite, les déjections et les déchets de cuisine prennent vite de la place. Pour tenter de résoudre ce problème, Guénolé fait actuellement des tests avec la larve de mouche soldat noire, que l’on retrouve tout autour du globe. Les larves dégradent la matière organique, des déjections aux déchets de cuisine, en un temps record : « En temps normal, il faut attendre deux ans pour que des déjections soient utilisables pour l’agriculture. Avec des larves, c’est deux semaines. » L’équipage a découvert cette initiative en Malaisie, où des larves peuvent recycler jusqu’à 300 tonnes par jour. Aujourd’hui, alors que l’on utilise de la farine de poisson pour nourrir les poissons eux-mêmes, les alimenter avec des larves de mouche permettrait de revaloriser les déchets à l’échelle d’un quartier, d’une ville, au lieu de les brûler ou de les enfouir.

    Caroline Pultz répare une lampe solaire low-tech dans la cabine du Nomade des Mers. ©Low-Tech Lab
    Caroline Pultz répare une lampe solaire low-tech dans la cabine du Nomade des Mers. ©Low-Tech Lab

    Si l’aventure peut faire rêver, tout n’est pas paradisiaque : il y a parfois des ratés, des pistes abandonnées d’innovation low-tech, qui peuvent peser sur le moral. Caroline détaille : « Comme ce mode de vie est en perpétuelle création, certains jours nous nous voyons reculer de trois pas, et cela peut être décourageant. »

    Une vitrine supplémentaire : le surf

    Le Nomade des Mers ne navigue pas seul. L’équipe a réalisé plus de 25 documentaires de 30 minutes en partenariat avec Arte, pour mettre en avant des initiatives low-tech. Wave of Change est un film qui sort à la fin du mois de juin 2021, financé en partie par Picture of everything, une marque française de vêtements éco-responsable.

    Guénolé Conrad décrit sa genèse : « Damien Canterra, un ami surfer et explorateur, voulait faire un film d’aventure, pour s’adresser via l’angle du surf à un public nouveau. Le but est de faire découvrir avec la pratique du surf des innovations de low tech. » Au programme : réparation d’une planche de surf avec du mycélium de champignons, récupération de cire d’abeille pour faire de la wax… C’est d’ailleurs Caroline qui a participé à la réparation d’une planche à base de déchets de culture de pleurotes : « L’idée était de montrer que l’on peut produire les objets qui nous entourent non pas en utilisant des matières fossiles, mais en les faisant « pousser » afin que ces objets puissent retourner à la terre et la bonifier. » Une manière d’attirer le regard de la nouvelle génération sur de nouvelles pratiques : économiser les ressources et mettre en place des cercles vertueux.

    Attendu de pied ferme par tout le Low-Tech Lab, le bateau, avec à son bord Corentin et Caroline, devrait revenir au port de Concarneau à l’été 2022, après deux escales à Cuba et aux États-Unis.

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