Il y a quelques jours, je venais de quitter une réunion Kaizen sise dans nos incroyables nouveaux locaux parisiens. Les concepteurs y ont malencontreusement oublié de poser des ventilations dans les salles de réunions qui ressemblent à de petits aquariums. J’arrivais haletant à la gare Saint-Lazare pour sauter dans mon train. Cette gare, c’est « ma » gare. Celle qui me permet de poser un pied conquérant dans la capitale et surtout de m’échapper rapidement pour retrouver mes verts pâturages normands.
J’arrive donc dans ma gare essoufflé et surtout terriblement assoiffé après ce séjour dans l’aquarium de réunion. Mon train était sur le point de partir, mais comme l’eau n’est soi-disant pas potable au lavabo des WC et que le petit chariot poussé par une aimable personne au célèbre refrain : « cafééé, boiiiissons fraiches, friiiiandises » a disparu de nos lignes non-TGV depuis quelques années (probablement pour des histoires de gros sous et de petits rendements), je me voyais contraint d’acheter une bouteille d’eau à la gare.
Je m’arrête donc devant la vitrine réfrigérée d’une de ces petites franchises dans le grand hall des Pas Perdus et là je reste coi. La main tendue pour saisir la précieuse bouteille en plastique je me fige en voyant le prix. [Je me permets ici de faire une petite digression, une fois n’est pas coutume. Je tiens à préciser que je ne suis pas radin, en effet je ne suis pas Normand de sang (comme le rédacteur en chef de Kaizen par exemple), mais seulement par nécessité. Reprenons]. Mes yeux restent rivés sur l’étiquette affichant le prix de la bouteille alors que dans mon cerveau une guerre civile vient d’être déclarée.
Mon cerveau droit tire le premier : « Mais enfin qu’est-ce que tu attends, tu vas la prendre cette bouteille, tu vois bien que tu meurs de soif ! »
Salve de retour de mon cerveau gauche : « C’est pas vrai, 3,20 euros le litre d’eau ! Même pas pétillante. Juste plate ! »
Cerveau droit : « Tu meurs de soif, ne réfléchis pas, tu as les sous dans ta poche, prends cette bouteille et saute dans le train. »
Cerveau gauche : « Mais 3,20 euros, ça fait presque 22 francs. Il y a peu de temps, avec 22 francs je pouvais m’acheter une boisson ET un repas à la gare ! »
Droit : « Tu meurs de soif, ton train va partir, tu ne tiendras pas 2 heures sans boire. Achète cette bouteille. »
Gauche : « Mais 3,20 euros c’est le prix moyen d’un mètre cube d’eau au robinet en France. Pour 1000 litres d’eau au robinet – soit 12 baignoires –, je n’ai ici qu’un tout petit litre en bouteille ! »
Droit : « Ton train va partir, achète cette bouteille nom de Zeus ! »
Gauche : « Mille fois plus chère, c’est incroyable, rien ne justifie ce prix exorbitant ! Sans compter qu’en l’achetant je paye la publicité de cette marque qui fait partie d’une grosse multinationale. Et le plastique, hein, j’en fais quoi après ? »…
Soudain au beau milieu de ce neuro-duel fratricide, j’entends la voix douce de cette ex-journaliste de FIP qui depuis 30 ans est modestement devenue The Voice de la SNCF. Avec son tact habituel, elle m’informe que mon train va partir dans un instant et que je dois vraiment prendre une décision. J’achète la bouteille. Je cours, saute dans le train. Je m’assois en sueur et sans salive. Puis je bois l’eau mille fois plus chère que celle du robinet. « Ça fait du bien », dit mon cerveau droit. « La honte », lui répond le gauche. Satané aquarium…
Et encore, que dire quand vous payez la petite bouteille de 250ml entre 2 et 2.50 euros, voila qui vous met le litre d’eau plate entre 8 euros et 10 euros! C’est le tarif dans les salles de cinéma, dans ces grands halls multiplex que l’on connait bien!!!