La migration des populations en ville a provoqué un étalement vers sa périphérie et une congestion en son centre. Ce changement démographique a densifié les flux de personnes et de biens. D’un coup de pédale, La Petite Reine redonne un peu d’air… à la ville.
Des centres-villes encombrés
La moitié de la population française vit dans une zone urbaine de plus de deux cent mille habitants. Ces villes sont des nids à pollution sonore et atmosphérique, elles présentent une concentration importante de gaz et particules nocives pour la santé et l’environnement. Malgré des mesures, comme la limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES) par véhicule et le développement de transports en commun plus « propres », le secteur des transports, en France, reste tout de même le premier émetteur de GES avec 27 % des émissions.
Si le déplacement des personnes fait l’objet de nombreuses études et préconisations pour en limiter les effets, le transport de marchandises et en particulier le « dernier kilomètre » reste un domaine encore peu étudié. Un enjeu pourtant majeur d’après Daniel Boudouin, chercheur au cret-log [1] : « Les livraisons urbaines représentent plus de 30 % des émissions polluantes, pour 9 à 15 % de l’ensemble de la circulation urbaine. »
Outre les conséquences environnementales, le dernier kilomètre en centre-ville pèse sensiblement sur le coût du produit fini. À titre d’exemple, les livraisons urbaines représentent pour les articles de grande distribution 30 % du prix client. Face à ce constat environnemental et économique, il est essentiel de repenser ce dernier kilomètre.
Chambre à air
Deux leviers peuvent être actionnés pour donner de l’air à cet enfer urbain : la réalisation d’ELU (espaces de logistique urbaine) – des plateformes logistiques – et le recours à des véhicules moins polluants. Le premier relève avant tout de décisions politiques, les ELU étant en général mis en place par les collectivités locales (communes, agglomérations, chambres de commerce) ; le second peut être porté par des initiatives privées, en particulier des transporteurs.
La Petite Reine porte pour l’instant le maillot jaune dans cette démarche. En 2001, deux amis, soucieux de l’état de la planète, étudient ce dysfonctionnement urbain et font ce constat : « Une camionnette de livraison pèse plus d’une tonne, livre en moyenne moins de 100 kg de marchandises et parcourt environ 15 km par jour. Une aberration. » Ils imaginent et conçoivent un véhicule plus adapté : un triporteur assisté électriquement, qui peut transporter 180 kg de marchandises pour un poids de 100 kg et n’émet pas de CO2.
Un gain pour tous
Outre ses vertus écologiques, ce type de véhicule présente l’avantage, avec son poids plume et sa taille réduite, de ne pas endommager la voirie et de ne pas bloquer la circulation, en particulier lors des livraisons : un gain pour tous. Les commerçants peuvent se faire livrer toute la journée dans les centres piétons comme à Rouen où la circulation des véhicules thermiques est interdite après 11 heures.
Les « vélivreurs », qui échappent au stress des bouchons, entretiennent simultanément des relations conviviales avec les clients et leur condition physique : « Depuis deux ans que je travaille pour La Petite Reine, je n’ai jamais été malade, alors que je n’étais pas sportif et que le climat rouennais n’est pas toujours favorable », confirme Paul. Et in fine, les citadins respirent moins de gaz polluants. Selon Christophe Gomez, directeur délégué de La Petite Reine, « l’entreprise génère une économie de 3 tonnes de CO2/an/véhicule par rapport à ses concurrents. »
Une initiative écologique, économique et sociale
Outre l’avantage de rouler propre, La Petite Reine est devenue en dix ans une société durable [2]. Quatre étapes importantes ont marqué ce parcours. Le prologue : en 2001, la société commence par proposer ses services aux commerçants. La notion de développement durable encore peu développée rend ses débuts chaotiques.
En 2003, elle aborde son premier virage important : La Petite Reine devient un sous-traitant pour les entreprises de messagerie, notamment dans le quartier du Sentier à Paris, un vrai casse-tête pour les livraisons, et à Bordeaux, où la Chambre de commerce confie à La Petite Reine la gestion d’une plateforme de livraison en partenariat avec DHL. En 2009, La Petite Reine franchit un col : le groupe ARES spécialisé dans l’accompagnement social et l’insertion perçoit l’activité de livraison comme un tremplin intéressant. L’antenne parisienne de La Petite Reine devient entreprise d’insertion et intègre le groupe ARES, démontrant ainsi que social et écologique se conjuguent naturellement.
Dernière étape, en 2011, La Petite Reine s’extrait de la jungle de la sous-traitance de messagerie et rejoint le peloton des entreprises spécialisées de la livraison urbaine de proximité en intégrant le groupe Star Service. Cette société, qui était en réflexion pour réduire ses émissions de CO2 et répondre à la demande identique de ses clients, a trouvé avec La Petite Reine l’entreprise idoine. Elle lui permet de satisfaire simultanément son augmentation d’activité et sa démarche environnementale. Sous la bannière du dernier kilomètre, La Petite Reine présente une forme économique satisfaisante avec 45 salariés à temps plein (35 heures) dans trois agences (Paris, Rouen, Bordeaux), dotée d’une dimension sociale forte – 30% du personnel en insertion – tout en gardant ses gènes écologiques.
Texte et photos : Pascal Greboval