Une vingtaine d’élus le 28 juin dernier comptent surfer sur la vague écolo pour peser face au gouvernement et mener à bien leurs mesures environnementales. Un premier rendez-vous a posé les bases de cette union à Tours.
Dans le péristyle de l’hôtel de ville de Tours, la photo de famille est souriante malgré les masques. Au premier plan, le maire de Tours est entouré d’Anne Hidalgo et d’Eric Piolle, maires de Paris et de Grenoble. Autour d’eux, ils ont réuni la plupart des « jeunes » pousses vertes élues le 28 juin dernier à la tête des plus grandes villes françaises. Bordeaux, Lyon, Nancy, Montpellier, Nantes, Strasbourg, … Des anciens, des nouveaux, des écolos et des socialistes-écolos compatibles. L’union politique est scellée, un arc vert et rose formé autour des leaders Anne Hidalgo et Eric Piolle à l’initiative du projet pour créer un réseau de villes écologiques et solidaires.
Cette nouvelle union des villes vertes-roses pourra-t-elle renverser les choses, face au pouvoir politique, économique, et aux lobbies, pour permettre une transition écologique nécessaire ?
« Optimisme », « combat », « espoir », « renouvellement »… tout ce petit monde, qui pour la plupart ne se connaissaient pas il y a deux heures à peine, s’accorde sur leur discours en sortie de leur première réunion de travail. Beaucoup de nouveaux venus tels que la maire de Poitiers, Léonore Moncond’Huy, le maire de Tours Emmanuel Denis ou encore la maire de Besançon, Anne Vignot, qui « se sont découverts par « whatsapp » s’amuse le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic. Les numéros de portable s’échangent, les discussions s’enclenchent pour préfigurer ce qui pourrait devenir leur réseau.
« Nous souhaitons un contrepoids et un contrepouvoir au gouvernement »
Et les petites et moyennes communes écologistes dans tout ça ? [1], Quasiment pas représentées lors de ce premier échange (excepté Châtillon, commune des Hauts de Seine), les maires présents disent y réfléchir. Les problématiques semblent différentes entre une métropole et une ville rurale mais l’alliance reste ouverte et à définir.
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Car l’ambition affichée est de peser. Nous souhaitons « un contrepoids et un contrepouvoir au gouvernement » venu des territoires, se met à rêver Anne Hidalgo. Au-delà des ambitions personnelles des deux têtes d’affiche Hidalgo et Piolle, les nouveaux maires voient les villes comme un instrument pour mener la politique écologique et sociale qui traîne des pieds au niveau gouvernemental et européen. « C’est le bon échelon », assure Anne Hidalgo. Les discussions du duo Piolle-Hidalgo ont atterri aux oreilles du maire de Tours qui a lancé le premier l’invitation. C’est chose faite ce 21 juillet 2020, « 100 ans après la désunion des gauches au congrès de Tours. ».
Emmanuel Denis, maire de Tours, l’espère. « Cette première réunion de travail nous a permis de poser les bases sur ce que nous voulons : des politiques transversales qui irriguent le territoire avec la volonté d’avancer dans nos projets de ville. Et de travailler sur du long terme. Avec les urgences environnementales qui se posent à nous, nous ne pouvons plus faire des politiques à la petite semaine. »
« Il s’agit de s’inspirer les uns les autres et de peser ensemble »
Au-delà des sujets classiques sur la transition écologique, une quinzaine de thématiques ont été abordées par les élus. Des groupes de travail vont ainsi être mis en place par thématique, que ce soit sur la solidarité, la fiscalité, la 5G,… Les réunions se feront de visu, plus régulièrement via des visioconférences sur internet. Ce mouvement évoluera probablement vers une association mais les élus n’ont à ce stade pas tranché sur la forme. Concrètement, « il s’agit de s’inspirer les uns les autres et de peser ensemble », ajoute Emmanuel Denis. La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, évoque la constitution « d’un socle commun autour des défis écologiques, sociaux et démocratiques. Il y la volonté de s’unir. Eric Piolle, maire de Grenoble surenchérit. « On est dans un mouvement local, un travail très concret, les villes vont se fédérer et s’épauler les unes les autres. C’est travailler sur la lutte contre la pollution, comment se loger, se nourrir, améliorer sa santé, … »
Le maire de Tours, lui, évoque l’exemple du travail de Grenoble mené sur les écrans publicitaires, de Strasbourg sur « des pistes de vélo vertueuses », de Nantes sur les cantines bio, de Rennes contre la spéculation immobilière au centre-ville dont il compte s’inspirer. En clair, chacun compte sur les autres villes pour se soutenir afin de mener à bien le programme sur lequel il a été élu.
À Tours, la rénovation thermique des logements constitue une priorité. À Bordeaux, Pierre Hurmic compte « sur l’entraide du réseau pour appliquer l’encadrement des loyers. J’ai toujours pensé que c’était une urgence, cruciale pour Bordeaux et d’autres grandes villes, en proie à la spéculation. » À Strasbourg, Jeanne Barseghian ambitionne « de s’appuyer sur les autres villes françaises pour que [sa] ville pèse au niveau européen face aux institutions, notamment dans les politiques alimentaires. On pourra infléchir le règlement national, par exemple sur les pesticides. Nous sommes de nombreuses villes à vouloir de la transparence, des débats publics sur ces sujets majeurs pour l’environnement. Quand une ville est isolée, c’est plus compliqué d’agir. »
Des enjeux majeurs sur lesquels les nouveaux maires sont attendus au tournant. L’espoir de cette nouvelle force écolo sera–t-il un feu de paille ou bien transformé dans les faits ? Pierre Hurmic affiche son optimisme et exigence. « On n’a pas le choix ! Les attentes sont fortes et ces villes, on eu du mal à les conquérir, faut pas se planter ! » Le sage Bordelais, élu maire à 65 ans, sait de quoi il parle. Il a vu sa ville basculer après 73 ans de règne à droite.
[1] telles Naves (2300 hab, Corrèze), Plouezec (3200 hab, Côtes d’Armor ), Prades Le Lez (5400 hab, Hérault) ou encore Saint-Médard en Jalles (30.000 hab, Gironde)